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Madame veuve Clicquot : l'obstination récompensée

La vigne - n°160 - décembre 2004 - page 0

Veuve de François Clicquot, Barbe Nicole Ponsardin reprend l'entreprise de son mari à son décès. Elle imposera son champagne en Russie dès la fin des guerres napoléoniennes.

Une nature entière, ferme et tranchante : Barbe Nicole Ponsardin, née le 16 décembre 1777, au sein d'une famille bourgeoise de Reims, a le caractère bien trempé. En 1798, elle épouse François Clicquot, fils d'un homme d'affaires. Il met l'accent sur le commerce international, avant d'être emporté par une fièvre maligne en 1805. Quatre mois après, à 27 ans, sa veuve crée la société Veuve Clicquot-Fourneaux avec un négociant en vue. Elle confirme à son poste Louis Bohne, un correspondant voyageur envoyé en Russie par son mari. Ce collaborateur chevronné et précieux conseiller sera, en 1814, l'artisan de l'audacieuse conquête du marché russe.
De 1805 à 1810, la maison tente de se développer à l'exportation. Mais elle subit les conséquences des guerres napoléoniennes. Elle va de déconvenue en déconvenue. Pourtant, elle ne ménage pas ses efforts. En 1810, elle crée sa propre société, dénommée Veuve Clicquot-Ponsardin. ' Vous vous faites ici (en Russie, ndlr), avec votre vin, la même renommée que Maille à Paris avec ses moutardes et ses vinaigres , écrit Louis Bohne en 1808. (...) On a un commerce parfaitement monté, lié avec les maisons les plus respectables, répandu dans toute l'Europe... Voilà des avantages rares qui (...) n'attendent qu'une paix générale pour se réaliser. ' Cette prophétie se concrétisera six ans plus tard.

Après la chute de l'Empire en avril 1814, Barbe Nicole Clicquot-Ponsardin exécute le plan conçu en 1812 par Louis Bohne. Elle affrète, rapidement et dans le plus grand secret pour surprendre ses concurrents, un vaisseau de 75 tonneaux. Il partira du Havre avec 10 550 bouteilles de champagne. La cargaison est expédiée en Russie, alors que la paix n'est pas rétablie et que les frontières ne sont pas rouvertes. ' Le ciel me comble de sa bénédiction, après tant de terribles moments que j'ai eu à passer ', écrit Barbe Nicole Clicquot-Ponsardin à une cousine après la nouvelle du succès de l'entreprise.
La veuve Clicquot s'implique dans la direction de sa société. ' Veuillez me faire connaître d'une manière franche et précise votre façon de penser ', demande-t-elle régulièrement à ses agents. Elle fait acheter des vins clairs d'' une seule qualité, la toute première '. Elle donne ses instructions pour les assemblages.
Tracassée par ' un sable extrêmement léger qu'on trouve dans les vins ', elle encourage la création d'une table de remuage horizontale en 1816 pour mieux les clarifier. Elle conçoit des signes distinctifs pour garantir l'authenticité de ses vins. Elle paie son succès par le développement sans précédent de la contrefaçon. En 1825, Barbe Nicole Clicquot-Ponsardin ne prend pas de gants pour confondre, poursuivre et faire condamner Marc Robin, un contrefacteur.

Avec ses principes bien établis, elle est parfois dure, parfois indulgente. Elle aime lire, déteste les mondanités et ' regrette presque d'avoir la maison de mon père, ce qui me force d'avoir souvent du monde, dont je ne me soucie guère ', écrit-elle.
Toujours prompte à saisir les occasions, elle n'a pas eu, dans toutes ses affaires, le flair dont elle a fait preuve dans le champagne. En témoignent des opérations hasardeuses, comme la création de la banque Veuve Clicquot en 1822 et des investissements dans l'industrie de la filature voués à l'échec. En 1831, Edouard Werlé devient officiellement son associé. Il reprendra la maison Veuve Clicquot-Ponsardin à son décès. En 1849, les ventes franchissent le cap des 400 000 bouteilles. M me veuve Clicquot s'éteint le 18 juillet 1866 à l'âge de 89 ans.

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