1. Altise adulte. 2. Larves d'altise dans une pétiole. 3. La cuvette est l'outil traditionnel pour piéger les altises adultes. 4. Dispositif berlèse : les larves présentes dans les plantes prélevées fuient la dessiccation de la tige, et ainsi tombent dans les réceptacles où elles seront décomptées.
Fig. 1 : Essais « altises adultes » 2013-2014, méthode de détermination de la destruction foliaire Dans ces deux essais, les dégâts foliaires des altises adultes ont été évalués à l'aide de classes de dégâts. La formule utilisée afin de calculer le pourcentage de destruction foliaire moyen est la suivante : Source : Terres Inovia
Fig. 2 : Résultats sur essais « altises adultes » 2013-2014 Surface foliaire détruite par les altises d'hiver et efficacité, dans les deux essais. Statistiquement parlant, les deux traitements au phosmet sont équivalents entre eux, et différents de celui à la deltaméthrine.
Fig. 3: Résultats des essais « larves de grosse altise » 2015 Efficacité des traitements insecticides comparés.
Fig. 4 : Analyse du rendement à Moulins-en-Tonnerrois Essai BPE16/030/IGC. Le niveau de résistance aux pyréthrinoïdes est élevé : cumul de résistances du type super kdr et d'une probable détoxification.
Fig. 5 : Effets visibles sur colza en intégrant l'agronomie Le site d'Étourvy le 20 octobre 2017. Effet global sur la végétation de colza de l'engrais starter N/P et des plantes compagnes.
Fig. 6 : Effets des mesures agronomiques contre l'altise Sur trois sites différents, effet du type d'implantation à l'automne (2016 ou 2017) sur le nombre de larves de grosse altise du témoin en sortie d'hiver.
La recrudescence des infestations de petites et grosses altises a engendré d'importants dégâts en parcelles de colza ces quatre dernières campagnes. Simultanément, on constate une évolution des niveaux d'efficacité des pyréthrinoïdes, largement utilisés. C'est dans ce contexte difficile que la société Gowan France, détentrice de l'insecticide Boravi WG, a implanté des essais de stratégies insecticides incluant des leviers agronomiques pour tenter de pérenniser la productivité du colza d'hiver.
Difficile printemps 2018
Du climat aux résistances
La situation au printemps 2018 de parcelles de colza n'a pas toujours été glorieuse. Il a fallu retourner des parcelles dans de nombreuses régions, du nord de la France au Sud-Ouest, sans oublier le Centre et l'Est, historiquement très touchés.
Cette situation peut s'expliquer par le cumul de conditions défavorables au bon développement de la culture : hydromorphie des sols, voire submersion de la culture (décembre/janvier), arrêt de végétation assez peu marqué suivi d'un épisode de gel intense fin février, défaut d'alimentation minérale des plantes à la reprise de végétation, présence de larves d'altises et de charançon du bourgeon terminal. S'il est difficile de pondérer chacun des facteurs énumérés, la présence de larves de coléoptères dans les plantes est souvent perçue comme un facteur aggravant.
Les suivis de résistance des altises du colza aux pyréthrinoïdes mettent en évidence une présence sur l'ensemble du territoire des résistances par mutation de cible du type kdr et/ou super kdr, à des niveaux variables.
Suivi précis des ravageurs : une clé de réussite
Deux matériels complémentaires
Depuis deux ans, les essais bénéficient d'un suivi des captures d'adultes avec des cuvettes jaunes (de fin août à fin décembre) et d'un suivi du nombre de larves en utilisant le méthode berlèse, de manière hebdomadaire. Cette méthodologie a fait ces preuves pour piloter au mieux les traitements insecticides d'automne. La cuvette permet :
- de déterminer le début des observations des dégâts foliaires d'adultes(1) du GA ;
- de positionner un traitement visant les adultes de grosse altise au premier pic de vol ;
- de positionner le traitement contre le charançon du bourgeon terminal sept jours après les premières captures.
La berlèse permet de vérifier l'émergence des larves, suivre la colonisation des pieds de colza et positionner le traitement larves au seuil de deux larves par plante (seuil équivalent à 70 % de plantes atteintes).
Pour rappel, le positionnement de la cuvette sera adapté en fonction de la cible capturée. La cuvette doit être enterrée à la surface du sol pour capturer les adultes de grosse altise, mais placée à hauteur de la végétation pour le charançon du bourgeon terminal.
Essais insecticides « classiques »
Contre les dégâts de grosses altises adultes
En 2013/2014, Terres Inovia a montré l'intérêt du phosmet (produit Boravi WG) contre les altises adultes pour éviter la destruction des jeunes colzas, dans deux sites du sud-ouest de la France vraisemblablement touchés par la résistance aux pyréthrinoïdes. Les conditions expérimentales de ces deux essais sont résumées dans le Tableau 1. Les effets des attaques d'altises adultes ont été évalués en classes de dégâts, comme expliqué dans la Figure 1.
Dans ces deux situations, le phosmet à 500 et 750 g s.a./ha (soit 1 et 1,5 kg/ha de produit commercial) a réduit significativement les dégâts foliaires par rapport au témoin et au traitement de référence à base de deltaméthrine. En revanche, il n'y avait pas de différence significative entre les deux doses de phosmet (Figure 2).
Le faible niveau d'efficacité de la deltaméthrine dans les deux essais suggérait que les populations testées étaient probablement résistantes à la famille des pyréthrinoïdes à un niveau intermédiaire.
Protéger des larves de grosse altise
À l'automne 2015, trois essais d' évaluation sur larves de grosse altise ont été conduits conjointement par Terres Inovia et Gowan France. Les conditions expérimentales sont résumées dans le Tableau 2 et les résultats d'efficacité dans la Figure 3.
Dans l'essai d'Hardecourt-aux-Bois (C16LLA80001) où la résistance était estimée faible à l'automne 2015, la deltaméthrine et le phosmet obtiennent les meilleurs résultats mais l'efficacité du traitement unique atteignait au mieux 40 %.
Dans l'essai de Surgères (C16LLA17000), où la résistance était considérée comme modérée à l'automne 2015, le phosmet a démontré une efficacité supérieure, mais l'efficacité du traitement unique contre les larves n'atteignait au mieux que 45 %.
À Moulins-en-Tonnerrois (BPE16/030/IGC), où la résistance aux pyréthrinoïdes est très élevée, l'efficacité de la lambda-cyalothrine n'atteignait que 26 % alors que le phosmet et l'association chlorpyriphos-éthyl + cyperméthrine atteignaient respectivement 73 % et 63 %. Le nombre de larves de CBT (charançon du bourgeon terminal) s'étant avéré négligeable au regard du nombre de larves d'altises, c'est bien la nuisibilité des larves d'altises qui a été mesurée.
En comparant les efficacités obtenues par le phosmet dans ces trois essais, il apparaît que l'application supplémentaire du 12 octobre, réalisée sur l'essai de Moulins-en-Tonnerrois et visant le CBT, a permis d'améliorer globalement le contrôle des larves d'altises par rapport aux deux autres essais. Les pertes de récolte engendrées par les larves de grosse altise sont importantes. Les stratégies insecticides testées ici permettent de réduire ces pertes (Figure 4 page suivante). Ces résultats encourageants répondaient à la question de l'utilité du phosmet pour limiter la nuisibilité des larves d'altises. Mais le potentiel de rendement après protection, de 20 qx/ha, n'est pas suffisant pour pérenniser la culture du colza car les charges opérationnelles ne sont pas couvertes.
Intégrer l'agronomie
2016 et 2017, de l'implantation de la culture à la protection insecticide en végétation
Conscient de cette difficulté économique, Gowan a décidé d'introduire dans les essais de 2016 des facteurs agronomiques :
- application d'un engrais starter au semis ;
- semis combiné de plantes compagnes.
Depuis trois ans, l'observation des témoins non traités permet de mettre en évidence une réduction du nombre de larves par plante dès lors qu'un engrais starter avec ou sans plantes compagnes est intégré dans l'implantation (Figures 5 et 6 page suivante).
En 2016, du fait d'un semis tardif, les féveroles(2) se sont peu développées... Et pourtant, on note une réponse importante sur le nombre de larves d'altises. En 2017, sur le site de Noyers, les plantes compagnes (plante compagne JD colza 1) étant consommées précocement par des gibiers, leur effet était limité.
L'engrais starter (en l'absence du développement significatif des féveroles) favorise le développement du colza et permet de diminuer le nombre de larves dans les témoins non traités et dans les parcelles traitées insecticides. En fonction de la pression résiduelle, nous pouvons, après une seule application de phosmet sur larves, retrouver un potentiel de production intéressant. Néanmoins, nous mettons à nouveau en évidence que des stratégies intégrant des applications sur adultes(3) permettent d'assurer un potentiel de production normal (Figure 7 page suivante). Ce potentiel de production n'a pas pu être mesuré après un incident de récolte. En revanche, le nombre de larves lors de la dernière notation février 2017 est encourageant.
En 2017, nous confirmons l'intérêt du phosmet pour limiter la nuisibilité des altises, mais nous démontrons que le potentiel normal d'une parcelle ne peut s'exprimer uniquement qu'en couplant la stratégie de protection insecticides des colzas avec de l'engrais starter et peut-être des plantes compagnes.
Les observations réalisées au printemps 2018 ont montré que les plantes compagnes se développent jusqu'à recouvrir le colza et apportent un effet intéressant car une pression inférieure à deux larves par plante est constatée.
Relation entre adultes et larves
Essais lancés à l'automne 2017
Il est certain que traiter les adultes n'est pas suffisant pour contrôler les larves. Mais quelle relation entre adultes et larves ? À l'automne 2017, les essais se sont poursuivis en intégrant les facteurs agronomiques pour confirmer les résultats acquis mais surtout éclaircir cette relation adultes/larves.
Un traitement unique permet de réduire la pression du nombre de larves par plante. Cette réduction est plus importante pour les implantations de 2016 que celles de 2017. En effet, en 2017, les larves de grosse altise colonisent les plantes plus tardivement qu'en 2016. Le vol d'adultes de l'automne 2017 est plus échelonné qu'à l'automne 2016. Un traitement unique plus tardif, mi-décembre au lieu de mi-octobre, sur le site d'Étourvy implanté en 2017, permet de réduire encore de 0,6 le nombre de larves par plante.
En conclusion, le seuil de deux larves par plante reste clé mais, selon la dynamique du vol d'adulte, la question est de savoir s'il faut se limiter à une seule application.
Traiter une, deux ou trois fois ?
L'essai implanté en 2016 avait mis nettement en évidence l'intérêt de la triple application. En 2016, aucune double application n'avait été testée. Une double application n'aurait-elle pas suffi ? Fallait-il intervenir sur adultes et larves de grosse altise ou CBT (charançon du bourgeon terminal) et larves de grosse altise ?
Les essais implantés en 2017 montrent aussi l'intérêt des doubles ou des triples applications pour réduire le nombre de larves de grosse altise. En 2017, cette réduction est plus importante avec la combinaison d'une intervention sur CBT et larves de grosse altise. L'application sur CBT coïncide avec le second pic de vol d'adultes de grosse altise. Le contrôle des larves de grosse altise de ce pic tardif de vol a pu limiter les colonisations tardives des pieds de colza. Cet effet n'apparaît pas dans la triple application. Les rendements obtenus en 2018 sur le site d'Étourvy confirment l'intérêt d'une double application. La triple application ne ressort pas (Figure 8).
Quatre questions pour le praticien
Compter les piégeages en cuvette peut-il aider à prévoir le nombre de larves ?
Il s'agit de savoir si le cumul des captures hebdomadaires d'insectes dans les cuvettes(4) permettrait de mieux piloter la protection insecticide. À ce jour, il n'existe pas de relation entre le nombre de captures en cuvette et le nombre d'adultes dans les parcelles. Aussi, la relation entre adultes et larves de grosse altise n'est pas connue non plus.
Posons les trois hypothèses suivantes :
- le ratio mâle/femelle d'une population naturelle de grosse altise est de 60 % ;
- une grosse altise femelle est capable de pondre 70 à 150 oeufs/an ;
- le taux de mortalité des oeufs pondus est de 50 %.
À partir de ces hypothèses, il est facile de convertir des captures d'adultes de grosse altise en potentiel infectieux de larves de grosse altise. Il est plus intéressant d'établir la courbe cumulée des piégeages d'adultes de grosse altise. De cette courbe cumulée, nous pourrions définir un seuil d'acceptabilité de non-traitement des adultes.
Selon ces hypothèses, la gestion d'un pic de 170 larves au 25 septembre 2017 se traduit par une réduction du potentiel d'éclosion de 50 % des larves. La question reste au final sur ce pool de larves mis en place. Sur quelle échelle rapporter ce pool ? Une cuvette jaune nous donne la pression de 1, de 10 ou de 100 m² de culture. Pour une densité de 35 plantes/m² levées, un pool de 7 000 larves représente selon la zone de capture de la cuvette un nombre moyen de larves de grosse altise par plante au minimum de deux et au maximum de deux cents. Positionner un seul traitement larves de grosse altise s'avère délicat si les captures d'adultes sont importantes. Définir un seuil de traitement d'adultes de grosse altise capturés ou du cumul d'adultes capturés permettrait d'assurer un contrôle de base du potentiel de larves de grosse altise d'une parcelle. Ensuite, en fonction de réalisation de berlèse, il serait plus évident de décider d'un traitement spécifique larve ou non et de le positionner au bon moment.
Comment appréhender la protection des colzas cet automne ?
À la date de lecture de cet article, rappelons l'importance des leviers agronomiques à intégrer dès l'implantation de la culture pour favoriser un développement rapide du colza et esquiver ou limiter les problématiques de gestion des insectes. Rappel des méthodes agronomiques proposées : anticiper la date de semis, fertilisation organique ou minérale(5), plantes compagnes.
En l'absence de traitement adulte, le suivi des éclosions des larves est d'autant plus important. Il en est de même pour toutes les parcelles à implantations délicates et/ou en cas de retard de développement des colzas constaté.
Quel outil utiliser ? Dans tous les cas, le seul outil de diagnostic fiable est la berlèse (méthodologie proposée par Terres Inovia). Elle devra être réalisée vers la mi-octobre et si possible calée sur l'OAD de prévision des éclosions larvaires proposé sur le site de Terres Inovia. Si la berlèse ne met pas en évidence une présence de plus de deux/trois larves par plante, il n'est pas nécessaire de traiter. En revanche, il faut renouveler cette opération quinze jours plus tard et jusqu'aux premiers froids :
- si le seuil n'est jamais dépassé, la lutte insecticide contre les larves n'est pas nécessaire ;
- si la berlèse met en évidence une présence de deux/trois larves par plante ou davantage, il est opportun d'envisager un traitement insecticide.
Faut-il tenir compte de la biomasse du colza ?
Le seuil de deux/trois larves par plante est adapté, peu importe la biomasse du colza. La chance d'atteindre ce seuil est plus forte pour les petits colzas que les gros colzas... mais un gros colza devra aussi être protégé si le seuil est dépassé ! En 2018, sur le site d'Étourvy, les colzas étaient développés et le rendement du témoin reste inférieur aux modalités traitées contre les larves de grosse altise (gain 1,5 q/ha).
Comment piloter son intervention avec une berlèse ?
La berlèse donne une réponse sept à dix jours après le prélèvement en parcelle, voire dix/quinze jours pour un colza développé si la pièce est peu chauffée et humide. L'intérêt dans les essais du suivi hebdomadaire est de pouvoir arbitrer cette décision dès que le niveau des captures de larves se rapprochera du seuil de deux larves par plante. Là encore, la difficulté est d'établir un seuil.
En novembre, les fenêtres pour intervenir sont parfois limitées. À l'approche du seuil pour permettre une protection au bon moment, il faut être très pro-actif. Il est fastidieux de réaliser une berlèse hebdomadaire. Dans tous les cas, une berlèse fin octobre, à renouveler quinze jours à un mois après le cas échéant, semble une solution pour ne pas traiter à vue.
(1) Ce traitement est dépendant du développement de la culture : une implantation précoce et rapide peut permettre d'atteindre le stade 4 feuilles (fin du stade sensible) au moment des vols pour ne pas avoir besoin de traiter.(2) La biomasse des féveroles sortie d'hiver est estimable à moins de 200 g/m².(3) Au traitement du pic d'adultes de grosse altise, le colza était au stade BBCH 15-16, soit 5 à 6 feuilles.(4) Rappelons que les cuvettes sont un indicateur d'activité des insectes. Le nombre de captures est très variable au sein d'une même parcelle pour des raisons à déterminer (l'exposition et l'environnement peuvent influencer les captures).(5) Respecter les directives nitrates. Intégrer tous les éléments N, P et K.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Les altises du colza sont des ravageurs en recrudescence, d'autant que des résistances aux insecticides pyréthrinoïdes se sont développées ces dernières années.
TRAVAIL - Depuis 2013, des essais ont été réalisés pour valider l'efficacité du phosmet (produit commercial Boravi WG de la société Gowan) contre les adultes et les larves d'altises du colza. Depuis, les stratégies insecticides sont combinées à des mesures agronomiques, notamment la fertilisation (engrais starter N/P) et les plantes compagnes.
RÉSULTATS - Le phosmet a démontré son efficacité sur les deux stades du ravageurs. La stratégie qui cumule deux interventions contre les adultes et contre les larves est la plus sécuritaire. L'utilisation de la cuvette jaune et du dispositif berlèse permettent de raisonner les applications contre l'altise.
MOTS-CLÉS - Colza, grosse altise, insecticide, traitement, phosmet, Boravi WG, mesures agronomiques.
À retenir !
Assurer la productivité du colza en intégrant l'agronomie dès l'implantation de la culture.
Bien suivre sa culture en piégeant les insectes par cuvette et berlèse pour bien estimer l'état sanitaire d'une parcelle et piloter ses interventions.
Les piégeages de grosses altises adultes sont importants, la parcelle est peut-être à protéger pour limiter le nombre de larves. Ce risque est d'autant plus à considérer si la culture est en souffrance.
Fin octobre/courant novembre, si des larves de grosse altise sont présentes, réaliser une berlèse pour analyser la situation et décider ou non de l'intérêt d'une protection.
En cas d'intervention, alterner les modes d'action et, si une résistance aux pyréthrinoïdes se présente, introduire un produit de la famille des organophosphorés.