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La microscopie fonctionnelle à épifluorescence

Viviane CALAORA*, Christophe PRÉVOT**, Odile RAMBACH**, Michel PETIT**, Jean-Marc SENG* et Christian SCHLATTER*** - Phytoma - n°654 - mai 2012 - page 40

Une approche innovante permet de caractériser le mode d'action du sédaxane

Après la mise en évidence d'un effet inattendu sur le blé du sédaxane, nouvelle substance active fongicide SDHI appartenant à la famille chimique des pyrazoles-carboxamides(1) (voir Phytoma d'avril dernier(2)), l'équipe de BIOtransfer a réalisé une seconde étude présentée ici.

Ce travail utilise la microscopie fonctionnelle à épifluorescence pour étudier les perturbations provoquées par le sédaxane chez un champignon-cible, Microdochium majus. La méthodologie a également permis de comparer le sédaxane à des fongicides d'autres familles chimiques, dans le but d'évaluer l'originalité de son mode d'action au niveau cellulaire.

Approche méthodologique mise en œuvre

L'outil : la microscopie à épifluorescence

On connaît la microscopie optique « classique » qui utilise le contraste de phase pour visualiser la morphologie des éléments observés. Depuis quelques années, on assiste au développement de la microscopie fonctionnelle à épifluorescence.

De petites molécules fluorescentes, les fluorochromes, se fixent sélectivement sur leur cible : paroi, membrane, noyau... Certains fluorochromes voient leur fluorescence modifiée par certains processus métaboliques.

Si l'application d'un fongicide entraîne une altération métabolique de la cible en rapport avec son mode d'action, le fluorochrome va alors révéler cette modification d'activité en modifiant la fluorescence de la cible altérée. Ainsi, lorsque le fongicide agit, on observe non seulement la morphologie (les formes) mais aussi la fonction.

La méthode permet de comparer un témoin (non traité) et un fongicide voire de comparer l'action de fongicides.

Notre laboratoire a développé(3) des fluorochromes permettant de visualiser la forme générale du mycélium (morphologie), l'activité métabolique cytoplasmique, la mort cellulaire, la morphologie des noyaux et l'activité mitochondriale.

Microdochium majus et quatre fongicides

Microdochium majus est un agent pathogène à fort impact économique ciblé par le sédaxane en traitement de semences. Comme des souches sensibles et résistantes aux strobilurines existent dans la nature, nous avons validé l'action du sédaxane sur ces deux types de souches, en le comparant à une strobilurine (fluaxostrobine), un triazole (difénoconazole) et un (phényl) pyrrole (fludioxonil). Le travail est décrit figure 1.

Les quatre substances sont utilisées à des sub-doses induisant des modifications de viabilité du champignon sans le tuer (doses sublétales), afin de différencier les activités fongicides.

Principaux résultats

Morphologie n'est pas métabolisme

Les fluorochromes de structure (parois) et métaboliques révèlent des différences entre modalités.

Ainsi, par rapport au témoin (hyphes longs, rectilignes, peu branchés), la morphologie des souches S et R (Figures 2A et 2B) est très affectée par le difénoconazole et le fludioxonil (hyphes courts, déformés, branchés) mais peu par la fluoxastrobine et le sédaxane.

En revanche les fongicides, surtout à forte dose, diminuent nettement l'activité métabolique (Figures 3A et 3B) voire tuent certains hyphes (ponctuations rouges) des deux souches, à l'exception, attendue, de la souche R (résistante aux strobilurines) traitée à la fluoxastrobine (une strobilurine).

Du noyau aux mitochondries

Le fluorochrome nucléaire (Figure 4) permet d'observer d'importantes différences entre modalités. Ainsi les noyaux semblent fortement affectés (déformés ou détruits) dans les conditions sédaxane et fluoxastrobine, avec un effet dose assez marqué pour la fluoxastrobine sur la souche S (Figure 4A) ainsi que pour les deux conditions sédaxane souches S et R.

En revanche, pour les deux doses de fluoxastrobine, il est intéressant de noter l'absence d'altération nucléaire visible sur la souche R, résistante (Figure 4B).

Lors des traitements fludioxonil ou difénoconazole, les noyaux ne semblent pas affectés par rapport au témoin.

Le fluorochrome mitochondrial (Figure 5) est très discriminant. L'activité mitochondriale est très fortement perturbée en présence de sédaxane, quelle que soit la souche S ou R observée. Cette perturbation est visible à la dose la plus élevée pour les deux types de souches.

Dans le cas de la fluoxastrobine, les mitochondries de la souche S sont affectées (Figure 5A) mais pas celles de la souche R, même à la dose la plus élevée (Figure 5B).

Par ailleurs le difénoconazole, aux deux doses testées, n'affecte pas les mitochondries des souches S et R.

En conclusion

La viabilité de M. majus est altérée par l'action des fongicides testés, à travers diverses atteintes fonctionnelles (résumées figures 6A et 6B) visualisées par des fluorochromes.

La microscopie fonctionnelle à fluorescence a montré que le sédaxane se différencie d'autres fongicides en induisant des modifications métaboliques particulières.

On sait que ce SDHI a une action mitochondriale : il agit sur le complexe II de la membrane interne mitochondriale. Nous avons montré, c'est important, que l'action sur le complexe II (celle des SDHI) et celle sur le complexe III (celle des strobilurines) peuvent être discriminées au niveau cellulaire grâce à cette approche. Ainsi, une souche résistante aux strobilurines est contrôlée par le sédaxane.

Un autre aspect original du sédaxane concerne les modifications nucléaires révélées par l'usage d'un fluorochrome spécifique. Visibles à la dose la plus faible, elles sont accentuées à la dose la plus élevée. La signification de ce fait reste à déterminer.

La comparaison des effets métaboliques induits par les quatre fongicides est encourageante pour étudier la pertinence d'associations entre matières actives de familles chimiques différentes. La complémentarité de modes d'action pourrait être validée au niveau cellulaire en intégrant les effets doses. Bien entendu, les contraintes du plein champ (dose, ratios entre matières actives, compartimentation des produits in planta) doivent être prises en compte dans cette approche.

<p>(1) SDHI : inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (Succinate DesHydrogenase Inhibitor). Le sédaxane appartient au groupe C2 : complexe II, Succinate deshydrogenase. FRAC code list 2011®.</p> <p>(2) Barchietto T. &amp; al., 2012. Le sédaxane, vers un nouveau concept en protection des plantes ? Phytoma n° 653 avril, p. 7 à 10.</p> <p>(3) Dépôts de brevets en cours.</p>

Figure 1 : Schéma du protocole expérimental.

Des implants mycéliens de M. majus souche S (sensible aux strobilurines) ou R (résistante aux strobilurines) sont prélevés sur des boîtes de culture. Ces implants sont déposés sur des lames de verre recouvertes d'un milieu gélosé. Après 24 heures de croissance, les lames sont recouvertes avec 250 µl de solution fongicide préparée à différentes doses. Après 3 jours de culture en présence du fongicide, les différents fluorochromes sont appliqués et observés sous microscope à épifluorescence.

Figure 2 : Effet du sédaxane et d'autres fongicides sur la morphologie de M. majus

Observation en microscopie à épifluorescence des marquages de structure révélant d'éventuelles déformations des hyphes provoquées par les traitements fongicides à différentes doses.

Figure 3 : Effet des quatre fongicides sur le métabolisme de M. majus.

Observation en microscopie à épifluorescence des marquages de l'activité métabolique (en vert plus ou moins intense selon le niveau d'activité) et des marquages de mortalité (en rouge) provoqués par les fongicides utilisés à différentes doses.

Figure 4 : Effet du sédaxane et d'autres fongicides sur les noyaux de M. majus.

Observation en microscopie à épifluorescence des marquages nucléaires (ponctuations bleues visibles dans les hyphes) révélant d'éventuelles déformations ou destructions des noyaux provoquées après traitements fongicides à différentes doses.

Figure 5 : Effet du sédaxane et d'autres fongicides sur l'activité mitochondriale de M. majus.

Observation en microscopie à épifluorescence des marquages de l'activité mitochondriale (en vert plus ou moins intense selon le niveau d'activité) provoquées par les traitements fongicides à différentes doses.

Figure 6A. Morphologie et métabolisme.

Tableau récapitulant les modifications morphologiques et d'activité métabolique (représentées en vert pour les filaments vivants et en rouge pour les filaments morts) observées après traitement avec les différents fongicides utilisés à différentes doses.

Figure 6B. Noyau et mitochondries.

Tableau récapitulant les modifications nucléaires et les modifications d'activité mitochondriale observées après traitement avec les différents fongicides utilisés à différentes doses.

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RÉSUMÉ

- CONTEXTE

Une étude de laboratoire utilisant la fluorescence pour visualiser le mode d'action de fongicides.

- TRAVAIL

Deux souches différentes de Microdochium majus (l'une sensible et l'autre résistante aux strobilurines) ont été confrontées in vitro au sédaxane (un SDHI) ainsi qu'à une strobilurine, un triazole et une phénylpyrrole, à deux doses différentes.

Puis la microscopie fonctionnelle à épifluorescence a permis de visualiser les modifications morphologiques (parois des hyphes), métaboliques (métabolisme actif ou non, mort cellulaire), nucléaires (noyaux cellulaires normaux, déformés ou détruits) et mitochondriales induites par les fongicides aux doses testées.

Les résultats permettent de visualiser les différences d'action entre deux substances induisant le même effet morphologique : effets sur le métabolisme, les noyaux et/ou les mitochondries.

- CONCLUSION

Ce travail a montré les effets métaboliques du sédaxane, l'originalité de son mode d'action par rapport à celui d'autres fongicides et les perspectives pour :

– l'utilisation du sédaxane ;

– l'utilisation de l'épifluorescence comme outil d'étude des modes d'action des produits donc leurs complémentarités.

- MOTS-CLÉS

Sédaxane, mode d'action, microscopie fonctionnelle à épifluorescence, Microdochium majus.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : * V. CALAORA et J.-M. SENG : BIOtransfer. 41, rue Émile-Zola, 93100 Montreuil-sous-Bois.

** C . PRÉVOT, O. RAMBACH et M. PETIT : Syngenta Agro. 1, avenue des Prés, 78286 Guyancourt Cedex.

*** C. SCHLATTER : Syngenta, Schwarzwaldallee 215, CH-4058 Bâles, Suisse.

CONTACTS :

- contact@biotransfer.fr

- christopheprevot@syngenta.com

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