DOSSIER - Jardins, espaces végétalisés et infrastructures

Produits phyto professionnels en jevi : que permet la loi ?

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°705 - juin 2017 - page 16

Le passage au « zéro phyto chimique » d'une partie des jevi le 1er janvier dernier est, bien évidemment, l'événement réglementaire le plus remarqué depuis un an. Mais ce n'est pas le seul survenu sur la période. Le point.
La réglementation « zéro herbicide chimique » s'applique depuis début 2017 sur cet espace. Photo : Fredon NPdC

La réglementation « zéro herbicide chimique » s'applique depuis début 2017 sur cet espace. Photo : Fredon NPdC

Tableau 1 : nouveautés en matière de protection contre des ravageurs

Tableau 1 : nouveautés en matière de protection contre des ravageurs

Tableau 2 : nouveautés en matière de désherbage et de protection contre les maladies

Tableau 2 : nouveautés en matière de désherbage et de protection contre les maladies

Il aura fallu pas moins de trois lois pour organiser l'interdiction des produits phyto(1) conventionnels dans les espaces publics ! D'abord la « loi Labbé », puis deux autres... Où en sommes-nous ?

Règles réservées aux jevi

Rappel : en 2014 la loi Labbé, en 2015 celle de transition énergétique

Souvenez-vous, la loi Labbé de février 2014(2) avait décidé d'interdire, dans les espaces appartenant à des personnes publiques et ouverts ou accessibles au public, les produits phyto soumis à AMM (autorisation de mise sur le marché), sauf ceux de biocontrôle au sens de l'article L. 253-5 du code rural et ceux à faible risque au sens de la réglementation européenne.

À l'époque, la mesure devait s'appliquer le 1er janvier 2020, la liste des produits de bicontrôle épargnés n'existait pas (elle est sortie en novembre 2016(3)) et aucun produit n'était reconnu à faible risque car aucune substance active n'était approuvée comme telle par l'Union européenne(4).

Puis la loi avait été modifiée. En août 2015, l'article 68 de la loi de transition énergétique(5) avait avancé au 1er janvier 2017 la date d'interdiction sur les espaces publics. Cet article avait ajouté les « voiries », sauf dans leurs zones « étroites et difficiles d'accès », aux « jardins, forêts et promenades » déjà touchés par l'interdiction. Il avait épargné l'interdiction aux produits UAB (utilisables en agriculture biologique).

2017 : loi Potier

Mais ce n'était pas fini ! En février 2017, l'article 8 de loi Potier(6) a autorisé les produits phyto conventionnels dans ces espaces publics si, après surveillance, ils « s'avèrent nécessaires pour lutter contre un danger sanitaire grave menaçant la pérennité du patrimoine historique ou biologique et ne pouvant être maîtrisé par un autre moyen, y compris une méthode non chimique ». Ainsi, on peut aujourd'hui utiliser des produits conventionnels en jardin public contre la cylindrocladiose du buis (il n'existe pas d'outil alternatif efficace) mais pas contre la pyrale du buis (il y a des bio-insecticides antipyrale, plus les trichogrammes, voir p. 20).

Pas de CEPP

Autre spécificité des jevi, ils ne sont pas concernés par les CEPP, certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques qui sont réservés à l'agriculture.

Fins de spécificités « non agricoles »

Nouvelles règles pour le certiphyto

En revanche, d'autres spécificités « non agricoles » sont à revoir. Ainsi, la réforme du certiphyto d'août 2016(7) a changé les règles de l'application professionnelle de produits phyto en jevi. Auparavant, les applicateurs salariés de collectivités territoriales (municipalités, etc.) avaient leur certiphyto spécifique en tant qu'« applicateur en collectivité territoriale » ou « applicateur opérationnel en collectivité territoriale ». Les autres applicateurs non agricoles avaient leur certiphyto dans la catégorie « travaux et services », comme « décideur » ou « applicateur ». C'est fini.

Désormais, il existe :

- un certiphyto « opérateur » pour tout applicateur exécutant, qu'il soit salarié d'exploitation agricole, de collectivité locale ou d'entreprise du paysage ou de travaux agricoles ;

- un certiphyto « décideur en entreprise non soumise à agrément », pour les applicateurs maîtres de leurs décisions ainsi que les encadrants d'opérateurs, en jevi (collectivité territoriale, domaine privé...) et agriculture (exploitants agricoles) ;

- un certiphyto « décideur en entreprise soumise à agrément » pour les décideurs d'entreprises appliquant des produits phyto en prestation de services, en jevi comme en agriculture.

Les anciens certiphytos restent valables pour toute leur durée prévue (cinq ans en jevi).

Contrôle des pulvérisateurs : les jevi davantage concernés qu'avant

Une autre évolution est celle du contrôle obligatoire des pulvérisateurs à usage professionnel, publiée fin juin 2016(8).

Jusqu'ici, seuls les pulvérisateurs à rampe de plus de trois mètres et les appareils pour arbres et arbustes devaient passer au contrôle obligatoire, or ces appareils sont peu utilisés en jevi. Désormais, sont concernés aussi, entre autres, les petites rampes et les pulvérisateurs à lance avec au moins une buse.

Comme en agriculture

Dispense de certiphyto

Par ailleurs, soulignons que certaines réglementations réputées agricoles touchent aussi les jevi !

En particulier, l'article 9 de la loi Potier dispense de certiphyto les applicateurs s'ils se cantonnent aux produits de biocontrôle « ne faisant pas l'objet d'une classification mentionnée à l'article L. 253-4 ou si ces produits sont des substances de base au sens de l'article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 ». En clair, un salarié municipal ou d'entreprise du paysage non titulaire du certiphyto peut appliquer :

- des substances de base (voir Encadré 1) ; attention, seulement pures ou diluées dans l'eau, pas associées à d'autres ingrédients ;

- des produits de biocontrôle non classés.

Biocontrôle et UAB

À noter que la liste des produits de biocontrôle au sens de l'article L. 253-5, dont certains sont autorisés en jevi, publiée novembre 2016, a été réactualisée fin mars dernier(9). Rappelons aussi que, même si le « A » de « UAB » est l'initiale d'« agriculture », certains produits officiellement UAB sont utilisables en zones non agricoles ! Leur liste est accessible sur les sites de l'Inao et de l'Itab (voir « Pour en savoir plus »).

Bannissement des « néonics »

Autre nouveauté législative visant a priori l'agriculture, qui aura un impact sur les jevi : l'article 125 de la loi biodiversité d'août 2016(10). Il prévoit d'interdire d'ici le 1er septembre 2018 (sauf dérogations) les insecticides phyto contenant des néonicotinoïdes. Or, certains sont autorisés en jevi. Détail piquant, l'interdiction ne touche pas les produits biocides et vétérinaires...

Nouvel « arrêté phyto »

Enfin, les jevi sont touchés comme l'agriculture par une mesure qui était totalement imprévue en juin 2016 : l'arrêté de mai 2017(11) remplaçant l'arrêté de septembre 2006 sur l'utilisation des phyto. Le nouveau texte :

- confirme certaines règles de l'ancien, à savoir l'interdiction des pulvérisations et poudrages si le vent dépasse force 3 sur l'échelle de Beaufort (19 km/h), l'obligation de respecter les ZNT (zones non traitées) d'au moins 5 m le long de l'eau (davantage si mentionné sur l'étiquette) et les règles de traitement des effluents phytosanitaires (détails dans notre n° 703, voir « Pour en savoir plus ») ;

- garde le principe des DRE (délais de rentrée) dans ou sur les zones traitées après un traitement, d'au moins 6 h en plein air et 8 h en milieu fermé, et de 24 h ou 48 h pour certains classements toxicologiques...

- mais allonge la liste des produits à délai de rentrée de 48 h (détails dans notre n° 703, voir « Pour en savoir plus »), tout en autorisant à rentrer au bout de 6 heures les personnes portant les mêmes EPI (équipements de protection individuelle) que ceux exigés pour l'application, autrement dit, le personnel mais pas le public ;

- interdit de traiter, même autrement qu'en pulvérisation ou poudrage, à l'aplomb des cours et points d'eau ;

- signale la possibilité d'utiliser des EPI vestimentaires « spécifiques aux produits phytopharmaceutiques et conformes aux exigences (...) de la directive 89/686/CEE du 21 décembre 1989 et de la directive 89/656/CEE du 30 novembre 1989 » à la place de ceux mentionnés dans les AMM des produits, en clair les combinaisons normalisées présentées dans notre n° 703 (voir « Pour en savoir plus »).

Des AMM quand même

Dernières décisions réglementaires, les nouvelles AMM phyto. Les jevi en ont vu arriver quatre en un an. Logique des temps, deux concernent des produits UAB et de biocontrôle. Il s'agit de bio-insecticides à base de micro-organismes vivants.

Virus de Spodoptera littoralis et champignon anti-aleurodes

Le premier est Littovir, d'Andermatt France (Tableau 1). Il est à base du Spodoptera littoralis nucleopolyhedrovirus (virus de la polyédrose nucléaire de Spodoptera littoralis) déniché sur des chenilles de la noctuelle méditerranéenne S. littoralis. S'attaquant exclusivement à cette espèce de lépidoptère, il est donc autorisé contre elle. Cette AMM inédite a été obtenue sur de nombreux végétaux. Y figurent les « CFPV » (cultures florales et plantes vertes) et les « AA » (arbres et arbustes, sous entendu « d'ornement »), en plein air et sous abri, en production (horticulture, pépinière) comme en jevi.

La seconde AMM de bio-insecticide (Tableau 1) amène dans les jevi une substance microbienne connue en maraîchage. C'est la souche F52 du champignon Metarhizium anisopliae variété anisopliae. Nommé MET52 OD, ce produit d'Everris/ICL Group est autorisé contre les aleurodes, sur AA et CFPV sous abri, donc sous serre de collection et en jardin d'hiver par exemple.

Fongicide gazons et nouvel herbicide

Seule nouveauté fongicide, Medallion TL, de Syngenta (Tableau 2), est à base de fludioxonil, substance connue en agriculture depuis les années 1990 et autorisée auparavant sur gazon associée au cyprodinil. L'AMM en solo vise les principales maladies des gazons (sur golfs et autres terrains de sport, non touchés par les interdictions).

La quatrième nouvelle AMM(12) est celle d'un herbicide (Tableau 2). Elegia Gold, de Dow AgroSciences, est autorisé depuis septembre dernier pour le désherbage PJT (parcs, jardins et trottoirs) et des voiries. Depuis le 1er janvier dernier, l'autorisation n'est valable que dans les propriétés privées (ouvertes ou non au public), les espaces fermés au public et les voiries étroites et difficiles d'accès.

Extensions d'usage

Deux contre des ravageurs

À côté des nouvelles AMM, trois nouveautés sont des extensions d'usage octroyées à des produits de Bayer ES. Deux sont des outils de lutte contre des ravageurs vendus à la fois en production (horticulture ornementale et/ou pépinières) et en jevi, en plein air et sous abri (Tableau 1).

Movento, à base de spirotétramat, est autorisé contre un grand nombre d'insectes ravageurs (pucerons, aleurodes, mouches, etc.), sur AA et CFPV et aussi sur rosier.

Envidor, à base de spirodiclofène, est un acaricide autorisé contre les acariens et phytoptes, sur AA et CFPV.

Étant conventionnels, ces produits ne sont pas autorisés dans les jardins, forêts, promenades et voiries ouverts ou accessibles au public et appartenant à des personnes publiques. Mais il reste les espaces privés ouverts au public et tous les espaces qui ne lui sont ni ouverts ni accessibles.

Encore un herbicide

La troisième extension a été accordée à Valdor Flex, plus connu sous le nom de Pistol Flex (Tableau 2). Associant le DFF (diflufénicanil) au iodosulfuron-méthyl, cet herbicide était autorisé en PJT (usage désormais réservé aux espaces appartenant à des propriétaires privés et/ou non ouverts au public) et en cimetière. Désormais, il est aussi utilisable sur voies ferrées et pour le désherbage industriel.

Les voies ferrées sont des infrastructures (signalées en abrégé par le « i » dans « jevi ») non ouvertes au public. Leur désherbage est nécessaire pour maintenir les voies en état sans risque d'incendie. Ce qui n'empêche pas de le raisonner, voir p. 36 !

Quant au désherbage industriel, il concerne les emprises d'entreprises diverses, là encore de droit privé et/ou non ouvertes au public. Cela représente des surfaces notables.

(1) Dans cet article, « phyto » = « phytopharmaceutique ». (2) Loi n° 2014-110 du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phyto (...), au JORF (Journal officiel de la République française) le 8 février. (3) Note de service DGAL/SDQSPV/2016/853 du 3 novembre 2016, au BO Agri (Bulletin officiel du ministère chargé de l'Agriculture) n° 46. (4) La première approbation de ce type est celle, en février 2015, d'Isaria fumosorosea (auparavant Paecilomyces fumosoroseus), substance active de PreFeRal. (5) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, au JORF le 18 août. (6) Loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 (...) au JORF le 21. (7) Décret n° 2016-1125 du 11 août 2016 au JORF du 14, et ses arrêtés du 29 août au JORF du 10 septembre. (8) Arrêté du 6 juin 2016 au JORF du 21 juin. (9) Note de service DGAL/SDQSPV/2017-289 du 28 mars 2017, au BO Agri n° 13. (10) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature (...), au JORF le 9 août. (11) Arrêté du 4 mai 2017, au JORF du 7 mai. (12) Une autre AMM a été publiée le 12 juin (Katoun Gold, voir p. 8). Mais le produit n'est pas encore commercialisé.

1 - Substances « à faible risque » et « de base »

Les substances à faible risque, en réalité les produits phyto à base de telles substances, restent, nous l'avons vu, utilisables en jevi publics et ouverts au public. À l'heure où nous mettons sous presse, onze substances sont reconnues à faible risque :

- trois substances inertes (phosphate ferrique, cerevisane et COS-OGA) ;

- trois isolats (codés CH2, VX1 et VC1) du virus de la mosaïque du pépino ;

- cinq autres micro-organismes vivants, soit Isaria fumosorosea souche Apopka 97, Trichoderma atroviride souche SC1, Saccharomyces cerevisiae souche LASO2, et, décisions toutes récentes, Coniothyrium minitans souche CON/M/91-08 et Bacillus amyloliquefaciens souche FZB24.

Quant aux substances de base, utilisables sans AMM ni certiphyto, en espaces publics comme espaces privés, quinze sont reconnues à la même date. Ce sont :

- quatre substances couramment présentes dans la cuisine des particuliers, à savoir le saccharose (le « sucre »), le vinaigre, l'hydrogénocarbonate de sodium (alias bicarbonate de soude) et l'huile de tournesol ;

- quatre substances utilisées par l'industrie agroalimentaire, soit la lécithine, le fructose, le lactosérum (alias petit-lait), tous de qualité alimentaire, et le phosphate di-ammonique de qualité oenologique ;

- la prêle, le chlorhydrate de chitosan, l'écorce de saule et l'ortie (Urtica spp.) ;

- l'hydroxyde de calcium (alias chaux éteinte), le peroxyde d'oxygène et le charbon argileux.

2 - Et les amateurs ?

Concernant le jardinage amateur, les décisions prises il y a plus d'un an (notamment l'interdiction des produits conventionnels) s'appliqueront le 1er janvier 2019. Seule évolution :

- depuis le 1er janvier 2017, ces produits conventionnels ne sont plus vendus en libre-service mais délivrés par des vendeurs certifiés ;

- restent en libre-service, d'une part et comme prévu l'an dernier les substances de base (liste dans l'Encadré 1) qui échappent aux AMM et les produits de biocontrôle « liste L. 253-5 », d'autre part, c'est nouveau, également les produits UAB.

Ainsi, ces produits de jardinage UAB (car, oui, il en existe), non seulement échappent à l'interdiction en 2019 comme prévu, mais restent en vente libre en 2017.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La réglementation encadrant les produits phytopharmaceutiques en jevi a évolué depuis un an à plusieurs titres.

ÉVOLUTIONS - Les interdictions de produits phyto conventionnels en espaces publics programmées sont entrées en vigueur.

D'autres évolutions concernent autant les jevi que l'agriculture :

- réforme du certiphyto ;

- réforme du contrôle obligatoire des pulvérisateurs ;

- encouragements au biocontrôle ;

- banissement de néonicotinoïdes ;

- nouvel arrêté phyto, totalement imprévu le 1er juillet 2016.

Des AMM ont été octroyées à :

- deux produits de biocontrôle (virus de Spodoptera littoralis et Metarhizium anisopliae) ;

- un fongicide conventionnel ;

- un herbicide conventionnel.

Deux insecticides et un herbicide ont eu des extensions d'usage.

MOTS-CLÉS - Jevi (jardins, espaces végétalisés et infrastructures), réglementation, produits phytopharmaceutiques, biocontrôle, AMM (autorisation de mise sur le marché).

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : www.journal-officiel.gouv.fr/

Pour les produits UAB : www.itab.asso.fr ou www.inao.gouv.fr

BIBLIOGRAPHIE : Articles du dossier « Bonnes pratiques » d'avril 2017 :

- Réglementation des pratiques : ce qui est acté (...), Phytoma n° 703, p. 16 à 18 (pour les effluents).

- Réglementation : ce qui se prépare autour de l'arrêté phyto, Phytoma n° 703, p. 20-21 (pour les DRE).

- Moyens des bonnes pratiques : nouveaux EPI (...), Phytoma n° 703, p. 22 à 24 (pour les EPI normalisés).

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