Imagos mâles. Forme blanche la plus courante (photos 1 et 2) et forme mélanique plus rare (photo 3). L'envergure est de 3,6 à 4,4 cm. Photos : J.-F. Feldtrauer
Photo 5 : chrysalide (nymphe). Ici sortie de son cocon lâche tissé entre les feuilles et tête vers le bas. Photo 5 : S. Hugel
Photos 6, 7 et 8 : Les adultes sont attirés par les sources lumineuses émettant des UV, ici une ampoule à vapeur de mercure (125 W. verre non dépoli). Strasbourg en milieu urbain, le 22 juillet 2009. Nombre évalué à 200-300 individus. Photos : C. Dollé
Photo 10 : une haie de 16 m de long située dans un jardin privé en Haute-Savoie. Photo 10 : P. Sermeus
Photo 11 : chenilles collectées à la main sur cette haie : il y en a 10 litres ! Photo 11 : P. Sermeus
Une espèce exotique de papillon a été découverte en 2007 en Allemagne et en 2008 en France. C'est la pyrale du buis Cydalima perspectalis (Walker, 1859). Ses chenilles occasionnent d'importants dégâts sur buis d'ornement, et depuis peu dans des buxaies naturelles, jusqu'à leur dépérissement. Son expansion est fulgurante. Les médias en parlent, même le journal télévisé national (Venuat et al., 2013).
Présentation du ravageur
Son genre et son statut
C'est une pyrale de la famille des Crambidae et de la sous-famille des Spilomelinae qui comptent respectivement 269 et 32 espèces en France métropolitaine (Leraut, 1997). La taxonomie de l'espèce a été discutée depuis son arrivée en Europe, si bien qu'on la trouve associée à quatre genres : Palpita Hübner, 1808 (= Phakellura Guilding, 1830), Diaphania Hübner, 1818, Glyphodes Guenée, 1854 et Neoglyphodes Streltzov, 2008. Mais selon de récents travaux (Mally et Nuss, 2010), elle est du genre Cydalima Lederer, 1863.
L'espèce figurait sur la liste d'alerte de l'OEPP de 2007 à 2011 et en a été retirée au motif que l'information avait été suffisamment relayée (OEPP, 2013).
Des adultes faciles à reconnaître... quand on peut les voir
Ce papillon a des ailes blanches et brunes présentant des irisations dorées et violacées. Son envergure moyenne est de 36 mm et son maximum 44 mm. Les deux sexes sont semblables. Le mâle se distingue par l'extrémité de son abdomen à coloration brune plus étendue et par la présence de touffes de longues écailles odoriférantes dévaginables. L'imago ne peut pas être confondu avec d'autres espèces locales vu sa grande taille et son motif caractéristique : blanc et brun.
L'espèce se présente sous trois habitus (trois formes distinctes) (Feldtrauer et al., 2009, obs. pers.) :
– la forme classique blanche avec extrémités des ailes et du corps ornées de brun (photos 1 et 2) ;
– une variante présentant aussi une bande brune sur le bord inférieur de l'aile antérieure, qui est blanche sous la forme précédente (Mally & Nuss, 2010) ;
– une forme entièrement brune, hormis la tache discale blanche de l'aile antérieure (photo 3).
Ce phénomène existe chez d'autres espèces de lépidoptères, mais n'est pas très fréquent. Ceci témoigne de l'existence d'une certaine variabilité génétique dans la population implantée en Europe, et par là même de capacités adaptatives étendues.
Les espèces avec lesquelles la pyrale du buis pourrait être confondue sont deux pyrales exotiques observées accidentellement en Europe : la pyrale hyaline du melon, Diaphania hyalinata (L., 1767), et la pyrale hyaline du concombre, Diaphania indica (Saunders, 1851) (Leraut, 2012).
Vivant, ce papillon se pose les ailes déployées laissant apparaître leur face dorsale. De jour, au repos, il s'observe sous les feuilles. Ses antennes filiformes sont alors repliées sur le dos.
L'espèce est très vive, farouche et vole très bien. Son vol est rapide et en zigzag (Brua). C'est sous ce stade que l'espèce se propage naturellement.
Les œufs
Les œufs sont ronds, très aplatis et se chevauchent à la manière des écailles de poissons (Lepiforum). Ils sont translucides et de couleur jaunâtre. Un point noir (capsule céphalique de la chenille) apparaît par transparence peu avant leur éclosion.
Les larves
Au dernier stade larvaire, la chenille est grande : jusqu'à 35-40 mm de long (photo 4). Elle possède 6 pattes thoraciques jaunes et 10 pattes abdominales, une tête noire et luisante, un corps vert clair, strié longitudinalement de vert foncé, jaune clair et blanc. Il est noté la présence de verrues noires et de longs poils blancs isolés.
Sur buis, elle ne peut être confondue avec aucune autre espèce. Les chenilles de la tordeuse, Ditula angustiorana (Haw., 1811), espèce polyphage elle aussi présente sur buis (B. sempervirens) (Alford et al., 2002 p. 245-246) ne dépassent pas 18 mm. De plus, elles sont monochromes de couleur vert jaunâtre à ocre brun et la tête n'est pas noire mais brun jaunâtre.
Des confusions ont été faites avec des chenilles de la piéride du chou, Pieris brassicae (L., 1758), qui sont de taille et d'ornementation voisines et peuvent s'observer au jardin sur feuilles de capucines.
La nymphe
La chrysalide atteint 21 mm de long (photo 5). Elle est de couleur vert clair et jaune clair avec dorsalement quatre lignes brun foncé séparées par des lignes claires. La ligne dorsale est brun orangé. La cuticule est translucide, tout comme l'exuvie.
Lorsqu'on la saisit entre les doigts, elle agite vigoureusement son extrémité abdominale.
Pourquoi et comment la détecter à temps
Au début, elle passe inaperçue...
Le comportement de la pyrale du buis fait qu'elle passe facilement inaperçue tant que sa population reste faible à son arrivée dans de nouveaux secteurs géographiques. Pour tenter de s'en prémunir, il est utile de connaître les moyens permettant de détecter sa présence.
Rechercher les adultes la nuit ou de bon matin
Les imagos sont inactifs de jour et restent cachés. Il est donc rare de les observer autrement que posés sur des murs ou des vitrines éclairées la nuit. En effet, cette espèce d'activité nocturne est fortement attirée par les éclairages artificiels.
Le spectre émis par les sources lumineuses influence leur attractivité. De nombreuses ampoules à incandescence récentes utilisées pour l'éclairage public ne sont pas très attractives. En revanche, certaines anciennes ampoules utilisées comme éclairage d'immeubles (Feldtrauer et al., 2009 ; Lechapt, 2012 ; obs. pers.), lampadaires publics (Delmas, 2013) ou vitrines sont plus à même de les attirer.
Ainsi, l'inspection nocturne ou de bon matin de lampadaires et murs éclairés permet d'observer cette espèce. Les sources lumineuses émettant dans le spectre ultraviolet sont les plus attractives : ampoules à vapeur de mercure (Dollé comm. pers., 2009 ; Schmitt et Demergès, 2012), tubes fluorescents actiniques ou de Wood (photos 6, 7, 8).
Cependant, cette méthode n'est pas la plus utilisée pour parvenir rapidement à trouver l'espèce, l'examen direct des buis étant plus efficient.
Des pièges à phéromone, oui... pour la surveillance
Certains des composants de la phéromone ont été isolés dès 2007 et des pièges ont été mis en test en Allemagne (Lepiforum). Ils sont utilisables pour la détection et détermination des périodes de vol (monitoring). En revanche, ils ne donneraient pas les résultats escomptés en termes de lutte massive.
Écarter les rameaux pour apercevoir les larves
Les chenilles de dernier stade sont de grande taille, presque 4 cm, mais cachées dans les buis. Elles deviennent visibles quand les buis sont quasi défoliés.
Pour rechercher leur présence, il ne faut pas hésiter à écarter des deux mains les rameaux des buis touffus.
La présence de nombreuses crottes cylindriques, sèches et de couleur vert clair, retenues par les fils de soie et la masse foliaire oriente les recherches.
Une technique aisée consiste à rechercher les jeunes chenilles (taille environ 5-8 mm) hivernantes, car c'est sous ce stade que l'espèce passe l'hiver. L'observation de l'apex des rameaux permet d'y déceler la présence de groupe de deux ou trois feuilles réunies entre elles par quelques faisceaux blancs – bien visibles – de fils de soie.
En écartant ces feuilles, on observe une sorte de logette composée de deux parois de soie blanche : l'hibernarium. Au milieu se trouve la jeune chenille hivernante. Souvent la chenille débute par consommer le limbe par sa face inférieure, ce qui aboutit à un motif caractéristique de mangeure (endroit mangé).
« Palper » les buis pour découvrir la nymphe
La chrysalide se trouve dans un cocon très lâche constitué de quelques rameaux de buis feuillus réunis par de rares fils de soie longs (photo 5 page précédente). On la trouve facilement en « palpant » la masse foliaire, ce qui permet de sentir les amas plus denses (Brua). En écartant délicatement les feuilles on y trouve la chrysalide verte et brune ou l'exuvie vide.
Les œufs sont difficiles à trouver
Les œufs sont pondus par plaques sous le limbe. Une ponte se compose de 20 à 30 œufs ; une femelle pond probablement à plusieurs emplacements. Trouver des pontes in situ n'est pas chose aisée (Brua).
Autres indices
Les cas les plus graves de défoliation, jaunissement ou brunissement des arbustes sont visibles à plusieurs dizaines de mètres ! Cependant, la défoliation peut se limiter à certaines parties du plant, avec un net contraste avec les parties encore vertes. Sur des buis peu attaqués, la présence est moins visible. L'examen de près du feuillage permettra de trouver des feuilles partiellement consommées au profil caractéristique.
Souvent il ne subsiste qu'une sorte de filament brun clair, correspondant au bord du limbe. Ceci constitue un indice pérenne permettant d'attester de la présence de la pyrale du buis alors même que les individus ont quitté l'arbuste (Brua).
La recherche des indices laissés par les jeunes chenilles hivernantes sur les pousses apicales, tels que les mangeures et les hibernarium, est également possible.
La présence de très nombreuses crottes au sol est un bon moyen de détection, surtout sur un sol nu et lisse. On peut secouer l'arbuste pour faire tomber des crottes, mais la plupart du temps, c'est inutile.
Risques de confusion des symptômes sur buis
Des signalements erronés peuvent être relatés par le public non averti. Des dessèchements partiels du feuillage résultent fréquemment d'opérations de taille. Les bords extérieurs des buis peuvent avoir été grillés suite au passage de désherbeurs thermiques. On observe souvent des rougissements des buis virant parfois franchement à l'orange. Ce phénomène physiologique est attribué à des facteurs climatiques – froid, sécheresse – restant à clarifier.
Des champignons pathogènes (Volutella buxi et Cylindrocladium buxicola) ont été signalés récemment en Europe et s'ajoutent aux quatre autres déjà présents en Suisse (Michel & Engesser 2009) ; la présence de fructifications microscopiques permet de conforter le diagnostic.
Des dégâts spectaculaires
Défoliations puis dépérissements
En Alsace, cette pyrale réalise trois cycles de développement par an avec trois pics de dégâts : début de printemps (mars-avril), été (mi-juin-juillet), début d'automne (septembre-début octobre) (Brua). Ceci correspond aux suivis du cycle biologique de l'espèce faits au Japon (Maruyama et al., 1987, 1991).
D'importants dégâts sont causés par les chenilles qui dévorent les feuilles des buis. Certains arbustes et haies entièrement défoliés finissent par dépérir (photos 9 et 10). De façon plus générale, l'aspect esthétique des arbustes infestés est très altéré, les buissons apparaissent couleur paille, plein de crottes et de fils de soie.
De plus, les buis ayant un feuillage persistant, les dégâts occasionnés restent visibles longtemps.
Les buis d'un même site ne sont pas tous dans le même état
Il est fréquent de constater que, dans une même rue, certains buis ont dépéri et d'autres sont quasi indemnes sans qu'a priori un traitement ait été fait.
On constate que les buis denses, taillés, aux rameaux compacts, sont les plus sévèrement touchés. Les anciens buis, au port naturel et à la ramure plus vaporeuse, sont davantage épargnés. Cela est d'une part lié au fait que la ponte groupée concentre les chenilles sur un même plant. D'autre part, les chenilles sont moins visibles dans les buis denses et donc moins exposés aux prédateurs (Brua).
Les buis naturels aussi sont touchés
Juste après l'arrivée en Europe de cette espèce, les dégâts étaient observés uniquement sur des buis ornementaux en milieu urbain ; les zones naturelles où le buis est présent étaient trop éloignées des foyers primaires.
Mais les premières observations de buis défoliés in natura ont été constatées dans le Haut-Rhin dès 2012, dans la réserve naturelle régionale Im Berg à Tagolsheim.
Le constat fin août 2013 (photos 12 à 15) est catastrophique : tout le sous-bois de buis de la forêt, soit 10 ha, est entièrement défolié (Brua). Une nouvelle étape a été franchie. L'ampleur des dégâts a fait la une de la presse régionale (Maeder, 2013). La densité des chenilles de la deuxième génération y était si élevée qu'elles ont même rongé l'écorce des arbustes et cela jusqu'au collet !
Qu'adviendra-t-il lorsque l'espèce se propagera dans les vastes buxaies méridionales ?
Aujourd'hui les buis, et demain ?
En Europe, l'espèce n'a été observée que sur buis, Buxus spp. (B. microphylla, B. microphylla var. insularis, B. sempervirens, B. sinica) (OE PP, 2007). La littérature scientifique chinoise cite d'autres plantes-hôtes : houx à feuilles pourpres (Ilex purpurea), fusain du Japon (Euonymus japonicus) et fusain ailé (Euonymus alatus). Il n'est donc pas exclu de trouver des chenilles sur des plantes locales comme le houx (Ilex aquifolium) et le fusain d'Europe (Euonymus europaeus) (Lepiforum, 2008).
Fin 2008, j'avais constaté la présence de chenilles sur buis de Colchide, B. colchica Pojark et buis à feuilles rondes B. sempervirens L. 'rotundifolia' du jardin botanique de Strasbourg (Brua, Brua SAE-SE M). Avec l'aide et l'accord de Frédéric Tournay, alors conservateur du jardin botanique de l'université de Strasbourg, j'ai réalisé une série de tests d'appétence de plusieurs espèces.
Des lots de cinq chenilles, de stade intermédiaire, ont été placés, plusieurs jours durant, dans des boîtes en plastique cristal de 14 x 7 x 7 cm contenant quelques rameaux de la plante à tester. Le test s'est limité à observer si les chenilles consommaient la plante, le développement complet du cycle n'ayant pas été poursuivi. Les résultats obtenus ont suggéré qu'a priori rien n'était à craindre pour d'autres espèces que les buis (Tableau 1).
En 2013, des tests complémentaires sur le fusain ailé ont montré, en laboratoire, que les chenilles pouvaient s'alimenter sur cette plante, feuilles et grignotage des tiges – des imagos ont été obtenus (Brua).
À ce jour aucune observation n'a été relatée, in situ, en Europe sur d'autres plantes que les buis. Ce point peut-être lié à l'attractivité des plantes de buis pour les femelles.
Rappelons ici que les fusains et le houx, à l'instar des buis, contiennent des alcaloïdes toxiques. Mais, on le verra plus loin, cela n'est pas pour freiner l'expansion de la pyrale du buis, bien au contraire !
Une expansion inéluctable
Allemagne puis Alsace
En mai 2007, les premières chenilles de pyrale du buis ont été trouvées en Allemagne dans la ville de Weil-am-Rhein et ses environs (Bade-Wurtemberg). C'était le premier signalement pour l'Europe (Krüger, 2008). Vu l'importance de la population, son implantation devait remonter à 2005.
L'espèce a ensuite été régulièrement observée en masse autour de Kehl par Klaus Rennwald. La presse de Kehl a relaté le sujet au printemps 2008 (Braun, 2008).
Les premières observations françaises ont été réalisées en août 2008 par les entomologistes Jean-François et Jean-Jacques Feldtrauer, autour de lampadaires à Saint-Louis (68), à moins de 4 km à vol d'oiseau de Weil-am-Rhein. Ils ont dénombré plus de 700 adultes ! On a noté des dégâts sur plusieurs arbustes et tous les stades de développement : larves de toutes tailles, nymphes et adultes...
Europe et France
Le qualificatif d'espèce envahissante s'applique pleinement à cette espèce à dynamique d'expansion vraiment très importante. En Europe, la dispersion a été fulgurante, incluant l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Autriche, les Pays-Bas... En France, en moins de sept ans, elle s'est implantée avec certitude dans 17 régions et 52 départements (voir cartes) !
Ces cartographies ont pu être dressées à l'aide d'internet et des sciences participatives qui facilitent la collecte d'informations sur la distribution d'espèces envahissantes.
Gare aux achats de buis !
La vitesse d'expansion autonome de l'espèce n'est que de quelques kilomètres par an, ce qu'a montré le suivi des fronts de contamination dans le Bas-Rhin (Brua). Il est clair que le mode principal de dispersion sur grandes distances et la création de nouveaux foyers sont le fait de l'activité humaine. En Alsace, l'enquête quant à l'origine de nouveaux foyers situés à plus de 50 km de distance des zones de contamination a révélé qu'ils étaient liés à l'achat de buis infestés (Brua).
Quels moyens de protection ?
Pièges lumineux pas assez sélectifs
Il est tentant d'utiliser des pièges lumineux émettant des UV pour capturer et détruire la pyrale du buis. Mais cette technique, utilisée par ailleurs pour les inventaires faunistiques, attire d'innombrables espèces constitutives de notre biodiversité locale. Elle n'est pas sélective même en dotant les pièges de grillages calibrés. L'impact sur les espèces autochtones est injustifiable.
Phéromones : surveillance seulement
La sélectivité globale des pièges à phéromones est assez bonne pour pouvoir envisager cette solution. Mais en pratique cette voie – bien que de nombreux mâles soient décimés – reste insuffisante pour éradiquer un foyer. La lutte par confusion sexuelle n'a pas grand sens vu l'éparpillement des buis.
Prédateurs : que penser des oiseaux ?
Il existe peu d'observations de prédation par des oiseaux. L'ornithologue Paul Koenig (Callot et Brua, 2013 a) signale que les chenilles seraient au goût des moineaux domestiques, Passer domesticus (L., 1758), idem pour les entomologistes Erwin Rennwald et Jutta Bastian (Lepiforum 2009 ; 2013). On m'a signalé la présence de mésanges, Parus sp. et rouge-queues, Phoenicurus sp. ayant consommé des chenilles. Jutta Bastian cite une observation d'une nichée de rougequeue noir, Phoenicurus ochruros (Gmelin, 1774) ainsi nourrie et arrivée à terme. On a photographié la prédation d'un imago par un rouge-queue à front blanc Phoenicurus phoenicurus (L., 1758) (Lepiforum).
Alcaloïdes en cause
Selon les résultats récents de recherches sur la présence de substances toxiques dans les buis et leur transfert (Leuthardt et al., 2013), le corps des chenilles contient plusieurs des alcaloïdes toxiques présents dans les buis... Certains seraient jusqu'à 20 fois plus concentrés que dans la plante !
Les chenilles profiteraient de la toxicité de ces substances. Sans être létale pour le prédateur, elle lui créerait des nausées (Rennwald, 2009). Par apprentissage, il éviterait de les consommer ; la livrée aux couleurs vives et contrastées des chenilles agirait par effet aposématique (dissuasif). Jusqu'à preuve du contraire, les rares observations de prédation des chenilles correspondraient à des tests de comestibilité. Les moineaux ont surtout été observés consommant les chenilles au sol lors de tailles (Bastian, 2013).
Les feuilles âgées du buis contenant davantage de ces substances que les jeunes (Leuthardt et al., 2013), cela justifierait la préférence des chenilles pour les feuilles matures observée sur le terrain. À l'inverse, les imagos ne contiennent plus d'alcaloïdes (Leuthardt et al., 2013).
Ces données minimisent l'espoir de voir les pullulations de la pyrale du buis maîtrisées par les oiseaux, vu la toxicité des chenilles et le comportement nocturne des imagos.
Parasites et parasitoïdes
Erwin Rennwald (Lepiforum 2009) relate que l'hyménoptère Braconidae, Apanteles glomeratus (L.), parasite connu de chenilles, attaque aussi – en laboratoire – les chenilles de la pyrale du buis. Mais, à cause des substances toxiques, le parasite meurt ou du moins ne se reproduit pas.
On est tenté de rechercher des parasites ou parasitoïdes dans les aires géographiques d'origine pour les introduire en Europe. Il y a des succès de lutte biologique de ce type. Mais il faut être très prudent : malgré des tests préalables il est difficile de s'assurer d'une totale sélectivité de la méthode face aux espèces autochtones de lépidoptères. Difficiles équilibres écologiques !
La collecte in situ, près de Strasbourg, de chenilles au dernier stade et leur mise en élevage à permis la collecte de deux espèces de parasite : un diptère et un hyménoptère (Brua), encore à identifier. Des parasites autochtones pourraient donc s'adapter sur cette pyrale. Ce peut être une bonne nouvelle.
Traiter les buis en place
Des insecticides conventionnels (ex. : lambda cyhalothrine 100 g/l) semblent efficaces, à condition de bien traiter l'intérieur des arbustes compacts. Mais la réglementation limite leur choix.
Par souci de la biodiversité, beaucoup veulent utiliser des « produits biologiques ». De divers témoignages d'utilisation de produits à base de Bacillus thuringiensis sérotype 3a3b, il résulte que l'efficacité est variable, sans savoir clairement pourquoi : stades larvaires trop avancés, défaut d'application, lessivage... Attention, l'origine biologique du produit ne garantit pas sa totale innocuité. On a signalé en 2013 un cas de dermatose (guéri en trois semaines) lié à l'application d'un tel bio-insecticide sans précaution : l'applicateur écartait à mains nues les branches des buis qu'il traitait, bien que l'étiquette du produit le signale irritant (Xi) et sensibilisant pour la peau (R43).
D'autres produits agréés « agriculture biologique » (ex. : huile de colza 825,3 g/l + pyrèthres naturels 4,59 g/l) ont donné de bons résultats (Marchand, comm. pers).
Prophylaxie et prévention
Avant tout traitement, l'élimination préalable des feuilles mortes et autres débris par l'emploi de souffleur habituellement employé pour les feuilles mortes est souvent opportune (Marchand, 2013).
Sachant que la principale voie de création de nouveaux foyers est liée au commerce de buis contaminés, il faut avertir les réseaux de distribution, les pépiniéristes, les paysagistes, les services des espaces verts... Ne serait-il pas judicieux d'instaurer des traitements périodiques des buis mis en vente et en circuits de distribution en amont, et d'inciter à les inspecter régulièrement ? La détection précoce des foyers primaires, complétée par des traitements insecticides concertés ciblés sur les buis, devrait permettre de retarder l'expansion.
Conclusion
La pyrale du buis fait partie de la longue liste d'espèces exotiques envahissantes définitivement implantées en Europe. Cette espèce occasionne d'importants dégâts dans les buis en espaces verts. Comme elle ne pose de problèmes ni à la santé ni à la production agricole, son importance économique est estimée mineure. Mais, outre ses nuisances en production végétale ornementale et gestion des espaces verts, son impact sur les espaces naturels reste à clarifier.
La lutte pour protéger les plantations de buis sera un combat sans fin. La leçon à tirer serait d'être plus strict et réactif sur les voies d'importation et dissémination de tels organismes. La succession est déjà là avec la détection en France en 2013 de la punaise diabolique Halyomorpha halys (Stål, 1855) (Callot et Brua, 2013 b).
Fig. 1 : L'inéluctable propagation de la pyrale du buis en France
Cartes de présence avérée de la pyrale du buis Cydalima perspectalis depuis sa première détection en France en 2008. La carte pour 2013 est celle mise à jour en décembre. Elle est donc actualisée par rapport à celle publiée en octobre 2013 dans le cadre du colloque AFPP de Toulouse. Le département en jaune (l'Ain) est celui pour lequel l'identification n'avait pas été confirmée... Elle l'a été depuis lors.
N. B. : en 2010, pas d'évolution observée par rapport à 2009.
Programme à quatre pour les buis
Nous avions déjà signalé le lancement de SaveBuxus dans Phytoma, rappelons-le ici. Il s'agit d'un programme de mise au point et d'évaluation de solutions de biocontrôle de la pyrale Cydalima perspectalis, mais aussi de deux maladies du buis dues à Cylindrocladium buxicola et Volutella buxi. Il associe trois instituts, à savoir l'Inra, Plante&Cité et l'Astredhor, avec la société Koppert.
Pour en savoir plus, voire participer : maxime.guerin@plante-et-cite.fr
Marianne Decoin, rédactrice en chef de Phytoma