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Le champagne comme on le faisait au début du XIXe siècle

La vigne - n°86 - mars 1998 - page 0

La veuve Clicquot a dirigé d'une main ferme, pendant plus de 50 ans, une prospère maison de négoce champenoise.

Née en 1777, Barbe-Nicole Ponsardin, petite bonne femme de 4 pieds 6 pouces (1,46 m) épouse en 1798, François-Marie Clicquot, fils d'un négociant en textile qui s'intéresse aussi au commerce des vins de Champagne. Veuve en 1805, elle devient la veuve Clicquot-Ponsardin et dirige d'une main ferme, pendant plus de 50 ans, une prospère maison de négoce (1). A cette époque, la maison de négoce possède peu de vignes et achète en mars à une soixantaine de récoltants, des vins tranquilles, en pièces de 200 litres environ, qui ont déjà subi une première fermentation. Issus aussi bien de la montagne de Reims que de la côte des blancs, ce sont avant tout des vins de pinot noir, de pinot blanc et de chardonnay, les vignerons, à ce moment-là, ne distinguant guère ces deux derniers cépages. Peu de pinot meunier, ce dernier n'ayant pas encore colonisé la vallée de la Marne.Ces vins à faible rendement (10 à 20 hectolitres par hectare) sont issus de trois pressurages, une cuvée, une première et une seconde tailles effectuées très rapidement. Aucun sucre n'est ajouté au moût qui est aussitôt entonné dans des fûts soufrés avec la fameuse allumette hollandaise. Les fermentations ont parfois du mal à démarrer à cause des températures froides. Dès qu'arrivent les premières gelées, les vignerons soutirent et collent; ils répètent cette opération au cours du mois de février, ce qui appauvrit les vins en levures et nuit à la reprise de la fermentation au printemps. Pas de fermentation malolactique évidemment.Le négociant achète en mars et pratique encore soutirage et collage. On assemble au besoin des vins de crus différents, on pratique même le recoulage (assemblage de vins d'années différentes), on mêle souvent blancs de noir et blancs de blanc, assemblage qui doit donner un vin plus stable. Il pratique le tirage en bouteilles à la fin mars ou début avril; il ne connaît alors ni le titre du vin (souvent pas plus de 9 à 10°), ni la quantité de sucre résiduel (de l'ordre de 10 à 15 g par litre). Le vin n'est pas sucré au moment du tirage. Il est mis dans des bouteilles d'une pinte (0,93 l), donc un peu plus grandes que nos bouteilles d'aujourd'hui.D'un poids de 800 à 900 g, ces bouteilles, soufflées à la bouche, viennent des départements du Nord, de l'Aisne et de la Meuse. Elles présentent de nombreux défauts, ce qui entraîne des refus. C'est le personnel de la cave qui les rince et qui les nettoie au gros plomb de chasse. Le soutirage effectué, les bouteilles sont fermées avec des bouchons de 6 cm, fabriqués avec du liège d'Espagne. Puis elles sont entreillées horizontalement et conservées sur des lattes dans la cave où le vin vieillit sans qu'on n'y touche pendant un an au moins; il faut compter sur une casse de 5 % au moins et des bouteilles recouleuses.Les premières tables à remuer n'étant apparu que vers 1816, les bouteilles sont alors mises, tête en bas, dans une planche percée de trous; on les prend en main par le col pour les faire osciller et détacher ainsi les impuretés qui se collent sur les flancs en masques ou en griffes; au besoin, on utilise un bâton pour frapper sur la bouteille. Le dégorgement fait encore perdre 5 à 6 % du vin et provoque une perte de pression de la mousse.C'est à ce moment que le vin est dosé par un ajout de sucre ou de sirop de raisin, ce qui apporte en moyenne, 25 à 50 g de sucre par bouteille, le dosage du sucre ne se faisant de façon précise qu'à partir de 1846. Il arrive qu'une troisième fermentation se produise après cet ajout, ce qui nuit à la limpidité du vin.Tiré en mars, le vin peut être vendu dès novembre; le plus souvent, il n'est expédié qu'à partir du printemps suivant. L'habillage des bouteilles ne se fait qu'au fur et à mesure de la demande. Le vin voyage en caisses bourrées de paille pour maintenir la fraîcheur et limiter la casse. Pour le transport, on préfère la voie d'eau à la route qui abîme le vin.La clientèle qui réclame des vins limpides et qui moussent, est souvent déçue; il arrive que le vin ' graisse ' et presque toujours, la bouteille débouchée ne laisse guère échapper son contenu. Notre champagne n'est pas encore au point.(1) On peut se reporter au livre de Michel Etienne, Veuve Clicquot- Ponsardin, aux éditions Economica.

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