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Le mariage de deux cépages ouvre de nouveaux marchés

La vigne - n°76 - avril 1997 - page 0

Les vins bicépages sont à la mode sur le marché anglais. Pour séduire les acheteurs, il faut trouver un mariage qui soit original et complémentaire sur le papier. Le couple sélectionné devra tenir ses promesses en bouche.

Les vins bicépages sont à la mode sur le marché anglais. Pour séduire les acheteurs, il faut trouver un mariage qui soit original et complémentaire sur le papier. Le couple sélectionné devra tenir ses promesses en bouche.

Le marché anglais est avide de nouveautés. Après avoir consacré les vins de cépages et ceux du Nouveau Monde, le voilà qui bute devant une sorte d'impasse. Dans sa frénésie, il a presque épuisé la liste des variétés et des pays intéressants. Il lui faut de nouveaux horizons que lui ouvre la redécouverte de l'assemblage.Cette pratique est, certes, aussi ancienne que la vinification elle-même mais le marketing est passé par là. Il l'a repeinte du lustre de la modernité en inventant le terme bicépage et en rafraîchissant l'aspect des étiquettes. Celles-ci présentent clairement les deux variétés que le consommateur dégustera après avoir débouché sa bouteille. Elles obéissent à la règle de simplicité qui régit l'habillage des vins de cépages. L'innovation ne repose pas seulement sur le marketing. Elle correspond aussi à une ouverture considérable de l'éventail des assemblages possibles. Les vins de pays peuvent imaginer et réaliser nombre de mariages qu'aucune appellation n'avait prévus de faire : chardonnay et sauvignon blanc ou cabernet sauvignon et syrah pour ne citer que deux exemples qui paraissent tentants. On peut élargir la palette des arômes et des sensations gustatives.Les Australiens ne s'en sont pas privés. Ils ont ouvert ce créneau des bicépages voilà une dizaine d'années avec les couples chardonnay-sémillon et shiraz-merlot. Les opérateurs français ont dû patienter. Jusqu'en 1995, ils pouvaient bien assembler les cépages mais n'avaient pas le droit de le mentionner sur l'étiquette. Cette question réglementaire étant résolue, quelques-uns ont tenté l'expérience. Les domaines Listel, basés à Sète, lancent ces temps-ci deux vins : un rosé destiné à l'Europe du Nord et un blanc réservé aux Anglais. Ce dernier est un assemblage de grenache blanc et de sauvignon, le rosé marie cinsault et syrah. Tous deux ont une note franchement méridionale. Ils sont également construits selon un principe commun : l'alliance d'un cépage très aromatique avec un cépage plus charpenté. ' L'assemblage doit être forcément meilleur que le cépage seul ', estime Jérôme Bories-Azeau, responsable export des domaines Listel. Dans le pays nantais, les frères Couillaud ont bâti leur chardet sur le même principe. Il s'agit d'un vin de pays des jardins de la France qu'ils ont sorti voilà deux ans à la demande de leur importateur américain. ' C'est un mariage 50/50 entre le chardonnay et le melon de Bourgogne, explique Bernard Couillaud, le responsable commercial de ce Gaec qui vend 500 000 bouteilles par an, essentiellement à l'exportation. Ce sont deux vins très complémentaires. Le melon est fringuant, léger, sec et fruité. Le chardonnay apporte du corps et du gras. 'Aucun mariage ne s'est encore imposé comme une référence sur le marché. En l'absence de standard, les trois règles évoquées par nos interlocuteurs servent de guide dans la réalisation des mariages : originalité, complémentarité et ancrage régional. Ce troisième point est essentiel aux yeux d'André Dubosc, directeur général des producteurs de Plaimont, une union de caves du Gers. ' Nous ne serons jamais les champions du cabernet ou du merlot. Ici, on aime avoir un peu d'accent du Sud-Ouest. Avec le colombard, nous conservons nos racines et nous y ajoutons un nom connu en l'assemblant au sauvignon, au chardonnay ou au sémillon. Mais pour nous, les bicépages ne sont pas une priorité. Cela fait longtemps que les Australiens les proposent tandis qu'ils ne proposeront jamais de côtes-de-gascogne ou de saint-mont. Nous préférons porter l'effort sur nos marques et nos appellations. ' Les bouteilles de Plaimont sont vendues sous la dénomination vin de pays du comté Tolosan. Elles contiennent 75 ou 80 % de colombard. Si le directeur de cette union dit se laisser tirer l'oreille pour céder à la mode dictée par les Anglais, il n'en reconnaît pas moins qu'il ne veut pas rester en dehors d'une évolution du marché. Ce mouvement présente de belles opportunités : celle de doper les ventes d'un cépage peu connu en associant son nom à celui d'un cépage très prisé et celle d'inventer un mariage qui serait tellement heureux qu'il deviendrait une nouvelle référence. Des négociants du Val de Loire à la recherche de ce couple idéal ont commandé une série d'essais d'assemblage. Dans le Midi aussi, de nombreux essais sont en cours. ' Il n'est pas évident de trouver un mariage original et qui soit parfait d'un point de vue gustatif ', prévient Jérôme Bories-Azeau. A ce jeu, ceux qui disposent de terroirs variés ont les meilleures chances de gagner car ils peuvent tabler sur une plus grande palette de cépages et les installer dans les endroits qui leur conviennent le mieux. Comme pour toute nouvelle mode, la question se pose de savoir quelle sera sa pérennité. Et comme souvent, les avis sont partagés. Certains y voient une fantaisie anglo-saxonne à surveiller de près. D'autres tablent sur le fait que nos voisins d'outre-Manche anticipent les évolutions du marché du vin. Déjà quelques pays du Nord les suivent.En Amérique, les mentalités évoluent également. Là-bas, ' ils ne connaissent que deux marques : chardonnay et merlot, ironise Bernard Couillaud. Les distributeurs en ont assez du chardonnay mais leur clients continuent de leur en demander. Ils sont tous à la recherche de nouveautés. La question est de savoir s'ils vont réussir à les faire apprécier aux consommateurs. 'Malgré ces interrogations, tous voient d'un bon oeil l'évolution en faveur de vins d'assemblage car sur ce terrain-là, les pays viticoles traditionnels n'ont rien à envier à ceux du Nouveau Monde.

Le marché anglais est avide de nouveautés. Après avoir consacré les vins de cépages et ceux du Nouveau Monde, le voilà qui bute devant une sorte d'impasse. Dans sa frénésie, il a presque épuisé la liste des variétés et des pays intéressants. Il lui faut de nouveaux horizons que lui ouvre la redécouverte de l'assemblage.Cette pratique est, certes, aussi ancienne que la vinification elle-même mais le marketing est passé par là. Il l'a repeinte du lustre de la modernité en inventant le terme bicépage et en rafraîchissant l'aspect des étiquettes. Celles-ci présentent clairement les deux variétés que le consommateur dégustera après avoir débouché sa bouteille. Elles obéissent à la règle de simplicité qui régit l'habillage des vins de cépages. L'innovation ne repose pas seulement sur le marketing. Elle correspond aussi à une ouverture considérable de l'éventail des assemblages possibles. Les vins de pays peuvent imaginer et réaliser nombre de mariages qu'aucune appellation n'avait prévus de faire : chardonnay et sauvignon blanc ou cabernet sauvignon et syrah pour ne citer que deux exemples qui paraissent tentants. On peut élargir la palette des arômes et des sensations gustatives.Les Australiens ne s'en sont pas privés. Ils ont ouvert ce créneau des bicépages voilà une dizaine d'années avec les couples chardonnay-sémillon et shiraz-merlot. Les opérateurs français ont dû patienter. Jusqu'en 1995, ils pouvaient bien assembler les cépages mais n'avaient pas le droit de le mentionner sur l'étiquette. Cette question réglementaire étant résolue, quelques-uns ont tenté l'expérience. Les domaines Listel, basés à Sète, lancent ces temps-ci deux vins : un rosé destiné à l'Europe du Nord et un blanc réservé aux Anglais. Ce dernier est un assemblage de grenache blanc et de sauvignon, le rosé marie cinsault et syrah. Tous deux ont une note franchement méridionale. Ils sont également construits selon un principe commun : l'alliance d'un cépage très aromatique avec un cépage plus charpenté. ' L'assemblage doit être forcément meilleur que le cépage seul ', estime Jérôme Bories-Azeau, responsable export des domaines Listel. Dans le pays nantais, les frères Couillaud ont bâti leur chardet sur le même principe. Il s'agit d'un vin de pays des jardins de la France qu'ils ont sorti voilà deux ans à la demande de leur importateur américain. ' C'est un mariage 50/50 entre le chardonnay et le melon de Bourgogne, explique Bernard Couillaud, le responsable commercial de ce Gaec qui vend 500 000 bouteilles par an, essentiellement à l'exportation. Ce sont deux vins très complémentaires. Le melon est fringuant, léger, sec et fruité. Le chardonnay apporte du corps et du gras. 'Aucun mariage ne s'est encore imposé comme une référence sur le marché. En l'absence de standard, les trois règles évoquées par nos interlocuteurs servent de guide dans la réalisation des mariages : originalité, complémentarité et ancrage régional. Ce troisième point est essentiel aux yeux d'André Dubosc, directeur général des producteurs de Plaimont, une union de caves du Gers. ' Nous ne serons jamais les champions du cabernet ou du merlot. Ici, on aime avoir un peu d'accent du Sud-Ouest. Avec le colombard, nous conservons nos racines et nous y ajoutons un nom connu en l'assemblant au sauvignon, au chardonnay ou au sémillon. Mais pour nous, les bicépages ne sont pas une priorité. Cela fait longtemps que les Australiens les proposent tandis qu'ils ne proposeront jamais de côtes-de-gascogne ou de saint-mont. Nous préférons porter l'effort sur nos marques et nos appellations. ' Les bouteilles de Plaimont sont vendues sous la dénomination vin de pays du comté Tolosan. Elles contiennent 75 ou 80 % de colombard. Si le directeur de cette union dit se laisser tirer l'oreille pour céder à la mode dictée par les Anglais, il n'en reconnaît pas moins qu'il ne veut pas rester en dehors d'une évolution du marché. Ce mouvement présente de belles opportunités : celle de doper les ventes d'un cépage peu connu en associant son nom à celui d'un cépage très prisé et celle d'inventer un mariage qui serait tellement heureux qu'il deviendrait une nouvelle référence. Des négociants du Val de Loire à la recherche de ce couple idéal ont commandé une série d'essais d'assemblage. Dans le Midi aussi, de nombreux essais sont en cours. ' Il n'est pas évident de trouver un mariage original et qui soit parfait d'un point de vue gustatif ', prévient Jérôme Bories-Azeau. A ce jeu, ceux qui disposent de terroirs variés ont les meilleures chances de gagner car ils peuvent tabler sur une plus grande palette de cépages et les installer dans les endroits qui leur conviennent le mieux. Comme pour toute nouvelle mode, la question se pose de savoir quelle sera sa pérennité. Et comme souvent, les avis sont partagés. Certains y voient une fantaisie anglo-saxonne à surveiller de près. D'autres tablent sur le fait que nos voisins d'outre-Manche anticipent les évolutions du marché du vin. Déjà quelques pays du Nord les suivent.En Amérique, les mentalités évoluent également. Là-bas, ' ils ne connaissent que deux marques : chardonnay et merlot, ironise Bernard Couillaud. Les distributeurs en ont assez du chardonnay mais leur clients continuent de leur en demander. Ils sont tous à la recherche de nouveautés. La question est de savoir s'ils vont réussir à les faire apprécier aux consommateurs. 'Malgré ces interrogations, tous voient d'un bon oeil l'évolution en faveur de vins d'assemblage car sur ce terrain-là, les pays viticoles traditionnels n'ont rien à envier à ceux du Nouveau Monde.

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