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Les dérivés du pin sous les Tropiques

François Giraud*, Christian Dufour** et Fredy Grossard*** - Phytoma - n°648 - novembre 2011 - page 37

Intérêt des adjuvants à base de dérivés terpéniques dans le désherbage de la canne à sucre en Guadeloupe
 Euphorbia heterophylla (ph. F. Grossard, CTCS)

Euphorbia heterophylla (ph. F. Grossard, CTCS)

Deux adventices nuisibles à la canne à sucre. En haut (médaillon) l'euphorbe Euphorbia heterophylla, ci-dessous l'herbe à riz Rottboellia cochinchinensis. ph. F. Grossard (CTCS)

Deux adventices nuisibles à la canne à sucre. En haut (médaillon) l'euphorbe Euphorbia heterophylla, ci-dessous l'herbe à riz Rottboellia cochinchinensis. ph. F. Grossard (CTCS)

À gauche, Calopogonium mucunoides, à droite, Merremia umbellata. Ces deux lianes, gênantes pour la récolte de la canne, font partie de la flore contre laquelle l'Heliosol se montre un partenaire intéressant pour le dicamba. Photos F. Grossard, CTCS

À gauche, Calopogonium mucunoides, à droite, Merremia umbellata. Ces deux lianes, gênantes pour la récolte de la canne, font partie de la flore contre laquelle l'Heliosol se montre un partenaire intéressant pour le dicamba. Photos F. Grossard, CTCS

Le pin au secours de la canne à sucre ? C'est possible. Des dérivés du pin nommés terpènes sont utilisés comme adjuvants à des produits phytopharmaceutiques, en particulier des herbicides. Deux d'entre eux ont été testés en Guadeloupe sur canne à sucre, en appui à un herbicide couramment utilisé et un autre nouvellement autorisé. En particulier, on a comparé des doses réduites des herbicides associées aux adjuvants avec les doses pleines des herbicides seuls. Les résultats sont fort intéressants.

La canne à sucre occupe environ 14 000 ha sur le département de la Guadeloupe. La flore cannière est dominée par des graminées de grande taille, Rottboellia cochinchinensis (herbe à riz) et Panicum maximum (herbe de Guinée). Elles sont très agressives, la première en Grande-Terre et à Marie-Galante, la seconde en Basse-Terre. De plus, des lianes et des espèces ligneuses gênent fortement la récolte.

Pour contrer ces adventices, le programme herbicide comporte généralement deux applications. La première s'effectue en prélevée en période de plantation, dans un délai de 7 jours après le recouvrement des boutures. La seconde, réalisée en post-levée, a lieu environ un mois et demi après recouvrement des boutures (Grossard, 2007).

Deux adjuvants, Heliosol et Actilandes TM (Encadré) sont évalués avec des herbicides. Les essais d'efficacité mis en place en Guadeloupe, sur canne à sucre en post levée, ont été réalisés par le Centre technique de la canne à sucre (CTCS) de Guadeloupe.

Fonctions des adjuvants à base de dérivés du pin

Avant de présenter les résultats de ces essais, nous rappelons les principales fonctions de ces adjuvants. On sait que tous les adjuvants sont par définition dépourvu d'activité phytopharmaceutique intrinsèque significative à leur dose d'utilisation. Leur rôle est de modifier les propriétés physico-chimiques ou biologiques des produits phytopharmaceutiques partenaires lorsqu'ils sont ajoutés en mélange extemporané dans la bouillie.

L'anti-rebond pour la rétention, et la qualité d'application

Heliosol à 0,5 %, grâce à son action anti-rebond lorsque la gouttelette atteint la cible, accroît la rétention d'un produit d'un facteur 6 sur feuilles d'avoine (utilisées comme matériel expérimental car difficilement mouillables).

De plus, cet adjuvant améliore la qualité de pulvérisation en homogénéisant la taille des gouttelettes et en limitant la dérive. Il bénéficie de la mention « limiteur de dérive ».

Enfin, l'ajout de cet adjuvant sécurise l'application en cas de pluie et réduit l'apparition de mousse lors de la préparation de la bouillie.

Rétention-qualité d'application, mais aussi pénétration

Actilandes TM combine les fonctions apportées par les terpènes de l'huile de pin et par les dérivés d'acides gras végétaux.

Grâce à sa composante terpénique, il accroît la rétention d'un facteur 2 à 3,5 (toujours mesuré sur feuilles d'avoine) selon l'herbicide auquel il est associé.

Grâce à ses dérivés d'acides gras, il augmente la pénétration du 2,4D dans l'avoine d'un facteur 2,5.

Enfin, cet adjuvant garantit l'efficacité de l'herbicide en cas de pluie et de températures fraîches (Giraud et al., 2010), ainsi qu'en situation de formation de rosées aux Antilles.

Dispositif expérimental

Les adjuvants sont testés en association avec soit du 2,4D, soit du dicamba. Plusieurs essais ont été conduits sous BPE par le CTCS selon les recommandations de la méthode CEB n° 74. Le détail des sites expérimentaux figure dans le tableau 1.

Le dispositif compte 3 ou 4 blocs. Chaque parcelle traitée est au moins adjacente à une parcelle témoin. L'ensemble de l'essai est entouré d'une bordure non traitée. Une allée d'un mètre de large sépare chaque bloc. La parcelle élémentaire occupe deux rangs sur 12 m de long, soit 38,40 m². Le volume de bouillie apporté est de 400 l/ha.

Amélioration de l'efficacité du 2,4D

Essai en 2003 sur deux « dicots »

Dans un essai réalisé à Petit-Canal en 2003, l'action des adjuvants a été évaluée sur l'efficacité du 2,4D, herbicide anti-dicotylédones, vis-à-vis de l'euphorbe Euphorbia heterophylla et de la liane Vigna luteola (pois zombie). Les taux de couverture de ces espèces dans les témoins étaient respectivement de 7 et 10 %.

L'ajout de 0,75 l/ha d'Heliosol ou de 1 l/ha d'Actilandes TM à 1 080 g/ha de 2,4D (soit les trois-quarts de la dose de 1 440 g/ha autorisée sur canne à sucre) permet d'atteindre une efficacité parfaite sur E. heterophylla et apporte un gain significatif d'efficacité sur V. luteola (Figure 1). Sur cette dernière adventice, Actilandes TM se montre meilleur qu'Heliosol.

En 2006 en parcelle très « couverte »

Dans un essai mis en place à Baie-Mahault en 2006, l'évaluation est réalisée sur E. heterophylla dont le taux de couverture dans les témoins atteint 50 %.

Les associations de 2,4D à 1 400 g/ha avec de l'Heliosol à 0,75 ou à 1 l/ha se montrent nettement plus efficaces que le 2,4D seul à 1 440 g/ha (pleine dose).

Avec 700 g/ha de 2,4D (soit 48,6 % seulement de la dose autorisée sur canne à sucre), l'ajout de cet adjuvant permet de retrouver des niveaux d'efficacité proches de la pleine dose.

L'essai semble indiquer que la dose optimale d'adjuvant est 0,75 l/ha (Figure 2).

Partenaire du dicamba sur graminées et dicotylédones

En 2005 sur six espèces

Dans un essai réalisé à Capesterre de Marie-Galante en 2005, la flore très variée a permis d'évaluer Heliosol associé au dicamba sur six espèces d'adventices parmi lesquelles figurent les principales lianes (Figure 3).

Il s'agissait d'un essai préalable à l'autorisation de l'herbicide sur canne à sucre. Cette autorisation a finalement été obtenue en 2011, à une dose de 288 g de substance active/ha (0,6 l/ha de la spécialité Opal dicamba, AMM(1) n° 2010310, qui titre 480 g/l de dicamba).

Sur l'ensemble de la flore, l'association d'Heliosol au dicamba à 3/4 de sa dose autorisée sur canne (dicamba 216 g/ha + Heliosol 0,75 l/ha) montre une efficacité au moins équivalente à celle obtenue avec le dicamba appliqué seul à pleine dose (288 g/ha).

Et « l'herbe à riz » ?

Des essais ont été réalisés en 2004 et 2008 sur l'efficacité contre l'herbe à riz Rottboellia cochinchinensis. Nous ne publions pas ici leurs résultats chiffrés. En effet l'herbicide associé, autorisé à l'époque, sera bientôt interdit. Le règlement européen de « non approbation » de la substance a été publié le 20 octobre(2). Il oblige à retirer d'ici le 31 décembre 2011 les AMM des produits contenant cette substance. Ces produits pourraient être utilisables en 2012 (délai de grâce pour écoulement des stocks) mais pas après le 31 décembre 2012.

Quoiqu'il en soit, ces adjuvants ont eu un effet positif sur l'action contre R. cochinchinensis, preuve de leur intérêt contre les graminées même très difficiles.

Il sont donc à re-tester avec des herbicides autorisés aujourd'hui ou à autoriser demain.

Conclusion

Le programme expérimental mis en place en Guadeloupe permet de disposer d'une première évaluation de deux adjuvants à base de dérivés du pin (Heliosol et Actilandes TM) avec des herbicides représentatifs de la culture cannière.

Associés au 2,4D à 1 080 g/ha voire à 700 g/ha, ils garantissent tous deux un excellent niveau d'efficacité sur les dicotylédones, y compris les espèces lianescentes.

Enfin, Heliosol s'avère un bon partenaire pour le dicamba nouvellement autorisé.

Les performances des deux adjuvants avec des doses réduites d'herbicide montrent qu'ils sont d'excellents outils permettant de s'approcher des objectifs du plan Écophyto 2018.

Pour disposer d'une vision plus complète et plus large de leur intérêt technique en production cannière, d'autres expérimentations sont à réaliser dans d'autres régions de production telles que La Réunion ou la Martinique, et, par ailleurs, avec d'autres herbicides autorisés sur canne à sucre.

<p>*Action Pin, ZI de Cazalieu, BP 30, 40260 Castets, France.</p> <p>** AgroAntilles, 38 bis, boulevard d'Amédée-Clara, 97190 Le Gosier, Guadeloupe, France.</p> <p>*** Centre technique de la canne à sucre (CTCS) de la Guadeloupe, BP 225, Morne-l'Épingle Providence, 97182 Abymes, Guadeloupe, France.</p> <p>(1) Autorisation de mise sur le marché. Elles sont délivrées au niveau national, mais il faut que les substances actives aient été « approuvées » au niveau européen.</p> <p>(2) Règlement n°1045/2011 du 19 octobre 2011, <i>« concernant la non approbation de la substance active asulame; conformément au règlement 1107/2009… »</i> paru au JOUE du 20 octobre 2011.</p>

Tableau 1 - Principales caractéristiques des sites expérimentaux.

Figure 1 - Effet des deux adjuvants sur l'efficacité du 2,4D.

Efficacité sur deux dicotylédones, 27 jours après application, du 2,4D seul à pleine dose et 3/4 de dose, comparée à celle du produit à 3/4 de dose avec adjuvants.

Figure 2 - Effet de l'Heliosol sur l'efficacité du 2,4D.

Efficacité comparée 28 jours après application du 2,4D seul à plusieurs doses et du 2,4D avec Heliosol à plusieurs doses d'essai.

Figure 3 - Effet de l'Heliosol adjoint au dicamba.

Efficacité globale comparée 28 jours après application du dicamba seul à plusieurs doses et du dicamba avec Heliosol.

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Quels sont les deux adjuvants testés ?

La société Action Pin développe des adjuvants à base de composés terpéniques issus du pin.

Heliosol® contenant 665 g/l d'alcools terpéniques est autorisé avec les bouillies insecticides et fongicides à la dose de 0,2 % et avec les bouillies herbicides et régulateurs de croissance à la dose de 0,5 %. Cet adjuvant a montré son intérêt technique en association avec des herbicides, notamment avec le glyphosate (Bonin et Citron, 2007a) et avec les programmes de désherbage du maïs. Il est par ailleurs utilisable en agriculture biologique.

Actilandes® TM contenant 430 g/l d'huile de pin et 286 g/l de dérivés d'acides gras végétaux, est autorisé avec les bouillies herbicides à la dose de 1 l/ha.

Sa composition, totalement d'origine végétale, est conforme à la norme Afnor NFT60-720. Sa dose pratique d'utilisation est de 0,75 l/ha. Il est particulièrement performant avec les antigraminées notamment les inhibiteurs d'ACCase (Cabanne, 1999) et d'ALS (Bonin et Citron, 2007b) sur cultures de céréales.

Bibliographie

• Bonin L. et Citron G., 2007a - Intérêt de différents adjuvants et impact de la formulation sur l'efficacité du glyphosate. In 20e Conférence du COLUMA, Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes. Dijon (France), 11 et 12 décembre 2007. [cédérom]. AFPP Paris. 855-862.

• Bonin L. et Citron G., 2007b - Intérêt de différents adjuvants et produits avec les sulfonylurées anti-graminées sur céréales. In 20e Conférence du COLUMA, Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes. Dijon, 11 et 12 décembre 2007. [cédérom]. AFPP Paris. 644-652

• Cabanne F., 1999 - Une autre approche des essais biologiques. L'évaluation d'un mélange d'adjuvants ajoutés à un herbicide. Phytoma-La Défense des Végétaux, 251, 6-8.

• Giraud F. et Querrioux A., 2010 - Sécurisation de l'efficacité d'une sulfonylurée par un adjuvant à base d'alcools terpéniques et d'ester d'acides gras végétaux, en conditions fraîches et pluvieuses - In 21e Conférence du COLUMA, Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes, Dijon (France), 8 et 9 décembre 2010. [cédérom]. AFPP Paris. 493-500.

• Giraud F., Querrioux A., Dufour Ch. et Grossard F., 2010 - Intérêt d'adjuvants contenant des alcools terpéniques dans les programmes herbicides de la canne à sucre - In 21e Conférence du COLUMA, Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes. Dijon, 8 et 9 décembre 2010. [cédérom]. AFPP Paris. 644-651.

• Grossard F., 2007 - Observations de l'enherbement en culture de canne à sucre en Guadeloupe. In 20e Conférence du COLUMA, Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes, Dijon (France), 11 et 12 décembre 2007 [cédérom]. AFPP Paris, 688-694.

Résumé

L'action d'adjuvants contenant des dérivés terpéniques issus du pin, sur l'efficacité d'herbicides autorisés sur canne à sucre, est évaluée par une série d'essais conduits en Guadeloupe. Avec le 2,4D, Heliosol® et Actilandes® TM améliorent l'efficacité et la vitesse d'action sur de nombreuses dicotylédones, en particulier sur les lianes. Avec le dicamba, nouvellement autorisé sur canne à sucre, Heliosol se révèle être un bon partenaire sur graminées et dicotylédones.

Mots-clés : Guadeloupe, mauvaises herbes, adjuvants, dérivé terpénique, mode d'action, herbicides, dicotylédones, asulame, 2,4D.

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