La mission d'ATMO Grand Est est de « surveiller la qualité de l'air conformément à la loi Laure(1) qui donne le droit à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé », explique Eve Chrétien, ingénieur d'études à Reims depuis vingt ans. Issue de la fusion le 31 décembre 2016 des trois structures régionales, ATMO Grand Est, association agréée par le ministère de la Transition écologique et solidaire, est administrée par quatre collèges d'acteurs régionaux : celui des représentants de l'État et de l'Ademe(2), celui des collectivités territoriales, celui des représentants des associations de protection de l'environnement et des personnalités qualifiées et celui des représentants des activités contribuant à l'émission (dont la chambre d'agriculture Grand-Est).
Un suivi depuis 2001
venue la référente des études liées à l'agriculture », précise l'ingénieur d'étude. La structure dispose de 250 analyseurs en continu des polluants réglementés (particules fines, ozone, dioxyde d'azote et de soufre, benzène, métaux lourds et benzo-a-pyrène).
« N'ayant pas de limites maximales réglementées dans l'air, les matières actives phytosanitaires sont suivies de mars à décembre sur quatre points de prélèvements, dans la région Grand-Est, et depuis quatre ans à Reims. Auparavant, les prélèvements étaient ponctuels. »
En 2001, ATMO Champagne-Ardenne est en effet l'une des premières associations régionales à lancer des études exploratoires sur la présence des produits phytopharmaceutiques dans l'air (une vingtaine de molécules au départ).
Une liste qui évolue
« Notre antériorité sur ce dossier s'explique par la forte densité de grandes cultures dans la région. S'y ajoute également de la vigne. » Grâce à ces travaux, Eve Chrétien a ainsi participé à l'élaboration de deux normes Afnor sorties en 2007 pour le prélèvement de l'air et l'analyse des pesticides.
En 2012, la Lorraine démarre des études, de même que l'Alsace en 2013. Depuis la fusion, 2017 est la première année où toute la région Grand-Est travaille de la même manière pour pouvoir comparer les quatre sites de mesure : Reims et Villers-lès-Nancy pour des mesures de fond (car éloignés des lieux de traitement), Puxieux, en Meurthe-et-Moselle (en grandes cultures) et Kintzheim, dans le Bas-Rhin (en viticulture).
« Soixante matières actives autorisées ou interdites sont suivies dont 45 % de fongicides, 35 % d'herbicides et 20 % d'insecticides, explique Eve Chrétien. Pour établir cette liste, nous nous sommes focalisés sur celles qui ont un fort pouvoir de volatilisation puis sur celles qui sont analysables avec la norme actuelle. » Quand une substance n'est pas quantifiée durant plusieurs années, elle est remplacée par une autre. Ainsi, seize sont apparues en 2015 : boscalid, bifenox, carbendazime, chlorpyriphos-méthyl, metconazole, pyraclostrobine... Parmi les molécules interdites d'usage et encore suivies, citons l'acétochlore, le carbaryl, le parathion-méthyl, le lindane et la procymidone.
Des données publiques
Mais comment parvient-on à prélever des substances dans l'air ? Au niveau de l'appareil, l'air est aspiré au travers d'un filtre retenant la phase particulaire, puis d'une mousse polyuréthane captant la phase gazeuse. La cartouche avec le filtre et la mousse est prélevée tous les lundis et envoyée au laboratoire prestataire.
« Je vérifie ensuite la cohérence des résultats avant de les consigner dans la base régionale mais également nationale. Ils sont ainsi accessibles au monde de la santé, notamment l'Anses(3) dans le cadre de la phytopharmacovigilance. Et chaque année, j'édite un rapport annuel de synthèse consultable sur notre site web. »
Comprendre les raisons
Certains constats laissent parfois perplexes, comme le lindane, interdit d'utilisation phytopharmaceutique depuis 1998, et pourtant quantifié depuis le début (2001), sans que l'on puisse l'expliquer. En ville (Reims notamment), les matières actives sont également détectées avec cependant des concentrations moindres qu'à la campagne. Les herbicides, au départ principalement observés au printemps, le sont davantage à l'automne ces dernières années. Les fongicides sont présents surtout au printemps et en début d'été.
« J'observe également une nette réduction du folpel », souligne la spécialiste. Les insecticides sont peu quantifiés et seulement de façon ponctuelle. Depuis peu, Eve Chrétien travaille avec la chambre d'agriculture pour mieux comprendre les causes des transferts des molécules des champs vers l'air (érosion éolienne, dérive, revolatilisation).
Vers une harmonisation nationale
À l'avenir, ATMO Grand Est souhaiterait mettre en place un inventaire des quantités de fongicides, insecticides et herbicides utilisés par an à l'échelle communale. « Cela pourrait nous aider à mieux cibler les lieux de prélèvement. » Autre chantier : l'Anses vient de publier une liste de matières actives à surveiller en priorité.
« Globalement, nous en avions la majorité. Certaines, comme le mancozèbe ou encore le métiram, vont cependant nécessiter la mise au point d'une méthode d'analyse », précise Eve Chrétien. L'objectif est de tendre peu à peu vers une harmonisation nationale des mesures réalisées par les différentes associations régionales.
(1) Loi n°96-1236 du 30/12/1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.(2) Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.(3) Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.