DOSSIER - Vigne

Réglementation : ce qui a bougé pour la vigne depuis un an

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°708 - novembre 2017 - page 12

Nouvel « arrêté phyto », reconnaissance de matériels antidérive, loi Potier, sortie de cépages résistants et de la liste biocontrôle, CEPP... Certaines évolutions de la réglementation phytosanitaire touchent directement la vigne. Récapitulatif.
 Photo : Pixabay

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Tableau 1 : « arrêté phyto » du 4 mai 2017, ce qui aurait pu changer et ce qui a vraiment changé par rapport à la réglementation antérieure concernant la vigne

Tableau 1 : « arrêté phyto » du 4 mai 2017, ce qui aurait pu changer et ce qui a vraiment changé par rapport à la réglementation antérieure concernant la vigne

Tableau 2 : CEPP, les quatre nouvelles « actions standardisées » concernant la vigne

Tableau 2 : CEPP, les quatre nouvelles « actions standardisées » concernant la vigne

Depuis le point fait dans notre Dossier vigne il y a un an(1), Phytoma a suivi, mois par mois, les évolutions réglementaires touchant la protection des plantes. La vigne est concernée.

Réglementation des pratiques de traitement

Nouvel « arrêté phyto » : deux restrictions inédites

D'abord, un événement annoncé l'an dernier a eu lieu : le 5 mai dernier, « l'arrêté phyto(2) » remplaçant celui du 12 septembre 2006 a été publié. L'abrogation de l'ancien texte était exigée par le Conseil d'État depuis juillet 2016. Le nouveau a été très discuté mais, au final, il modifie peu de choses par rapport à la réglementation antérieure (arrêté de 2006 et loi d'avenir agricole de 2014(3)). Il apporte cependant deux restrictions inédites :

- interdiction de tout traitement (pas seulement les pulvérisations et poudrages) à l'aplomb de l'eau ;

- allongement des délais de ré-entrée (DRE)dans ou sur les lieux traités après les traitements pour les produits dits CMR.

EPI, ZNT et vitesse du vent

Ce texte comporte un assouplissement. C'est la possibilité de revenir au délai de 6 heures (8 heures en milieu fermé, ce qui ne touche guère la vigne) si les travailleurs sont protégés comme les applicateurs du produit. Ceci paraît logique. Cette protection peut être :

- une cabine fermée filtrante ;

- les mêmes EPI (équipements de protection individuelle) que ceux exigés pour le traitement (l'exigence d'EPI est précisée, pour chaque produit, sur la décision d'AMM lisible sur E-phy, voir « Liens utiles »).

Pour les ZNT (zones non traitées) le long de l'eau, une évolution est à noter : les cours et points d'eau concernés sont redéfinis.

Par ailleurs, rien n'est modifié (pour l'instant) concernant les zones à traitements restreints à proximité des lieux abritant des enfants (écoles, etc.) et autres personnes vulnérables (hôpitaux, maisons de retraite, etc.) ainsi qu'à proximité des habitations. Cependant, à côté de cette réglementation nationale, des arrêtés préfectoraux induisent des restrictions supplémentaires dans certains départements.

Enfin, les règles sur la vitesse du vent lors du traitement et sur la gestion des effluents phyto après traitement sont toujours les mêmes. Récapitulatif dans le Tableau 1.

Réduction de dérive et matériels

Par ailleurs, le nouvel arrêté, tout comme l'ancien, autorise à ramener à 5 m les ZNT de 20 et 50 m le long de l'eau sous conditions :

- la présence de DVP (dispositifs végétalisés permanents) d'au moins 5 m de large ;

- l'application des produits à l'aide de matériels officiellement reconnus pour diviser la dérive au moins par trois.

Or, la gamme des matériels viticoles reconnus s'est nettement enrichie.

En effet, il y a deux ans, ils n'étaient que quatre. Il y a un an, ils étaient seize. S'étaient ajoutés trois capots de désherbage utilisables en vigne comme en verger, plus un tunnel d'épamprage et huit « systèmes complets » de pulvérisation (pulvérisateur + buses et conditions d'application).

Depuis lors, trois notes techniques du ministère chargé de l'Agriculture, datées de décembre 2016, février 2017 et mai 2017(4) ont enrichi la liste. On y trouve, pour la vigne :

- dans la note de décembre, un cache de désherbage, une rampe de désherbage localisé, un tunnel d'épamprage et des « systèmes complets » de pulvérisation ;

- en février, des « systèmes complets » ;

- en mai, un « système complet » (plus des buses supplémentaires utilisables avec les pulvérisateurs de « systèmes complets » déjà reconnus).

Ces ajouts montent le total à quarante-trois, dont trente-six systèmes complets (voir aussi l'article p. 20), deux tunnels d'épamprage et sept accessoires de désherbage utilisables au vignoble comme en vergers.

Mesures pour encourager les méthodes alternatives

Enfin des cépages résistants

D'autres évolutions de la réglementation visent à encourager les pratiques alternatives à l'emploi de pesticides chimiques.

Ainsi, comme prévu l'an dernier, des cépages résistants au mildiou et à l'oïdium ont été inscrits et/ou classés en France. Le but est de permettre de diminuer l'utilisation des fongicides. Pour cela, il faut que les résistances de ces cépages soient durables, l'Inra y a travaillé ! Il faut aussi gérer ces vignes après la plantation : surveillance du terrain et mise en oeuvre de pratiques « anticontournement de résistances » le plus tôt possible. Pour en savoir plus, lire l'article de L. Delière & al., p. 34 à 37.

Biocontrôle et loi Potier : les « non classés » et la confusion sexuelle

L'emploi de produits de biocontrôle est une autre méthode alternative. La loi Potier de mars 2017(5) vise à l'encourager.

Son article 9 dispense d'agrément phytosanitaire les entreprises appliquant seulement des substances de base et des produits de biocontrôle dispensés de tout classement (toxicologique et écotoxicologique). Cela concerne les entreprises prestataires réalisant des traitements sur vigne.

L'article 10, lui, dispense de certiphyto les personnes appliquant des substances de base et/ou des phéromones. Ce dernier point touche les vergers et la vigne. Il permet de réaliser les chantiers de pose de diffuseurs de phéromones pour la confusion sexuelle avec toute la main-d'oeuvre de l'exploitation et l'entraide de voisins. Il n'y a plus à refuser ceux qui, n'appliquant jamais aucun traitement phyto par ailleurs, ne détiendraient pas le certiphyto.

Enfin, l'article 11 rétablit les CEPP, certificats d'économie de produits phyto créés par la loi d'avenir de 2014, nous y reviendrons.

Biocontrôle : les critères et la liste

D'autres mesures favorisant les méthodes alternatives étaient décidées avant, mais il leur manquait, pour être applicables, la liste des produits concernés. Il s'agit d'encourager l'usage des produits « de biocontrôle L. 253-5 », précisément « de biocontrôle au sens des articles L. 253-5 et L. 253-7 du code rural ».

Certes, plusieurs mesures ne s'appliquent qu'aux produits (« de biocontrôle L. 253-5 » ainsi qu'utilisables en agriculture biologique) des gammes « amateurs » et « jevi » (jardins, espaces verts et infrastructures), donc n'intéressent pas le vignoble... Quant à l'autorisation de publicité commerciale pour les produits « de biocontrôle L. 253-5 » dans les médias grand public, elle touche peu la viticulture - dans des quotidiens régionaux, peut-être ? En revanche :

- la taxe sur la vente de produits phyto payée sur les produits de biocontrôle L. 253-5 est réduite de moitié par rapport à celle des produits conventionnels ;

- l'IFT (indice de fréquence de traitement dans les exploitations) et le Nodu (nombre de doses-unités vendues) de ces produits de biocontrôle L. 253-5 ne sont pas comptabilisés dans les objectifs de baisse du plan Écophyto, en particulier pour les CEPP ;

- répétons-le, ces produits sont applicables sans agrément phyto s'ils sont dispensés de classement.

Il y a un an, le problème était qu'aucune liste de produits de biocontrôle L. 253-5 n'était disponible...

Aujourd'hui, il est résolu ! Une note de service mise en ligne le 10 novembre 2016(6) a enfin publié la première liste de ces produits de biocontrôle particuliers. De plus, un chapitre « contexte et définitions » précise les critères d'inclusion dans la liste et détaille les avantages donnés à ces produits.

Une seconde note, datée du 28 mars 2017(7), a actualisé la liste et mis les « contexte et définitions » en conformité avec la loi Potier parue entre-temps. Désormais, parmi les produits de biocontrôle L. 253-5, seuls ceux dispensés de tout classement peuvent être appliqués en prestation de service sans agrément. De ce fait, les produits affectés des mentions de danger H317 et H334(8) peuvent intégrer la liste : ils ne sont pas applicables sans agrément mais bénéficient des autres avantages.

Enfin deux notes, l'une du 19 juillet et l'autre du 18 octobre(9), allongent la liste. Prochaine actualisation prévue en janvier 2018 : d'ici là, des produits éligibles à cette liste auront probablement obtenu leur AMM.

Le CEPP et ses actions standardisées

Revenons aux CEPP et aux « actions standardisées » qui permettent d'en obtenir. Après un décret d'application en avril(10), un arrêté publié en mai(11) a confirmé les vingt actions standardisées déjà publiées l'an dernier et en a ajouté cinq. Deux concernent spécifiquement la vigne et une l'intéresse (Tableau 2).

Un autre arrêté publié en août(12) a reconnu trois actions standardisées de plus, dont une pour la vigne, et allongé la liste des produits éligibles pour d'autres actions dont trois touchent la vigne (détails dans le Tableau 2).

Ceci étant, avant d'encourager des produits de biocontrôle, il faut d'abord les avoir autorisés. Les autorités n'ont pas chômé de ce côté-là non plus, voir p. 16 à 19.

(1) « La réglementation en pleine effervescence », Phytoma n° 698, novembre 2016, p. 16 à 19. (2) Arrêté du 4 mai 2017, au JORF (Journal officiel de la République française) du 5 mai. (3) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, au JORF du 14. (4) Notes de service DGAL/SDQSPV identifiées n° 2016-902 du 1er décembre 2016, n° 2017-122 du 15 février 2017, et n° 2017-437 du 22 mai 2017, toutes publiées au BO Agri (Bulletin officiel du ministère chargé de l'Agriculture) et signalées dans Phytoma (respectivement n° 700, janvier 2017, p. 6, n° 702, mars 2017, p. 6 et n° 705, juin-juillet 2017, p. 6).(5) Loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 relative à l'accaparement des terres et au développement du biocontrôle, au JORF du 21 mars.(6) Note de service DGAL/SDQSPV n° 2016-853 du 3 novembre 2016. (7) Note de service DGAL/SDQSPV n° 2017-289 du 28 mars 2017. (8) Certains de ces produits sont classés sensibilisants par défaut car les tests officiels garantissant leur absence de caractère sensibilisant ne leur sont pas adaptés. (9) Notes de service DGAL/SDQSPV n° 2017/635 du 19 juillet et n° 2017/826 du 18 octobre. (10) Décret n° 2017-590 du 20 avril 2017, au JORF du 22. (11) Arrêté du 9 mai 2017 publié au BO Agri. Voir Phytoma n° 705, juin-juillet, p. 6.(12) Arrêté du 1er août 2017 publié au BO Agri. Voir Phytoma n° 706, août-septembre, p. 6.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La réglementation phytosanitaire concernant la vigne a connu des évolutions depuis notre dernier point il y a un an.

PRATIQUES DE TRAITEMENT - Le nouvel « arrêté phyto » modifie les DRE de certains produits.

Vingt-sept matériels viticoles reconnus pour diviser la dérive au moins par trois s'ajoutent aux seize déjà reconnus en novembre 2016.

MÉTHODES ALTERNATIVES - Plusieurs dispositions encouragent les méthodes alternatives : des cépages résistants au mildiou et à l'oïdium ont été classés.

La loi Potier de mars dispense :

- de certiphyto la pose de diffuseurs de phéromones ;

- d'agrément l'application de produits de biocontrôle non classés.

La liste des produits dits « de biocontrôle L. 253-5 » a enfin été publiée et déjà réactualisée. De nouvelles actions standardisées pour les CEPP touchent la vigne.

MOTS-CLÉS - Vigne, réglementation, arrêté phyto du 4 mai 2017, DRE (délai de rentrée), réduction de dérive, cépages résistants, loi Potier du 20 mars 2017, phéromones, biocontrôle, CEPP (certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques), actions standardisées.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : https://ephy.anses.fr/

www.legifrance.gouv.fr/initRechJO.do

BIBLIOGRAPHIE : voir la note 1.

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