DOSSIER - Méthodes alternatives

Protection intégrée en grandes cultures : réalités et perspectives

NATHALIE VERJUX*, LUDOVIC BONIN**, RÉGIS DOUCET**, DENIS GAUCHER***, CLAUDE MAUMENÉ***, BENJAMIN PERRIOT*** ET DANIÈLE SIMONNEAU***, D'APRÈS LEUR COMMUNICATION À LA 6E COMAPPI DE L'AFPP, À LILLE, 21 AU 23 MARS 2017 - Phytoma - n°702 - mars 2017 - page 24

Revue de la protection intégrée pour trois cultures : blé tendre, maïs et pomme de terre, avec la place qu'y tiennent les méthodes alternatives, dont le biocontrôle.
Blé, maïs, pomme de terre : les méthodes de lutte directe (alternatives et conventionnelles) font partie des outils de protection intégrée de ces cultures, avec les méthodes indirectes.  Photo : Pixabay

Blé, maïs, pomme de terre : les méthodes de lutte directe (alternatives et conventionnelles) font partie des outils de protection intégrée de ces cultures, avec les méthodes indirectes. Photo : Pixabay

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Tableau 1 : principaux ravageurs et maladies du blé tendre d'hiver, du maïs et de la pomme de terre

Tableau 1 : principaux ravageurs et maladies du blé tendre d'hiver, du maïs et de la pomme de terre

Tableau 2 : valeurs d'IFT moyennes

Tableau 2 : valeurs d'IFT moyennes

Tableau 3 : résistances variétales prises en compte à l'inscription au catalogue français d'après le CTPS (règlement technique 2016)

Tableau 3 : résistances variétales prises en compte à l'inscription au catalogue français d'après le CTPS (règlement technique 2016)

La protection des grandes cultures contre les maladies, ravageurs et adventices repose aujourd'hui majoritairement sur l'usage de produits phyto(1). Or, le contexte se durcissant, cette voie est remise en question et l'adoption de la lutte intégrée est encouragée.

Contexte actuel

Une réglementation de plus en plus stricte

Aujourd'hui, les nombreuses actualités réglementaires vont toutes dans le même sens : restrictions d'usage ou interdictions des produits phyto conventionnels(2).

D'abord, plusieurs mesures du règlement 1107/2009 qui encadre l'approbation des substances actives au niveau européen contribuent à réduire le nombre de solutions phyto : critères d'exclusion, listes de substances substituables, classement des métabolites, seuils de tolérance, application du guideline pour la protection des abeilles, prises en compte des risques de transfert dans l'air et d'« effets cocktail », etc.

De plus, la France suit une ligne restrictive pour attribuer les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits commerciaux et/ou définir les mesures de gestion accompagnant ces AMM. Le plan Écophyto 2 réaffirme l'objectif de réduire de moitié les utilisations et expérimente les CEPP(3). De nouveaux débats concernent des précautions supplémentaires vis-à-vis des abeilles, des travailleurs et du voisinage.

Cette évolution est liée à la surveillance accrue des impacts des produits phyto (environnement, santé, résistances). C'est aussi une réaction à la pression médiatique qui exacerbe tout incident sans éclairer l'analyse bénéfices/risques ni encourager les progrès dans la réduction des expositions.

Les résistances des bioagresseurs aux produits sont à considérer. La raréfaction des solutions, intensifiant la pression de sélection sur un nombre réduit de modes d'action, augmente le risque de résistance.

Enfin, le changement climatique et l'augmentation des échanges internationaux contribuent à accroître les menaces de développement de bioagresseurs nouveaux ainsi que la recrudescence de bioagresseurs jusqu'ici bien maîtrisés, avec des dynamiques difficilement prévisibles.

La protection intégrée, une réponse

Dans ces circonstances, le modèle de protection des cultures doit muter. En combinant tous les leviers disponibles, la protection intégrée donne le cadre pour concevoir les itinéraires de protection de l'avenir.

Selon la directive européenne 2009/128/CE, la lutte intégrée vise à construire une boîte à outils permettant de combiner les méthodes prophylactiques, d'analyse de risques et de lutte directe d'abord alternatives, sans exclure l'usage raisonné des produits phyto. Elle ne propose pas d'itinéraires clé en main, mais des outils à assembler en fonction des objectifs et contraintes de chaque exploitation (Ricci et al., 2011). Les faisabilités techniques et économiques de chaque outil sont à évaluer par une approche multicritère, tenant compte de la variabilité des systèmes de culture.

Cet article vise à évaluer le contenu de cette boîte à outils sur trois cultures : le blé tendre d'hiver, le maïs et la pomme de terre. Partant des enjeux (besoins de protection), il s'agit de voir si les producteurs disposent dès à présent des outils pour mettre en oeuvre une protection moins dépendante des produits phyto.

Une synthèse de l'existant

Pour simplifier, nous n'aborderons pas la protection des produits après récolte. Notre objectif est de réaliser un point qualitatif sur les leviers majeurs de la lutte intégrée déjà diffusés, d'en révéler les lacunes et de tracer les principales perspectives de la recherche. Pour cela, nous avons opté pour une revue à partir :

- des travaux d'Arvalis, souvent conduits en collaboration avec la recherche publique ou privée et le développement agricole ;

- des fiches AFPP sur la protection intégrée des cultures (Acta-AFPP, 2013) ;

- du portail Écophytopic ;

- de la boîte à outils de Farre (Forum des agriculteurs responsables respectueux de l'environnement) ;

- du site du métaprogramme Inra Smach.

Cette revue de l'existant, partielle mais multisource, permet d'évaluer le chemin restant à parcourir.

Elle comprend quatre points :

- contours de la protection intégrée des cultures ;

- enjeux/principaux bioagresseurs et utilisation des produits phyto ;

- leviers disponibles et limites ;

- perspectives et besoins de recherche.

Contours de la protection intégrée des cultures

Huit principes européens

La directive 2009/128/CE « instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatibles avec le développement durable » (dite DUD) impose la mise en oeuvre de la lutte intégrée depuis décembre 2014, et la définit comme « la prise en considération attentive de toutes les méthodes de protection des plantes disponibles ». L'annexe 3 liste huit principes : prévention, surveillance, raisonnement, méthodes alternatives(4), réduction des risques et des usages, gestion des résistances et évaluation de la réussite.

Les sept leviers

Arvalis a conçu un schéma (Figure 1) qui identifie sept leviers de la lutte intégrée, répartis en trois niveaux : la prophylaxie, la caractérisation du risque et les méthodes de lutte directe (Verjux et al., 2016).

La prophylaxie vise à défavoriser l'installation et le développement des bioagresseurs. Elle repose sur trois leviers :

- la conduite culturale (choix de la parcelle, rotation et culture précédente, gestion de l'interculture et des couverts, travail du sol, semis-plantation, amendement, fertilisation, irrigation, certaines plantes de service, récolte/gestion des résidus et des déchets, hygiène des matériels, environnement de la parcelle, etc.) ;

- la génétique ;

- la favorisation des auxiliaires présents ou arrivant spontanément.

Au coeur du raisonnement, la caractérisation du risque permet d'identifier les bioagresseurs et d'évaluer l'importance de l'agression.

Enfin, les méthodes de lutte directe sont :

- la lutte physique (mécanique, thermique, barrières physiques...) ;

- la lutte chimique raisonnée incluant les mesures améliorant l'efficience des pulvérisations et réduisant les impacts ;

- le biocontrôle sensu stricto et certaines plantes de service.

Les enjeux

Principaux bioagresseurs et nuisibilités

Selon la liste prioritaire de bioagresseurs surveillés dans le cadre des BSV (Bulletins de santé du végétal), chacune des trois cultures compte entre douze et trente maladies ou ravageurs préjudiciables. Sans faire la liste exhaustive de ces bioagresseurs et des particularités régionales et interannuelles, le Tableau 1 présente une synthèse. Il convient d'y ajouter les adventices.

Les préjudices sont la perte de rendement mais aussi de qualité des produits et/ou l'augmentation des risques sanitaires. Par exemple, on estime à 17,5 q/ha la perte de rendement moyenne due aux maladies foliaires sur blé tendre d'hiver. La présence de fusariose (F. graminearum) sur céréales peut produire des mycotoxines type DON. Le dépassement des seuils réglementaires d'ergot dans les lots de semences ou destinés à la consommation fait déclasser les lots. Enfin, il existe des interactions entre bioagresseurs : les foreurs du maïs favorisent les fusarioses productrices de mycotoxines, le mildiou sur tubercules de pomme de terre ouvre la voie à des champignons ou bactéries.

Niveau d'utilisation des produits phyto

Les niveaux moyens d'IFT (indicateur de fréquence de traitement, somme des rapports entre la dose utilisée et la dose homologuée pour chaque usage) sur une campagne sont respectivement de 1,9 pour le maïs, autour de 4 pour le blé tendre et de 17 pour la pomme de terre, dont 13 pour la protection contre le mildiou (Tableau 2).

Leviers disponibles et limites : la prophylaxie

Conduite culturale

En partant de la Figure 1, nous présentons les acquis et limites pour chacun des leviers au vu des travaux largement diffusés.

Les effets de la conduite culturale sur les bioagresseurs des grandes cultures sont relativement bien décrits et largement diffusés (Arvalis, fiches accidents). Les préconisations les plus emblématiques concernent :

- la gestion des adventices (Colbach et Vacher, 2014 ; Bonin et al., 2016) ;

- l'effet des cultures intermédiaires sur les adventices (Arvalis, 2011 ; Metais, 2015) ;

- l'effet des cultures précédentes ou des rotations sur le cycle des ravageurs et maladies (Agrotransfert, 2011 ; Verjux et al., 2015) ;

- l'effet des retards de dates de semis du blé tendre sur la gestion des graminées d'automne, la réduction des risques pucerons et cicadelles mais aussi la diminution du rendement (Deswarte et al., 2016).

Les agroéquipements se développent, tels que les outils pour la récolte de menues-pailles (Metais, 2016). En revanche, il faut développer la connaissance des cycles des virus et des bioagresseurs du sol, et celle du rôle des cultures intermédiaires sur les ravageurs avec les interactions complexes entre culture, plantes relais, ravageurs et auxiliaires.

Lutte génétique

Le Tableau 3 p. 28 présente les bioagresseurs pris en compte pour l'inscription au catalogue français.

En blé, le progrès génétique a permis la réduction moyenne de nuisibilité des malades foliaires de 0,4 q par hectare et par an sur douze ans (Du Cheyron et Lorgeou, 2015) grâce aux critères d'inscription (Bernicot et al., 2015).

En pomme de terre, les variétés très résistantes au mildiou du feuillage (notes ≥ 7) permettent de réduire d'environ 30 % les fongicides appliqués par rapport à une variété sensible (Baglot et al., 2016). Dans certains cas, le levier génétique peut être le moyen le plus efficace de lutte (ex. : cécidomyie orange), voire le seul connu (mosaïque des céréales).

Méthode alternative majeure, ce levier n'en présente pas moins des limites :

- les travaux de sélection sont longs et doivent concilier plusieurs objectifs (productivité, qualité, résistance aux stress) ;

- toutes les cibles ne sont pas couvertes ;

- pour le producteur, le choix variétal est un compromis entre productivité, exigences des contrats, adaptation aux conditions pédoclimatiques et résistance aux stress ;

- les bioagresseurs peuvent s'adapter et contourner en quelques années les résistances variétales (par exemple, le cas des rouilles du blé).

Utilisation des auxiliaires en place

Cette forme de prophylaxie, qualifiée aussi de « lutte biologique par conservation », consiste à favoriser les auxiliaires issus de l'environnement des cultures et pouvant les coloniser spontanément. Les connaissances sur les auxiliaires et leurs habitats s'affinent (projet Auximore, 2014 ; Tosser et Chabert, 2016). Mais l'efficacité de la régulation reste mal connue ainsi que l'optimisation technico-économique des aménagements bénéfiques.

Sur pucerons des épis du blé, la régulation naturelle est efficace sur infestation modérée mais pas sur forte infestation (Taupin et Tosser, 2015). Peu de travaux abordent la question des vertébrés (oiseaux, rongeurs).

Caractérisation des risques

Sur grandes cultures, des méthodes d'identification, des grilles de risques et des outils d'aide à la décision existent, mais sans couvrir tous les bioagresseurs majeurs. La principale problématique est d'élaborer plus rapidement de tels outils pour ajuster la lutte aux situations le nécessitant, être en capacité d'y inclure tous les leviers (biocontrôle ou auxiliaires, par exemple) et aller jusqu'à l'aide à la décision stratégique. Les travaux initiés sur l'influence du paysage sur le développement des bioagresseurs sont également prometteurs pour identifier les facteurs favorisants et de nouvelles pistes de prophylaxie.

Lutte directe

Lutte physique

Il existe des références sur le désherbage mécanique des trois cultures (Itab, 2012). Les principaux freins sont le manque de jours disponibles pour le blé, le maintien de l'intégrité des buttes sur pomme de terre et la gestion des vivaces et des infestations sur le rang en maïs. Enfin, des résultats sur le défanage de la pomme de terre (Vacher et Martin, 2016) montrent l'intérêt de combiner broyage et défanant.

Lutte chimique raisonnée

Les conseils portent sur l'amélioration des pratiques pour réduire les risques de transfert (Marks-Perreau et al., 2015 ; Perriot, 2016) et de résistances (note commune, 2016), ainsi que l'amélioration de l'efficience de la pulvérisation (Arvalis, 2013).

Les innovations pour une pulvérisation plus précise sont nombreuses : réduction de dérive, injection directe, assistance par GPS, pulvérisation localisée, rampes à faibles écartements entre buses (Perriot, 2016)...

Biocontrôle, plantes de service et couverts

Le développement d'innovations de biocontrôle est attendu mais, aujourd'hui, les solutions autorisées sont rares : moins d'une dizaine pour les trois cultures considérées.

Les principaux manques relèvent de la compréhension de la réceptivité des plantes aux éliciteurs (Maumené et Moureaux, 2015), de la lutte biologique (opérationnelle seulement contre la pyrale du maïs) et du développement de l'écologie chimique (Thibord et al., 2015 ; Gaucher et al., 2016).

Côté plantes de service et couverts, il existe peu de solutions opérationnelles. La biofumigation a été testée sans grand succès contre le rhizoctone sur pomme de terre (Collectif, 2013 ; Gaucher et al., 2016).

La couverture permanente du sol associée au semis direct fait l'objet de travaux y compris avec des réseaux de producteurs, mais reste rare en France car insuffisamment maîtrisée. Elle serait intéressante pour gérer les adventices mais avec des risques accrus de limaces ou rongeurs et une dépendance au glyphosate (Labreuche et Sauzet, 2016 ; Jezequel, 2016 ; Toqué et al., 2016). Enfin, des lacunes existent sur les plantes compagnes répulsives et plantes-pièges.

Exemples de combinaisons

Sur adventices et maladies

Les exemples de combinaisons de leviers sont désormais nombreux : gestion durable des adventices à l'échelle de la rotation (Bonin et al., 2015 ; Toupet et al., 2015), lutte contre la fusariose (Gourdain et al., 2015), l'ergot (Arvalis, 2015 ; Maumené et al., 2015), le mildiou de la pomme de terre (Verjux et al., 2014). Ils concernent en priorité les cibles pour lesquelles la lutte chimique n'existe pas ou se montre insuffisante ou menacée.

D'autres combinaisons sont à concevoir pour les bioagresseurs majeurs, ou à poursuivre, comme la lutte contre la JNO (Robin et Thibord, 2016) ou les taupins (Thibord et al., 2015 ; Larroudé et Thibord, 2015).

Le cas des blés rustiques

Les résultats du réseau « blés rustiques » sont une autre illustration des mesures combinées. Deux cent dix-huit essais ont été conduits de 2003 à 2016 par l'Inra, les chambres d'agriculture, les Civam et Arvalis. Ils comparaient un itinéraire raisonné ITK2 à un itinéraire à bas niveau d'intrants ITK3 (densité inférieure de 40 %, moins trente unités d'azote, en général pas d'azote au tallage, variété peu sensible aux maladies et résistante à la verse).

L'ITK3 permet de réduire l'IFT moyen de 1,6 point, mais avec une baisse de rendement moyenne de 9 %, pas systématiquement compensée par la réduction des charges. Il y a une perte de marge semi-nette à partir de 150 €/t de blé (Félix, 2016). Ce résultat a freiné le développement de ce type d'approche exclusivement basé sur des mesures prophylactiques.

Systèmes de culture

Enfin, la recherche sur les systèmes de culture est dynamique (RMT SDCI, réseau de fermes Dephy, réseau Dephy Expé, plateformes interinstituts Syppre...). Les systèmes de culture performants économiquement et faiblement dépendants aux PPP ont généralement deux profils : présence de maïs dans la rotation et/ou allongement des rotations avec présence de prairies temporaires (Écophyto, réseau Dephy Ferme, 2015). La gestion de la flore s'avère délicate dans ce type de systèmes à bas niveau d'intrants (Toqué et al., 2013). Il reste à imaginer des systèmes performants moins dépendants des PPP, sans rupture de rotation, plus facilement accessibles à toutes les exploitations.

Perspectives et nécessité de poursuivre les recherches

Au vu de l'état des lieux précédent, les axes de recherche nécessaires reposent sur :

- la génétique (intégration de nouvelles cibles de résistances, en particulier virus et ravageurs, pouvoir couvrant, port et architecture [Perriot et al., 2014], rhizobiote, réceptivité aux éliciteurs, gestion des gènes de résistance à l'échelle paysagère) ;

- le biocontrôle (stimulation des défenses, écologie chimique en étudiant les récepteurs olfactifs des insectes, lutte biologique, insectes « infirmiers »...) ; le contexte est porteur (Écophyto, Consortium, RMT Elicitra, trente équipes de recherche Inra impliquées dans le réseau interne EMBA, Ecological Management of Bioagressors in Agroecosystems)... les orientations intéressant les grandes cultures restent à développer ;

- l'écologie microbienne (interactions entre micro-organismes de la plante, du sol et bioagresseurs, impacts des mycorhizes) ;

- les plantes de service et les couverts permanents ;

- les capteurs de détection pour la cartographie, le phénotypage ou l'identification présymptomatique (Gouache, 2015) mais aussi les nez électroniques, les capteurs de sons et les pièges connectés ;

- les robots de désherbage (entretien mécanique ou pulvérisation ciblée) (Cabeza-Orcel et Berducat, 2016) ;

- le pulvérisateur intelligent (buses asservies par un capteur...) (Verjux et al., 2016) mais aussi l'ajustement des doses et volumes de bouillie à la biomasse ;

- la modélisation et les OAD connectés aux données obtenues en temps réels ;

- la prise en compte de l'impact du changement climatique.

Enfin, les recherches à l'échelle des paysages et territoires et sur la régulation naturelle se multiplient (voir métapogramme Smach, appels à projet 2013 et 2014) ainsi que les approches plus sociologiques (Smach 2016).

Conclusion

Effets à anticiper

Le constat est sans appel. Le besoin de protection est grand, les pratiques actuelles sont décriées ou menacées, mais les solutions de remplacement ou d'association sont encore insuffisantes pour répondre à la majorité des exploitations agricoles.

Des voies existent mais ne pourront être déployées à large échelle sans effets sur les stratégies de développement de l'agriculture française, avec des effets à anticiper. Ainsi l'allongement des rotations exige d'autres cultures et d'autres marchés.

Recherches lancées : gare aux écueils

Les besoins de recherche sont immenses. Si les domaines de la génétique, du biocontrôle (micro-organismes, substances naturelles) et des agroéquipements/capteurs semblent dynamiques et priorisés par la recherche publique et privée (rapport Agriculture et innovations 2025), ils ne sont pas sans écueils : temps long des recherches mal pris en compte par les financeurs et politiques, controverses sur les NBT (new breeding technologies), critères de définition du biocontrôle qui pourraient freiner l'innovation... La protection par voie agroécologique basée sur la prophylaxie et le renforcement de la biodiversité fonctionnelle semble aussi trouver sa place (Deguine, 2016).

Des secteurs manquent de moyens

Mais l'absence ou la dispersion des moyens en grandes cultures sur d'autres domaines est à déplorer : lutte biologique par inondation, écologie chimique, écologie microbienne, plantes de service et gestion des couverts, pour ne citer que des leviers prometteurs et nécessitant un renforcement urgent des ressources.

Nous avons besoin d'une recherche rassemblée et concentrée :

- qui s'intéresse en priorité aux solutions à concevoir avant d'évaluer les freins au changement ;

- qui évalue les solutions ou combinaisons de solutions sur des critères multiples alliant efficacité, faisabilité technique, impacts et rentabilité économique ;

- qui place l'objectif de maîtrise des bioagresseurs et de réduction des impacts au-dessus de l'injonction de la baisse des usages de PPP.

La réussite de la protection intégrée viendra du flux d'innovations (Ricci et al., 2011). Loin des controverses, elle ne doit oublier aucune échelle ou méthode : analytique vs systémique, efficience ou substitution vs reconception, agroécologique vs technologique, parcelle vs territoire, recherche participative vs recherche descendante... La protection intégrée en grandes cultures est une nécessité, elle est en marche mais la route sera longue : veillons à ne plus perdre de précieuses années !

*Arvalis-Institut du végétal Montardon. **Arvalis-Institut du végétal Pusignan. ***Arvalis-Institut du végétal Boigneville. (1) Dans tout cet article, phyto = phytopharmaceutique. (2) Conventionnel = issu de la chimie de synthèse. (3) Certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques. (4) alternatives à l'usage de produits phytopharmaceutiques conventionnels.

Fig. 1 : Les trois niveaux et les sept leviers de la protection intégrée

Cette représentation a pour principaux atouts d'offrir une vision équilibrée des différents compartiments prophylaxie-risque-lutte et de faire reposer la protection intégrée sur sa base prioritaire de prévention des risques.

REMERCIEMENTS

REMERCIEMENTS aux équipes d'Arvalis et à leurs partenaires de la recherche publique et privée et du conseil agronomique pour leurs travaux de recherche et leurs supports de diffusion.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La lutte intégrée est un modèle de protection qui doit s'imposer face à une réduction des usages permis de produits phytopharmaceutiques.

Elle repose sur la combinaison de différentes méthodes de protection intégrant la prophylaxie, la caractérisation des risques et la lutte directe (usage de produits phyto conventionnels et méthodes alternatives).

CONSTAT - Un tour d'horizon des leviers en grandes cultures montre que nous sommes loin de disposer d'une gamme suffisante d'outils opérationnels pour maîtriser les bioagresseurs les plus préjudiciables sur blé tendre, maïs et pomme de terre.

Des voies de recherche semblent prometteuses. Elles nécessitent une mobilisation accrue pour espérer offrir, à temps et pour le plus grand nombre, les solutions nécessaires aux itinéraires de protection de demain.

MOTS-CLÉS - Protection intégrée, grandes cultures, blé, maïs, pomme de terre, prophylaxie, lutte directe, analyse de risques.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT :

n.verjux@arvalisinstitutduvegetal.fr

LIENS UTILES : www.afpp.net

www.fiches.arvalis-infos.fr

www.ecophytopic.fr

www.boitagri.com

http://unebetedansmonchamp.fr/fiches/

www.smach.inra.fr

www.geves.fr

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (44 références) est disponible auprès de Nathalie Verjux (contact ci-contre) et dans la communication AFPP source (voir lien utile AFPP).

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