Les clients de la vente directe ont changé. La visite d'une cave s'intègre de plus en plus dans le tourisme culturel. Les clients attendent donc des vignerons un minimum de connaissances sur le patrimoine local, et même des suggestions de visite.
Le 17 février, douze vignerons et vigneronnes alsaciens visitaient Kaysersberg (Haut-Rhin) avec l'archiviste du village, puis le musée du vin à Kientzheim. Cet après-midi clôturait les six demi-journées de la formation ' Historique et culture du vignoble alsacien ', proposée par le CFPPA de Rouffach et financées par le Fafea.Cette formation originale tranche avec les sujets habituellement proposés qui ont plus souvent trait à la conduite des vignes ou à l'oenologie. Elle répond néanmoins à un réel besoin. ' Les vignerons commercialisent leurs vins dans des maisons qui ont parfois trois cents ou quatre cents ans sans en connaître l'histoire, témoigne Jean Schaetzel, responsable-vigne du CFPPA. Or, le public de la vente directe a changé. Maintenant, cette clientèle est curieuse et la visite chez un producteur s'intègre dans le tourisme culturel. 'S'adapter à ce nouveau type de clients nécessite de connaître un minimum de l'histoire et de la culture de sa région. Surtout dans un vignoble comme l'Alsace où les touristes représentent une grande part des débouchés de la vente directe. Vincent Sipp, vigneron à Hunawihr et passionné d'histoire, est le coordinateur de cette formation animée par des spécialistes (archéologue, professeur d'université, archiviste...). La viticulture qui est au centre de chaque intervention, est intégrée à l'histoire globale de la région alsacienne.' Cette formation met également un terme à certains mythes, précise Vincent Sipp. Le phylloxéra n'a pas détruit tout le vignoble alsacien en quelques années. Il a touché la moitié des vignes en cinquante ans... On apprend également que la technique du palissage est apparue en 1870. ' Outre l'objectif de mieux communiquer pour mieux vendre, cette formation vise en second lieu à améliorer la production. ' Les vins d'Alsace manquent d'identification forte, poursuit Jean Schaetzel. Il faudrait retravailler la notion de terroir pour obtenir une meilleure typicité. Or, l'histoire aide à comprendre les terroirs. 'D'autres régions touristiques sont également sensibles aux nouvelles exigences des clients-touristes. C'est par exemple le cas de l'association des viticultrices du Chinonais et du Richelais (Indre-et-Loire). Cette association a lancé le module ' Histoire de l'art et découverte du patrimoine local ', qui comprend quatre jours de visite avec un membre de l'inventaire des monuments historiques. Elle s'intègre dans une formation globale de douze jours où le marketing et la technique viticole sont également abordés. Ces formations sont partiellement financées par le Fafea, l'Etat et le conseil régional, chaque vigneronne participant à hauteur de 600 F. ' Ces visites culturelles nous apportent une certaine ouverture d'esprit ', témoigne Pascale de Bonaventure, présidente de l'association. Elles permettent également de susciter l'intérêt des clients sur les atouts culturels de la région.A Bourgueil, le groupe de viticultrices n'est pas en reste avec une session sur le patrimoine local. Au programme : visite d'un moulin, d'un petit château, explication sur les noms des lieux-dits et des parcelles... Le syndicat des vignerons de Champagne, de son côté, inscrit cette initiation culturelle et historique au sein d'une formation plus générale sur l'accueil des clients et plus particulièrement des touristes.En Bourgogne, autre région de passage, la formation ' Vin et culture ' est dispensée par l'université de Bourgogne et l'Institut universitaire de la vigne et du vin. Contrairement aux formations précédemment citées, elle est également ouverte aux oenologues, aux sommeliers ou encore aux professionnels du tourisme. Cette formation est dispensée sur 200 heures qui se partagent en quatre modules : initiation aux sciences de la vigne (50 heures), histoire et imaginaire du vin (60 heures), le vin aujourd'hui (40 heures) et un minimémoire de vingt à trente pages sur un thème précis (estimé à 50 heures). Au bout de ce périple complet, l'obtention du diplôme ' Vin et culture ' délivré par le service de formation continue de l'université de Bourgogne.