DOSSIER - Qualité sanitaire des grains

Analyse de la qualité sanitaire des grains : évolution des labos

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°706 - août 2017 - page 21

En matière d'analyse de la qualité sanitaire des grains vis-à-vis des mycotoxines et d'autres contaminants, certains domaines s'élargissent et les performances s'améliorent. Voici un échantillon des dernières avancées.
Annie Brisard, responsable du laboratoire « Sécurité des aliments » de Capinov, devant le dernier équipement LC/MSMS de la société.  Photo : Primoris.

Annie Brisard, responsable du laboratoire « Sécurité des aliments » de Capinov, devant le dernier équipement LC/MSMS de la société. Photo : Primoris.

Le laboratoire de Primoris (ex-Fytolab), situé en Belgique et accrédité Belac. Photo : Primoris

Le laboratoire de Primoris (ex-Fytolab), situé en Belgique et accrédité Belac. Photo : Primoris

Il y a trois ans(1), nous avions interrogé des laboratoires proposant de l'analyse de mycotoxines dans les grains en France. Parmi ceux qui nous avaient répondu(2), quatre nous ont appris cette année si et comment ils ont évolué depuis lors.

Par ailleurs, deux autres laboratoires(3) nous ont fourni des informations intéressantes. Voici notre récolte.

Techniques analytiques

Le règne de la « LC/MSMS »

D'abord, les six laboratoires interrogés utilisent la LC/MSMS, autrement dit la chromatographie liquide couplée à la spectrographie de masse en tandem, pour proposer des offres multitoxines.

Cette technique qui permet de doser en même temps plusieurs composés est devenue la star de la recherche de mycotoxines accréditée par les comités d'accréditation nationaux reconnus à l'international.

Cependant, plusieurs labos proposent également d'autres méthodes d'analyses pour certaines recherches spécifiques, notamment celles visant uniquement telle ou telle toxine précise et exigeant des LQ (limites de quantification) très basses pour une sensibilité maximale. Avec, en général, l'accréditation correspondante à la clé.

Certes, Capinov, laboratoire accrédité Cofrac, basé à Landerneau et filiale de la coopérative bretonne Triskalia(4), considère la LC/MSMS comme sa « méthode de choix » pour l'analyse des mycotoxines. Il en est de même pour Phytocontrol, basé à Nîmes avec douze agences en France, en Belgique, en Espagne et au Maroc - ou encore pour Qualtech, filiale de l'IFBM (Institut français de la brasserie et de la malterie), basé près de Nancy, tous deux également accrédités Cofrac, et Primoris, anciennement Fytolab, laboratoire d'origine belge accrédité Belac (l'équivalent belge du Cofrac).

Mais le laboratoire Cereco Garons, basé près de Nîmes et lui aussi accrédité Cofrac, sans négliger la LC/MSMS, fait également appel à la HPLC/fluorimétrie (HPLC = chromatographie liquide haute performance) et la HPLC/UV pour certaines toxines. Eurofins France, lui encore accrédité Cofrac et membre d'un groupe désormais international, utilise également la HPLC/fluorescence et la HPLC/UV.

Nouveaux matériels et baisse des LQ

Bien entendu, les matériels ne cessent de se perfectionner !

Ainsi Capinov a acquis en 2016 un nouvel appareil de LC/MSMS, encore plus performant, et prévoit un achat en 2018.

Phytocontrol renouvelle actuellement son parc de LC/MSMS et de GC/MSMS (GC = chromatographie en phase gazeuse) avec des appareillages encore plus performants pour une baisse des seuils limites de détection (LD) et de quantification (LQ). De plus, il a investi dans des technologies hautes résolutions, à savoir la LC-QTOF (time of flight) réputée pour sa fiabilité et sa spécificité.

Primoris annonce perfectionner ses méthodes d'extraction ainsi que la fiabilité des analyses proprement dites, et développer les méthodes multimycotoxines.

Enfin, Qualtech et Eurofins renouvellent régulièrement leur matériel.

Avec ces évolutions du parc matériel, mais aussi de sa mise en oeuvre, on assiste à une amélioration de la sensibilité des techniques. En clair, leurs LD et surtout LQ tendent à diminuer. Le tout étant reconnu. Détails dans le tableau ci-dessous.

Contaminants naturels recherchés

Mycotoxines réglementées et toxines T2-HT2

Nous l'avons vu p. 16 à 18 : au 4 septembre 2017, les neuf mycotoxines réglementées dans les grains sont les mêmes qu'en 2014. Nos six laboratoires les dosaient déjà il y a trois ans, ainsi que les toxines T2 et HT2, dont on attendait déjà les seuils réglementaires. Tous continuent en 2017.

Par ailleurs, plusieurs proposent l'analyse de nouvelles toxines (voir tableau).

Alcaloïdes d'ergot... et de datura

Certaines de ces nouvelles toxines pourraient être réglementées à l'avenir, c'est le cas des alcaloïdes d'ergot. A priori, c'est leur somme qui devrait ne pas dépasser un certain seuil. Phytocontrol et Qualtech les dosaient déjà en 2014, et Primoris s'y est mis plus récemment.

Tous les trois dosent, en plus, l'atropine et la scopolamine. Ces alcaloïdes tropaniques sont d'origine végétale, donc des phytotoxines et pas des mycotoxines. Ils sont réglementés(5) dans les « préparations à base de céréales et aliments pour nourrissons et enfants en bas âge » si ces aliments contiennent du millet, du sorgho, du sarrasin (alias blé noir) ou des produits qui en sont dérivés. Ces cultures sont en effet susceptibles d'être polluées par des graines de datura, producteur de ces toxines

Les « émergentes » et la « masquée »

Revenons aux nouvelles mycotoxines avec celles dites « émergentes ».

Contrairement à ce que ce mot suggère, elles ne sont pas davantage présentes dans les lots de grains qu'il y a trois ans. Elles émergent... dans les préoccupations des OS (organismes stockeurs). En 2014, Phytocontrol en dosait neuf, Qualtech en dosait dix et Capinov lançait le service pour neuf toxines (listes dans le tableau). En 2017, Primoris les rejoint et en propose douze.

Enfin, la mycotoxine « masquée » qu'est le DON3-glucoside, dérivé du DON indécelable par les méthodes habituelles, est désormais détectable par quatre laboratoires : Capinov, Phytocontrol, Primoris et Qualtech. Pour mémoire, seul ce dernier proposait cette analyse il y a trois ans.

Pesticides et ETM

De plus en plus de molécules

Par ailleurs, nos six laboratoires proposent également le dosage des résidus de pesticides, et cette activité ne cesse d'évoluer.

D'une part, la gamme de substances à doser s'agrandit. De nouvelles apparaissent constamment sur le marché et les moyens analytiques suivent. Certes, en parallèle, de nombreuses substances sont ou ont été retirées du marché depuis trois ans... Mais il faut tout de même encore les doser ! En effet :

- il peut en subsister des traces dans les sols, l'eau, etc., donc en théorie dans les grains, d'autant plus si elles sont persistantes ;

- soit il existe des LMR (limites maximales de résidus réglementairement autorisés) de ces substances, soit toute présence est interdite ; dans les deux cas, les analyses sont destinées à s'assurer que les lots de grains satisfont aux exigences légales.

De fait, nos laboratoires ne cessent d'élargir leurs gammes de pesticides dosés et d'abaisser, là aussi, leurs limites de détection et de quantification. Là encore, il s'agit de moderniser leur parc matériel en LC/MSMS mais aussi GC/MSMS...

Et les métaux lourds ?

À souligner enfin : tous proposent également le dosage des « métaux lourds ». N'entrons pas dans le débat sur ce que définit ce terme (le mercure et le plomb sont des métaux lourds, mais quid de l'arsenic ou du cuivre ?), d'aucuns lui préfèrent le sigle ETM, éléments-traces métalliques.

Quoi qu'il en soit, la présence de ces ETM dans les grains ne vient ni de bioagresseurs des cultures, au contraire des mycotoxines et des alcaloïdes d'origine végétale. Elle n'est pas liée non plus à des produits phyto à l'exception du cuivre mais celui-ci n'est guère utilisé en production de grains, au contraire de la vigne et des vergers.

(1) « Détection des mycotoxines : les méthodes évoluent », Phytoma n° 676, août-septembre 2016. (2) Par ordre alphabétique : Capinov, laboratoire Cereco, LCA La Rochelle (désormais nommé Auréa), Phytocontrol et Qualtech. (3) Eurofins et Primoris (anciennement Fytolab). (4) Triskalia, première coopérative agricole bretonne, est issue de la fusion, en octobre 2010, de la CAM 56, Coopagri Bretagne et l'Union Eolys. Pour sa part Capinov était, historiquement, le laboratoire de Coopagri Bretagne. (5) Règlement n° 2016/239 du 19 février 2016, au JOUE du 20 février.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les techniques d'analyse pour détection des contaminants affectant la qualité sanitaire des grains ont évolué depuis notre point il y a trois ans.

EXEMPLES - Six laboratoires accrédités, réalisant l'analyse de mycotoxines (entre autres contaminants) dans les grains (entre autres denrées) offrent un aperçu des évolutions du secteur.

La fiabilité et la sensibilité progressent, avec la baisse des limites de détection (LD) et de quantification (LQ). Ces laboratoires, qui tous dosaient déjà il y a trois ans les neuf mycotoxines réglementées et les toxines T2 et HT2, ont élargi leur offre. Ils sont de plus en plus à doser également les alcaloïdes d'ergot, ceux de datura, les mycotoxines émergentes et le DON3-glucoside (mycotoxine masquée).

MOTS-CLÉS - Qualité sanitaire des grains, contaminants, mycotoxines, alcaloïdes, analyse, détection, quantification, laboratoire, accréditation.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIEN UTILE : www.cofrac.fr

BIBLIOGRAPHIE : voir note (1).

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