DOSSIER

Nouveaux produits phyto : un trio pour la pomme de terre

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°721 - février 2019 - page 16

L'innovation en matière de produits phytopharmaceutiques a peu touché la pomme de terre depuis un an, malgré l'arrivée d'un nouveau mode d'action antimildiou.
 Photo : Pixabay

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Trois réelles nouveautés en un an, la moitié du score de l'année dernière(1), dont seules deux sont commercialisées : l'innovation semble marquer le pas du côté de la protection phytosanitaire de la pomme de terre.

Nouveau mode d'action antimildiou

Le premier OSBPI

Un événement est à signaler : l'arrivée d'un mode d'action original, inédit jusqu'ici en phytopharmacie en France. La substance qui le possède se nomme officiellement oxathiapiproline. Détenue à l'origine par DuPont, elle appartient désormais à Corteva Agriscience. Cette société, créée en 2018 par fusion des activités agricoles de DuPont et Dow, désigne sa nouvelle molécule sous le nom de marque Zorvec. C'est un antimildiou, lancé simultanément sur vigne et sur pomme de terre dans deux produits différents.

La substance agit en inhibant une protéine, celle dite de liaison à l'oxystérol (oxysterol-binding protein, OSBP en anglais international). Son mode d'action est donc abrégé en OSBPI, « I » comme « inhibitor ». Un nouveau sigle à retenir !

Cette protéine joue un rôle dans l'élaboration des membranes cellulaires, mais à un niveau différent de celui des autres antimildiou agissant sur les parois cellulaires, comme par exemple les CAA (carboxylic acid amines). Le mode d'action est donc vraiment nouveau. La substance inaugure par conséquent de nouvelles catégories de mode d'action, dans la classification Frac(2) (F9/49) et dans celle du R4P(3) (U-E5). Il n'existe pas de résistance croisée avec les autres modes d'action disponibles contre le mildiou de la pomme de terre.

En pack associatif

Ceci étant dit, c'est un unisite, donc relativement vulnérable face au risque de résistance. De fait, même si le produit commercial contient de l'oxathiapiproline comme unique substance active, Corteva le commercialise exclusivement en pack associatif pour mélange à la cuve avec un partenaire à mode d'action différent.

Ce dernier sera à base soit de mancozèbe (un multisite), soit d'amisulbrom (un QiI, une des catégories de fongicides qui agissent sur la respiration cellulaire), soit d'un mélange mancozèbe/benthiavalicarbe-isopropyl (ce dernier est un CAA).

À noter que la spécialité, nommée Zorvec Enicade, est conseillée en préventif, pas plus de quatre fois par an et, répétons-le, en « tank-mix » (mélange extemporané).

Du biocontrôle contre le rhizoctone

Le premier Bacillus subtilis

La deuxième nouveauté de l'année ne vise pas le mildiou mais le rhizoctone brun occasionné par Rhizoctonia solani. Elle est vendue par Bayer sous le nom de Rhapsody. Il s'agit du second nom commercial, celui de référence est Serenade Aso. Sa substance active est originale sur pomme de terre : il s'agit de Bacillus subtilis, précisément de la souche QST713 de cette bactérie. Cette souche est la seule de l'espèce qui soit contenue dans des produits autorisés en France. Aucun de ces derniers n'était encore utilisable sur pomme de terre.

La protection de la pomme de terre dispose désormais de produits déclinant trois micro-organismes, tous visant les champignons autres que pythiacées. Les deux autres appartiennent aux genres :

- Pseudomonas, via la souche DSMZ 13134 de cette bactérie, utilisée en traitement des plants (produit Proradix, de Sourcon Padena, autorisé en novembre 2017(4)) ;

- Trichoderma, à savoir la souche I-1237 de l'espèce atroviride de ce champignon (produit Tri-Soil, d'Agrauxine, utilisable en traitement des plants ou du sol).

Pour le traitement du sol

Le nouveau produit vise lui aussi les « champignons autres que pythiacées ». Son AMM (autorisation de mise sur le marché) fait mention d'une « efficacité montrée sur Rhizoctonia solani » sur pomme de terre. Il a été autorisé sur cette culture en même temps que sur diverses autres : colza, betterave, vigne, plusieurs cultures fruitières et légumières. Sur pomme de terre il s'applique en traitement du sol. Il est reconnu de biocontrôle L. 253-5(5), tout comme les deux autres produits à base de micro-organismes. Sa reconnaissance UAB (utilisable en agriculture biologique) est attendue.

Le mildiou attend

Hélas, pour l'instant, il n'existe aucun produit de biocontrôle L. 253-5 visant les pythiacées, en clair le mildiou, sur la pomme de terre. Les seuls produits alternatifs aux fongicides de synthèse autorisés contre le mildiou sont des produits cupriques, certes UAB, répondant à la définition du biocontrôle au sens large, celui de l'article L. 253-6 du code rural, mais qui ne peuvent être inclus sur la liste L. 253-5.

Antimildiou

Le DMM joue en solo

Il y a bien une autre nouveauté antimildiou, nommée Navio, mais elle n'est pas commercialisée dans l'immédiat. L'AMM de ce produit est attribuée à Cheminova, société qui avait déposé la demande d'autorisation. FMC, qui a racheté Cheminova, ne compte pas le lancer en 2019.

Les décisions de non-lancement étant parfois provisoires, évoquons tout de même le produit : il est à base diméthomorphe (DMM). Cette substance est un CAA (code Frac H5-40, code R4P U-C1a) agissant sur la biosynthèse de la paroi cellulaire. Déjà autorisée sur pomme de terre mais associée à une autre substance à mode d'action différent, elle est ici formulée en solo.

(1) Voir « Produits phytopharmaceutiques pour la pomme de terre », Phytoma n° 710, janvier 2018, p. 33 à 36. Six nouveautés y étaient signalées.(2) Fungicide Resistance Action Committee, Comité international privé mondial regroupant les principaux groupes fabriquant des produits phytopharmaceutiques. Il classifie les fongicides par mode d'action (« code Frac », « groupe Frac »...) et surveille les survenues de résistances (regroupement des résultats des évaluations de laboratoire et suivis de terrain - monitoring), dans un but de meilleure prévention/gestion de ces phénomènes. (3) Réseau de réflexion et de recherches sur les résistances aux pesticides. Groupe de chercheurs du secteur public français spécialisés dans l'étude des produits phytopharmaceutiques. Auteur d'une classification unifiée des produits phytopharmaceutiques (en effet, certains fongicides peuvent avoir le même mode d'action biochimique que certains herbicides ou insecticides). (4) Voir Phytoma n° 710, janvier 2018, p. 33 à 36. (5) Produits de biocontrôle au sens des articles L. 253-5 et L. 253-7 du code rural, figurant sur une liste périodiquement réactualisée. Il s'agit, parmi les produits de biocontrôle au sens de l'article L. 253-6 du code rural, de ceux échappant à certaines mentions de danger et dont les substances actives ne sont pas candidates à la substitution. Ce dernier critère exclut les produits cupriques de cette liste.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les innovations survenues depuis un an en matière de produits phyto destinés à la pomme de terre sont au nombre de seulement trois.

RÉCAPITULATIF - Ces innovations, toutes fongicides, sont :

- l'arrivée de l'oxathiapiproline (nom de marque Zorvec) qui amène sur le mildiou un mode d'action totalement inédit, abrégé en OSBPI ;

- l'autorisation d'un produit de biocontrôle à base de la souche QST 713 de B. subtilis, visant le rhizoctone brun en traitement du sol ;

- l'autorisation d'un antimildiou à base de DMM solo (commercialisation non immédiate).

MOTS-CLÉS - Pomme de terre, produits phyto, fongicides, mildiou, OSBPI inhibiteur de l'OSBP, OxySterol Binding Protein, rhizoctone brun, Rhizoctonia solani, biocontrôle, DMM diméthomorphe.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIEN UTILE : https://ephy.anses.fr

BIBLIOGRAPHIE : voir note (4).

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