Un fait réglementaire notable touchant les pratiques phytosanitaires est advenu le 6 juillet 2016 : le conseil d'État a exigé l'abrogation de l'« arrêté phyto » du 12 septembre 2016.
Aucune décision n'est publiée à l'heure où nous mettons sous presse mais certaines sont prévisibles. Récapitulons.
Vers la situation actuelle
Juillet à septembre : espoir de rédaction express d'un arrêté idéal
Même si nous avons déjà raconté les faits(1), il est sans doute utile de les rappeler.
D'abord, le Conseil d'État, saisi par des représentants de l'arboriculture(2) contestant le contenu de l'arrêté, n'a pas statué sur ce contenu. Il a exigé l'abrogation à cause d'un défaut de procédure : en 2006, le projet n'avait pas été notifié à la Commission européenne avant publication.
Ensuite, la décision du Conseil d'État exigeait l'abrogation dans un délai de six mois, donc au plus tard le 6 janvier 2017. Or, la réglementation européenne exige un délai de trois mois entre la réception d'un tel projet de texte par la Commission et sa publication par l'État membre demandeur. Pour qu'un arrêté abrogeant celui de 2006 sorte le 6 janvier 2017 au plus tard, il fallait que la Commission reçoive le projet au plus tard le 6 octobre 2016.
Les services du MAAF, en lien avec les ministères cosignataires(3), se sont mis au travail pour élaborer un texte en moins de trois mois. Ils auraient pu reconduire l'ancien arrêté à l'identique en actualisant son vocabulaire(4) puisque le Conseil d'État n'avait pas statué sur le fond. Mais avec un sens du service public tout à leur honneur, ils ont voulu actualiser aussi le fond du texte en tenant compte notamment des dispositions de l'article 53 de la loi d'avenir de 2014(5) qui prévoit des restrictions aux traitements à proximité, par exemple des écoles.
Mais espérer finaliser un texte en trois mois était signe d'un bel optimisme ! En effet :
- la gestation de l'arrêté de 2006 était le fruit d'au moins trois ans de travail(6) ;
- à l'époque, le sujet était moins... disons médiatisé ; en 2016, les rédacteurs se sont trouvés entre les arboriculteurs voulant assouplir le texte en particulier sur les délais de rentrée (DRE) dans les parcelles, et les environnementalistes voulant le durcir.
Septembre à janvier : retour au réel
En septembre 2016, à la suite de la transmission d'un projet de texte à certaines parties prenantes, la FNSEA a critiqué publiquement certains durcissements de règles. Le projet a fuité, les débats se sont enflammés... et la possibilité de fournir un texte finalisé pour le 6 octobre a disparu !
Durant l'automne, le ministère a travaillé sous un tintamarre de prises de positions et déclarations diverses, y compris primo-ministérielles. Différentes versions ont circulé...
Janvier, un « arrêté a minima » soumis à consultation
Un projet a été notifié à la Commission mi-janvier et soumis à consultation publique en France du 13 janvier au 3 février 2017. Il reprend le texte de 2016 en actualisant le vocabulaire (voir note 4) mais :
- ajoute la possibilité d'utiliser comme EPI les vêtements certifiés évoqués p. 22 à 24 ;
- évolue sur les zones non traitées (ZNT) près de l'eau et les DRE dans la parcelle.
Les délais minimaux resteraient de 6 h en plein air et 8 h en milieu fermé. Les produits affectés auparavant de DRE de 24 et 48 h les garderaient, mais les CMR(7) aussi auraient 48 h de DRE (voir encadré). Il serait possible de revenir à 6 heures (8 h en milieu fermé) pour les produits à DRE de 24 et 48 h en cas de « besoin motivé, non anticipé et non prévisible ou impérieusement nécessaire » si le travailleur est dans un tracteur à cabine filtrante ou porte les EPI exigés pour l'application.
Pour les ZNT, la définition des cours et points d'eau serait actualisée. Toute application directe de produit (pulvérisation, poudrage mais aussi épandage de granulés, etc.) serait interdite au-dessus des cours et points d'eau et de tout « élément du réseau hydrographique » dont les bassins de rétention d'eaux pluviales et, en zones urbaines, voire péri-urbaines, les caniveaux et bouches d'égout.
La situation aujourd'hui
Un « arrêté fantôme »
À l'heure où nous mettons sous presse, la consultation publique est en cours d'analyse et l'arrêté de 2006 n'est pas abrogé. Ses règles restent donc à suivre :
- ne pas traiter si le vent dépasse « force 3 Beaufort », soit 19 km/h ;
- respecter les ZNT, DRE et DAR (délais d'emploi avant récolte) figurant sur les autorisations des produits ; si rien n'y est écrit, c'est 5 mètres de ZNT, 6 ou 8 heures de DRE et trois jours de DAR ;
- gérer ses effluents phyto selon les règles de l'arrêté (au fait, l'usage d'un des dix-sept procédés reconnus, voir p. 16 à 18, sur un domaine où il n'est pas reconnu, exige impérativement que rien n'en sorte).
Mais cet arrêté aurait dû être abrogé depuis le 7 janvier. Depuis lors, il est « fantôme » : un agriculteur peut être sanctionné s'il ne le respecte pas, mais peut contester la sanction ! Ceci, certes, au prix de nombreuses années de procédure.
Rien avant le 18 avril
Le nouvel arrêté abrogeant l'ancien ne peut pas être publié avant que trois mois ne se soient écoulés depuis la réception du projet par la Commission européenne. Selon nos sources, la date butoir est le 18 avril.
De plus, pour qu'un texte puisse être publié rapidement, il doit remplir l'une ou l'autre de deux conditions :
- être accepté par la Commission sans modifications significatives et, en même temps, ne pas contenir de modifications significatives issues de la consultation publique ;
- contenir des modifications significatives mais totalement conformes à la fois aux demandes européennes et aux résultats de la consultation publique.
Si aucune des deux conditions n'était remplies, il faudrait recommencer la procédure :
- soit de notification à la Commission en cas de modifications issues de la consultation publique, d'où encore trois mois de délai ;
- soit de consultation publique en France en cas de modifications demandées par l'Europe, donc quinze jours, puis le temps d'analyse, puis de nouveau trois mois d'examen européen...
Oui, mais, en attendant, les pulvérisateurs sont sortis des hangars !
Suite probable
Sortie rapide de l'arrêté a minima et retour à l'espoir de l'arrêté idéal
La suite la plus probable (mais rien n'est certain) est que les ministères publient, à partir du 18 avril, un arrêté, identique ou très proche du texte soumis à consultation publique, abrogeant l'arrêté fantôme.
Deuxième étape, ils prépareraient l'arrêté suivant, en tenant compte des résultats de la consultation publique. Déjà, un groupe de travail aurait été constitué. Mais ces travaux ne pourront aboutir qu'après les élections du printemps 2017. À suivre !
(1) Voir bibliographie. (2) L'ANPP, Association nationale pommes poires. (3) Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, et ceux chargés de la Santé et de l'Environnement. (4) Par exemple, les produits sont dits phytopharmaceutiques et non plus phytosanitaires, et la toxicologie des produits doit être exprimée en mentions de danger abrégées commençant par un « H » et non plus en phrases de risque abrégées commençant par un « R ». (5) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, publiée le 14. (6) Voir bibliographie (Phytoma n° 701). (7) Soit cancérigènes (C), soit mutagènes (M) soit reprotoxiques (R), soit avérés, soit suspectés, soit possibles.
Délai de rentrée : les changements à venir
Selon l'arrêté de 2006 :
- les produits affectés des mentions de danger H315, H318 ou H319 ont des DRE de 24 h ;
- ceux affectés des mentions H317 ou H334 ont des DRE de 48 h.
Selon le projet soumis à consultation en 2017, seraient affectés :
- de DRE 24 h, les mêmes qu'auparavant ;
- de DRE de 48 h, les mêmes qu'auparavant ainsi que les produits affectés des mentions H340, H341, H350 et H350i, H351, H360F, H360D, H360FD, H360Fd H360Df, H361f, H361d, H361fd ou H362.