Des Australiens, un Alsacien, un Champenois, des néoproducteurs bordelais : voici quatre exemples d'installation physique dans le Languedoc. Le faible coût du foncier et le fort potentiel de développement les ont décidés.
Des Australiens, un Alsacien, un Champenois, des néoproducteurs bordelais : voici quatre exemples d'installation physique dans le Languedoc. Le faible coût du foncier et le fort potentiel de développement les ont décidés.
En investissant dans le Languedoc en 1990, nous étions sûrs de faire tout de suite la différence. Avec sept ans de recul, parmi toutes les régions du monde où nous aurions pu aller, le Languedoc est vraiment la meilleure pour ce que nous voulons faire. Nigel Sneyd, la quarantaine austère, est le directeur australien du domaine de La Baume, à Servian, près de Béziers. La propriété appartient au groupe australien Hardy, numéro deux dans son pays : il possède 2 200 ha auxquels s'ajoutent de nombreux achats de raisin; il élabore 1 Mhl et exporte dans le monde entier.' A l'époque, croyant que l'avenir de la viticulture australienne n'allait pas être florissant, nous cherchions à investir hors de nos frontières. Où aller? L'Amérique ou l'Europe, sachant qu'on recherchait un potentiel de croissance à long terme. Nous avons choisi le second continent pour deux raisons : il abrite davantage de consommateurs et, avec la mise en place de l'Union européenne, le risque de le voir plus ou moins se fermer aux importations des pays tiers n'était pas négligeable. Autant s'installer à l'intérieur. '' En Italie, en Espagne, en France? Après réflexion, nous avons choisi la France, car nous y trouvions des cépages déjà connus, et le Languedoc pour son climat proche du nôtre. Notre savoir-faire s'y adapterait bien. A Bordeaux, nous n'aurions rien apporté. Ici, nous pouvions avancer vite, la région étant en pleine révolution qualitative. ' Une fois le choix effectué, la stratégie a été claire : tout pour les vins de cépages (chardonnay, sauvignon, cabernet, merlot...). ' L'AOC? Est-ce-que vous croyez que Faugères ou Saint-Chinian veulent dire quelque chose hors d'ici? ' Apparemment, les actionnaires ne s'en plaignent pas : ' Des bénéfices ont été rapidement distribués grâce au bon rapport qualité-prix des vins. L'avantage de ce terroir est que les arômes des vins sont plus prononcés qu'en Australie à un degré plus faible, surtout en blancs. ' La société achète du raisin (2 Mkg à une quarantaine de producteurs), puis les vinifie à La Baume (le domaine possède 18 ha en propre). L'investissement s'est élevé à 25 MF. 99 % de la production partent à l'étranger à des prix particuliers, autour de 25-27 F/bouteille. La société recherche des accords de partenariat : elle vient de signer avec le groupement de producteurs L'Occitane. ' Partis de rien, nous sommes à 25 MF de chiffre d'affaires. Nous voulons le doubler d'ici à cinq ans. Si c'était à refaire, nous reviendrions dans le Languedoc. 'Jean-Léon Daspet revient lui aussi dans le Languedoc. Ce personnage haut en couleur est originaire de Béziers. Début 1996, il acquiert le domaine Vaugelas (110 ha dont 95 classés en appellation Corbières). Ayant réussi dans le commerce du cuir, il achète en 1986 deux propriétés dans le Bordelais, se prenant de passion pour la vigne et le vin. Sa nouvelle acquisition, précédemment en liquidation judiciaire et nécessitant de nombreux travaux, lui a coûté 8 millions. Une somme équivalente est prévue pour modifier le vignoble (changement du mode de conduite, palissage...) et réduire ainsi les coûts de production.' Je suis persuadé que les terroirs ici sont fabuleux. Avec des rendements faibles et une vinification soignée, je crois à l'appellation, même si ce n'est pas le chemin le plus facile. C'est la voie de la réussite à long terme avec des assemblages à base de syrah, grenache et ces vieux carignans qu'à tort, on arrache partout. Dans les vignobles mixtes, ceux qui élaborent des vins de cépages travaillent au détriment de l'appellation. ' L'idée est de vendre la bouteille 16-18 F aux consommateurs (6 à 8 F au départ). Différentes cuvées sont prévues.Ceux qui achètent des domaines très typés croient davantage à l'appellation. C'est le cas de Roland Augustin. La cinquantaine énergique, il fait visiter son nouveau territoire acquis en mai dernier, avec l'enthousiasme de quelqu'un venant de trouver un nouvel équilibre. Le château Fabas compte 157 ha dont 57 plantés en vigne (44 ha en appellation Minervois et 13 ha en vins de table) plus 30 ha classés mais non plantés. Après une carrière de col blanc chez Moët, il reprend en 1990 les 3 ha de champagne dont il hérite à la mort de son père. ' Voulant garder mes deux enfants avec moi et vu le prix du foncier chez nous, il fallait voir ailleurs. Je souhaitais un vignoble à fort développement : nous avons visité quatre-vingts exploitations en un an et demi sur toute la France. Nous n'avions pas droit à l'erreur. Ici, le prix du foncier a fait la différence et je voulais produire du rouge. ' L'investissement s'est élevé à 14 MF (avec deux ans et demi de stock); 2,5 ha de champagne ont été vendus et 4 MF empruntés. Le fichier clients du propriétaire précédent est repris. ' Depuis mon installation, je n'entends parler que des ' étrangers ' qui cherchent à acheter. Mon banquier champenois ne m'a pas suivi : à Bordeaux? oui, mais dans le Languedoc! Certains de mes amis m'ont assuré avoir fait le bon choix. Venant de la Marne, je crois à l'appellation. On ne peut pas jouer sur deux tableaux à la fois : les vins du Languedoc ne seront dans la cour des grands qu'une fois les vins d'appellation positionnés. Parier sur les cépages, c'est assurer le jeu des étrangers. Au cours mondial, on fera toujours moins cher ailleurs. Pour la région, ce phénomène aujourd'hui juteux ne peut être qu'éphémère. En appellation, les cépages locaux sont magnifiques à travailler sous bois pour élaborer des vins de garde. 'Ancien directeur financier dans une grande entreprise, Jacques Ricard a pris les rênes du négociant-producteur alsacien Dopf et Irion (32 ha de vignes, 50 MF de chiffre d'affaires, deux millions de cols vendus) dans les années quatre-vingt. Fin 1992, il achète le château Canet (43 ha de vignes en Minervois). ' C'est parti d'une réflexion commerciale : spécialisés en CHR et en vente par correspondance, nous possédons un réseau dense de cent vingt représentants dans l'Hexagone. Nous avons voulu nous étendre sur une autre aire d'appellation et utiliser ce maillage. A Bordeaux, en Champagne, en Bourgogne... le foncier n'était pas abordable. Dans le Languedoc, à 50 000-60 000 F/ha, ça l'est. Ce fut le coup de coeur pour cette propriété et l'aspect rationnel s'est alors mué en démarche passionnelle. 'Sur place, le responsable technique de la propriété explique les choix stratégiques. ' Il a fallu beaucoup investir car nous voulons être dans le wagon de tête des minervois. Dans la région, s'il n'y avait pas eu la mode des vins de pays, l'AOC serait meilleure. Nous mettons en avant l'image château. Malgré le réseau Dopf et Irion, vu la situation économique, c'est plus difficile à vendre que prévu. Le Minervois a plus un problème de communication que de produit : ceux qui viennent voir notre manière de travailler repartent conquis. ' La propriété est magnifique : elle s'oriente aussi vers l'agrotourisme en proposant des chambres d'hôtes, une piscine... ' En générique, nos prix commencent à 14-15 F HT/bouteille. Nous avons été bien accueillis par les producteurs locaux : quand on vient avec modestie et que l'on écoute, il n'y a pas de raison que ce soit autrement ', conclut Jacques Ricard.
En investissant dans le Languedoc en 1990, nous étions sûrs de faire tout de suite la différence. Avec sept ans de recul, parmi toutes les régions du monde où nous aurions pu aller, le Languedoc est vraiment la meilleure pour ce que nous voulons faire. Nigel Sneyd, la quarantaine austère, est le directeur australien du domaine de La Baume, à Servian, près de Béziers. La propriété appartient au groupe australien Hardy, numéro deux dans son pays : il possède 2 200 ha auxquels s'ajoutent de nombreux achats de raisin; il élabore 1 Mhl et exporte dans le monde entier.' A l'époque, croyant que l'avenir de la viticulture australienne n'allait pas être florissant, nous cherchions à investir hors de nos frontières. Où aller? L'Amérique ou l'Europe, sachant qu'on recherchait un potentiel de croissance à long terme. Nous avons choisi le second continent pour deux raisons : il abrite davantage de consommateurs et, avec la mise en place de l'Union européenne, le risque de le voir plus ou moins se fermer aux importations des pays tiers n'était pas négligeable. Autant s'installer à l'intérieur. '' En Italie, en Espagne, en France? Après réflexion, nous avons choisi la France, car nous y trouvions des cépages déjà connus, et le Languedoc pour son climat proche du nôtre. Notre savoir-faire s'y adapterait bien. A Bordeaux, nous n'aurions rien apporté. Ici, nous pouvions avancer vite, la région étant en pleine révolution qualitative. ' Une fois le choix effectué, la stratégie a été claire : tout pour les vins de cépages (chardonnay, sauvignon, cabernet, merlot...). ' L'AOC? Est-ce-que vous croyez que Faugères ou Saint-Chinian veulent dire quelque chose hors d'ici? ' Apparemment, les actionnaires ne s'en plaignent pas : ' Des bénéfices ont été rapidement distribués grâce au bon rapport qualité-prix des vins. L'avantage de ce terroir est que les arômes des vins sont plus prononcés qu'en Australie à un degré plus faible, surtout en blancs. ' La société achète du raisin (2 Mkg à une quarantaine de producteurs), puis les vinifie à La Baume (le domaine possède 18 ha en propre). L'investissement s'est élevé à 25 MF. 99 % de la production partent à l'étranger à des prix particuliers, autour de 25-27 F/bouteille. La société recherche des accords de partenariat : elle vient de signer avec le groupement de producteurs L'Occitane. ' Partis de rien, nous sommes à 25 MF de chiffre d'affaires. Nous voulons le doubler d'ici à cinq ans. Si c'était à refaire, nous reviendrions dans le Languedoc. 'Jean-Léon Daspet revient lui aussi dans le Languedoc. Ce personnage haut en couleur est originaire de Béziers. Début 1996, il acquiert le domaine Vaugelas (110 ha dont 95 classés en appellation Corbières). Ayant réussi dans le commerce du cuir, il achète en 1986 deux propriétés dans le Bordelais, se prenant de passion pour la vigne et le vin. Sa nouvelle acquisition, précédemment en liquidation judiciaire et nécessitant de nombreux travaux, lui a coûté 8 millions. Une somme équivalente est prévue pour modifier le vignoble (changement du mode de conduite, palissage...) et réduire ainsi les coûts de production.' Je suis persuadé que les terroirs ici sont fabuleux. Avec des rendements faibles et une vinification soignée, je crois à l'appellation, même si ce n'est pas le chemin le plus facile. C'est la voie de la réussite à long terme avec des assemblages à base de syrah, grenache et ces vieux carignans qu'à tort, on arrache partout. Dans les vignobles mixtes, ceux qui élaborent des vins de cépages travaillent au détriment de l'appellation. ' L'idée est de vendre la bouteille 16-18 F aux consommateurs (6 à 8 F au départ). Différentes cuvées sont prévues.Ceux qui achètent des domaines très typés croient davantage à l'appellation. C'est le cas de Roland Augustin. La cinquantaine énergique, il fait visiter son nouveau territoire acquis en mai dernier, avec l'enthousiasme de quelqu'un venant de trouver un nouvel équilibre. Le château Fabas compte 157 ha dont 57 plantés en vigne (44 ha en appellation Minervois et 13 ha en vins de table) plus 30 ha classés mais non plantés. Après une carrière de col blanc chez Moët, il reprend en 1990 les 3 ha de champagne dont il hérite à la mort de son père. ' Voulant garder mes deux enfants avec moi et vu le prix du foncier chez nous, il fallait voir ailleurs. Je souhaitais un vignoble à fort développement : nous avons visité quatre-vingts exploitations en un an et demi sur toute la France. Nous n'avions pas droit à l'erreur. Ici, le prix du foncier a fait la différence et je voulais produire du rouge. ' L'investissement s'est élevé à 14 MF (avec deux ans et demi de stock); 2,5 ha de champagne ont été vendus et 4 MF empruntés. Le fichier clients du propriétaire précédent est repris. ' Depuis mon installation, je n'entends parler que des ' étrangers ' qui cherchent à acheter. Mon banquier champenois ne m'a pas suivi : à Bordeaux? oui, mais dans le Languedoc! Certains de mes amis m'ont assuré avoir fait le bon choix. Venant de la Marne, je crois à l'appellation. On ne peut pas jouer sur deux tableaux à la fois : les vins du Languedoc ne seront dans la cour des grands qu'une fois les vins d'appellation positionnés. Parier sur les cépages, c'est assurer le jeu des étrangers. Au cours mondial, on fera toujours moins cher ailleurs. Pour la région, ce phénomène aujourd'hui juteux ne peut être qu'éphémère. En appellation, les cépages locaux sont magnifiques à travailler sous bois pour élaborer des vins de garde. 'Ancien directeur financier dans une grande entreprise, Jacques Ricard a pris les rênes du négociant-producteur alsacien Dopf et Irion (32 ha de vignes, 50 MF de chiffre d'affaires, deux millions de cols vendus) dans les années quatre-vingt. Fin 1992, il achète le château Canet (43 ha de vignes en Minervois). ' C'est parti d'une réflexion commerciale : spécialisés en CHR et en vente par correspondance, nous possédons un réseau dense de cent vingt représentants dans l'Hexagone. Nous avons voulu nous étendre sur une autre aire d'appellation et utiliser ce maillage. A Bordeaux, en Champagne, en Bourgogne... le foncier n'était pas abordable. Dans le Languedoc, à 50 000-60 000 F/ha, ça l'est. Ce fut le coup de coeur pour cette propriété et l'aspect rationnel s'est alors mué en démarche passionnelle. 'Sur place, le responsable technique de la propriété explique les choix stratégiques. ' Il a fallu beaucoup investir car nous voulons être dans le wagon de tête des minervois. Dans la région, s'il n'y avait pas eu la mode des vins de pays, l'AOC serait meilleure. Nous mettons en avant l'image château. Malgré le réseau Dopf et Irion, vu la situation économique, c'est plus difficile à vendre que prévu. Le Minervois a plus un problème de communication que de produit : ceux qui viennent voir notre manière de travailler repartent conquis. ' La propriété est magnifique : elle s'oriente aussi vers l'agrotourisme en proposant des chambres d'hôtes, une piscine... ' En générique, nos prix commencent à 14-15 F HT/bouteille. Nous avons été bien accueillis par les producteurs locaux : quand on vient avec modestie et que l'on écoute, il n'y a pas de raison que ce soit autrement ', conclut Jacques Ricard.