Réglementation

Produits de protection des plantes : le cadre évolue

LAUDINE ALEM, CHARLOTTE ARBONA, ALEXIA BARRIER, SAFA BEN KRIMA, ALEXANDRE BENOIST, LAURA BOISSINOT, AURÉLINE BURC, GABRIELA NOELIA CABALLERO VIDAL, SANDRINE CHAILLOUT, MARGUERITE CHARTOIS, MARIE CORDONNIER, JEANNE DELOR, CAROLINE FABRESSE, RIM GARBOUJ, MA - Phytoma - n°695 - juin 2016 - page 10

Une journée sur les mesures réglementaires concernant les produits phyto et les missions des différents acteurs s'est tenue, le 8 mars dernier, à Paris.
Le certiphyto a été le sujet d'une des interventions de cette journée. Photo : M. Decoin

Le certiphyto a été le sujet d'une des interventions de cette journée. Photo : M. Decoin

La journée d'information sur la réglementation des produits de protection des plantes, organisée par l'AFPP, a eu lieu le 8 mars 2016 à la cité internationale universitaire de Paris. Elle a permis de clarifier le contexte réglementaire actuel et de présenter ses évolutions récentes.

Autorisations : compétences transférées au profit de l'Anses

Qui fait quoi depuis le 1er juillet 2015 ?

La première évolution présentée est le transfert de certaines compétences de la DGAL à l'Anses. Il a pour objectif déclaré de rendre plus impartiales les décisions relatives à la réglementation sur les produits de protection des plantes. Le 1er juillet 2015, les activités de délivrance d'autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques ont donc été transférées de la DGAL (Direction générale de l'alimentation du MAAF, ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt) à l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).

La DGAL conserve les missions suivantes :

- participer aux réunions communautaires concernant la réglementation des produits phytopharmaceutiques et l'approbation des substances actives ;

- imposer des mesures générales de gestion adaptées au niveau national (zones non traitées, ruissellement...) ;

- gérer les alertes (dépassement de limite maximale de résidus, par exemple) et organiser le suivi des effets non intentionnels ;

- animer le dispositif des usages orphelins ;

- édicter la réglementation nationale et la traduire en ordres de service.

Il faut rappeler que, depuis 2006, l'évaluation des risques liés aux substances actives et aux produits phytopharmaceutiques était déjà du ressort de l'Anses. Elle contrôle aussi les fabricants de produits phytosanitaires.

Le cas des dérogations 120 jours et des plans nationaux

Aujourd'hui encore, certaines missions exigent une action coordonnée entre les deux organismes.

C'est le cas des « dérogations de 120 jours » en application de l'article 53 du R(CE) 1107/2009 qui restent octroyées par la DGAL. En cas d'absence de solutions alternatives, ces dérogations autorisent l'utilisation de produits phytopharmaceutiques sans AMM, pour des usages limités et contrôlés et des durées limitées généralement à 120 jours.

Les deux organismes se partagent aussi la mise en place du programme national de contrôle ainsi que des plans de surveillance et de contrôle des résidus.

En ce qui concerne le programme national de contrôle, il a pour objectif de garantir la sécurité sanitaire des productions végétales, de protéger l'environnement et de s'assurer du respect de certains critères d'attribution des primes de la PAC.

En parallèle, les plans de surveillance et de contrôle des résidus visent à évaluer le niveau d'exposition des consommateurs, mais aussi à détecter les non-conformités d'utilisation des produits phytosanitaires. Les résultats de ces missions ont vocation à renseigner le dispositif de phytopharmacovigilance.

Autres évolutions réglementaires

Phytopharmacovigilance

L'autorité administrative, à travers la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, veille à la mise en place d'un dispositif de surveillance des effets indésirables des produits phytopharmaceutiques sur les organismes vivants et l'environnement.

Cette phytopharmacovigilance (PPV) est financée par une taxe créée spécialement pour cela et qui a été perçue pour la première fois en 2015 (sur les ventes de 2014). L'organisation de la PPV est détaillée dans la Figure 1.

La loi prévoit que les entreprises commercialisant des produits possédant des AMM doivent communiquer à l'Anses les informations dont elles disposent. Ces informations peuvent être relatives à un incident, un accident, un effet indésirable ou une baisse de l'efficacité d'un produit, en particulier résultant de l'apparition de résistances.

La phytopharmacovigilance a pour finalités :

- adapter les conditions d'utilisation des AMM (réduction de doses et conditions d'application) ;

- définir des mesures particulières à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables ;

- s'assurer du respect des interdictions d'usage de produits dont les substances actives ne sont plus approuvées au niveau européen.

Les trois piliers de ce dispositif sont les réseaux de surveillance, les études ad hoc et les signalements spontanés. Les réseaux de surveillance concernent les contaminations des milieux, la santé humaine et animale, la biodiversité, les résistances et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques (données de vente et enquêtes sur les pratiques culturales).

La phytopharmacovigilance évolue continuellement de concert avec des partenaires toujours plus divers. Les perspectives envisagées sont la poursuite et le lancement de nouvelles études, et la mise en place d'un dispositif de déclaration des effets indésirables.

Produits de biocontrôle

Les produits de biocontrôle (macro-organismes auxiliaires, médiateurs chimiques, micro-organismes et substances naturelles) sont soumis à une réglementation adaptée.

Pour les macro-organismes non indigènes, une autorisation préalable est nécessaire à toute entrée sur le territoire et introduction dans l'environnement, depuis le décret du 30 janvier 2012. L'Anses se charge d'évaluer le risque phytosanitaire et environnemental et c'est au ministère de délivrer l'autorisation par un arrêté. L'Anses a procédé à l'évaluation de sept dossiers depuis le transfert de compétences.

Les macro-organismes indigènes ou non indigènes déjà introduits avant le dispositif réglementaire sont dispensés d'autorisation. Ils sont répertoriés dans une liste (T0) qui comprend 448 organismes (125 espèces).

Pour faciliter l'inclusion des nouvelles phéromones de type SCLP (straight chain lepidopteran pheromones), la procédure d'évaluation a été simplifiée. Elle prend en compte les spécificités de ces produits en se basant sur des produits existants ou en développement.

Pour les micro-organismes, il existe deux règlements concernant respectivement les substances actives et les préparations. Ces règlements précisent les informations requises et les méthodologies à mettre en oeuvre pour leur utilisation. Des modèles sont disponibles en ligne pour aider à la constitution de dossiers d'approbation ou de renouvellement d'approbation pour les micro-organismes.

Concernant les extraits de plantes, un document-guide est élaboré pour pouvoir évaluer ces produits.

Catalogue des usages

Le Catalogue national des usages phytopharmaceutiques a été révisé par l'arrêté ministériel du 26 mars 2014. L'objectif de simplification a été atteint puisqu'une réduction d'environ 40 % du nombre d'usages référencés a été effectuée.

Un usage phytopharmaceutique est :

- l'association d'un végétal ou d'une famille de végétaux, d'un mode d'application et d'un organisme nuisible ou d'un groupe d'organismes nuisibles (exemple : carotte/traitement des parties aériennes/mildiou) ;

- l'association d'un végétal ou d'une famille des végétaux avec une fonction (exemple : céréales/désherbage).

Afin d'être en accord avec le règlement CE 396/2005 fixant les limites maximales de résidus (LMR), certains usages ont été restructurés. Par soucis de simplification, des regroupements d'espèces végétales ont été effectués. Ainsi, l'usage « traitement des parties aériennes contre acariens et phytoptes » s'applique désormais à toutes les espèces d'agrumes. De même, des regroupements de bioagresseurs ont eu lieu. Enfin, afin de couvrir des usages orphelins, certaines portées des usages ont été élargies.

Il faut noter que, dans le cadre de la reprise des AMM par l'Anses, celle-ci a repris la responsabilité de la publication de la base de données e-phy. Le nouvel e-phy est accessible depuis le 2 mars 2016 (voir « Liens utiles », ci-dessous).

Témoignages

Les différents sujets abordés au cours de cette journée soulèvent certaines questions. Deux interventions ont mis en perspective l'ensemble des points abordés précédemment.

Perturbateurs endocriniens

Rémi Bars, responsable recherche en toxicologie chez Bayer, s'est exprimé sur les perturbateurs endocriniens. Il propose que l'exposition soit davantage prise en compte dans l'évaluation du risque (risque = danger × exposition), et que la caractérisation du danger soit reconsidérée (type et degré de perturbation endocrinienne). Selon lui, les processus d'évaluation des perturbateurs endocriniens devraient prendre en compte la relation dose-effet.

Le ressenti d'un agriculteur

Michaël Jacquemin, agriculteur en polyculture élevage dans la Marne, fait partie des réseaux Farre et des fermes Dephy. En tant qu'acteur du monde agricole, il a souligné la lourdeur de la réglementation qui est perçue comme une contrainte importante sur le terrain.

Il rappelle notamment le poids administratif et la multitude de formations spécifiques nécessaires à l'utilisation de produits phytosanitaires. Il déplore que le retrait de certaines molécules puisse entraîner des impasses techniques et donc des distorsions de concurrence avec d'autres pays exportateurs.

Le métier d'agriculteur serait pour lui devenu moins autonome : ses décisions dépendraient davantage des conseils des distributeurs et des coopératives du fait des nombreuses contraintes réglementaires. Au sein du domaine de la protection des plantes, les avis divergent et ces interventions apportent des éléments sur la façon dont est perçue la réglementation.

(1) Voir Phytoma n° 692, p. 4.

1 - Zoom sur... le certiphyto

Mis en place dans le cadre du plan Écophyto 1, le certiphyto (certificat individuel phytosanitaire) a pour objectif de sécuriser l'emploi des produits phytosanitaires en formant leurs utilisateurs.

Sa détention est obligatoire pour tous les professionnels depuis novembre 2015. La première version du certiphyto (ou plutôt des certiphytos, car il en existait neuf catégories) était valable dix ans pour les agriculteurs et cinq ans pour les autres professionnels concernés.

Trois modalités d'obtention existaient :

- le suivi d'une formation ;

- un test de connaissances ;

- la détention d'un diplôme dans le domaine agricole (liste officielle publiée) depuis moins de cinq ans.

Entre son lancement et fin 2015, 513 898 certificats ont été délivrés.

Le plan Écophyto 2 prévoit un renforcement de la formation initiale et une rénovation de la structure du certiphyto.

Ainsi, les neuf catégories de certificats ont été réorganisées en seulement cinq, adaptés aux trois domaines suivants :

- l'application déclinée en certificats décideurs et opérateurs (qu'ils soient agricoles ou non) ;

- la distribution séparée en deux certificats mise en vente et vente ;

- le conseil.

D'autre part, dans un souci de simplification, aucune évaluation ne serait nécessaire en fin de formation menant au renouvellement du certificat.

Enfin, la durée de validité sera de cinq ans pour tous les certiphytos délivrés après la sortie du décret (encore attendu le 8 mars et même à l'heure où nous mettons sous presse).

2 - Les CEPP : mode d'emploi

Les certificats d'économie des produits phytopharmaceutiques, ou CEPP (ordonnance 2015-1244 du 7 octobre 2015), sont basés sur le principe des certificats d'économie d'énergie.

Ils ont pour but d'encourager les distributeurs à limiter les ventes de produits phytopharmaceutiques au profit de solutions alternatives. Ils seront mis en oeuvre à compter du 1er juillet 2016 pour une durée de cinq ans.

Quels professionnels sont concernés ?

- les « obligés » : tous les distributeurs de produits à usage agricole et destinés à des professionnels ;

- les « éligibles » : tous les professionnels associés à une activité de conseil en produits phytosanitaires.

Ces deux catégories ne concernent que les acteurs en métropole.

Quels sont les produits concernés ? Tous les produits phytosanitaires, mis à part les produits de biocontrôle et les produits de traitement de semences.

Comment ça marche, dans la pratique ?

Dans un premier temps, un objectif de réduction des ventes de produits phytosanitaires a été associé à chaque acteur. Ce dernier est chiffré en CEPP et calculé à partir des ventes des cinq années précédentes.

Le système repose ensuite sur la mise en place de fiches d'action standardisées qui répertorient toutes les actions associées à une économie des ventes de produits phytosanitaires. À chaque action correspond un gain donné en CEPP. En cas d'objectifs non atteints, une pénalité financière peut être appliquée.

Cette pénalité est proportionnelle à l'écart entre objectifs et CEPP réellement acquis et repose sur le contrôle de pièces justificatives par la Draaf ou la SRAL de la région.

Certains éléments du dispositif restent encore à préciser (ce qui est le cas des DOM-TOM...) mais ce système reste expérimental dans le paysage règlementaire de l'agrofourniture.

Fig. 1 : Organisation de la phytopharmacovigilance (PPV)

Source : Anses (d'après la communication faite le 8 mars 2016).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le 8 mars, l'AFPP a organisé une journée sur la réglementation des produits phytopharmaceutiques avec ses évolutions récentes et en cours.

ÉTAT DES LIEUX - Le point a été fait sur :

- le transfert de la délivrance des AMM du ministère de l'Agriculture vers l'Anses ;

- le nouveau PPV, créé grâce à une taxe prélevée pour la première fois en 2015 ;

- l'avancement de la réglementation sur les produits de biocontrôle ;

- le bilan du certiphyto et le projet de sa refonte ;

- le point sur le catalogue des usages ;

- l'expérimentation prévue des CEPP.

MOTS-CLÉS - Réglementation, produits phyto-pharmaceutiques, AFPP (Association française de protection des plantes), AMM (autorisation de mise sur le marché), Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), PPV (phytopharmacovigilance), biocontrôle, certiphyto, CEPP (certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques).

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *ÉTUDIANTS PPE (protection des plantes et environnement) AgroCampus Ouest, Montpellier SupAgro, AgroParisTech.

CONTACTS : lilian.gout@agroparistech.fr

ivan.sache@agroparistech.fr

LIENS UTILES : www.afpp.net

https://ephy.Anses.fr

BIBLIOGRAPHIE : les communications de cette journée sont disponibles auprès de l'AFPP (lien ci-dessus).

L'essentiel de l'offre

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