La question était au centre de nombreuses réunions professionnelles depuis des mois : comment ' pacifier ' le système national d'achat et de vente des droits de plantation. Jusqu'à ce jour, les transactions étaient libres : un possesseur de droits pouvait les vendre à un acquéreur sur tout l'Hexagone : soit de gré à gré, soit via un courtier, soit par une bourse, le plus souvent tenue par un syndicat ou une fédération de syndicats. Ce système de liberté avait pour inconvénient, selon certains, d'entraîner des déséquilibres entre les régions : d'un côté, celles, en croissance, qui étaient très demandeuses (Bordeaux, Bourgogne, Alsace...), de l'autre, celles où on arrache, générant ainsi des droits disponibles (sud-est du pays, Val-de-Loire...). La tension montait depuis des mois : les secondes accusant les premières de les piller. On a parfois frôlé les dérapages.Après de multiples transactions, à la mi-mars, le ministère a annoncé un ' accord sur la gestion des droits de plantation en viticulture '. Cela s'apparente à une ' usine à gaz ', avec des points clairs et d'autres qui le sont moins, malgré le souci de transparence affiché.La grande innovation, c'est la régionalisation des transferts. Concrètement, l'acquisition de droits sera limitée au sein d'une même région de production, autant pour les vins de table (ce sont de faibles volumes et cela se faisait déjà) que pour les appellations. Et cela vaut pour tous les producteurs. La France compte aujourd'hui neuf bourses (il y en a deux dans le Midi) couvrant environ les quatre cinquièmes du vignoble national. Certaines existaient déjà, d'autres ont été créées pour l'occasion. Les Charentes sont le seul grand vignoble qui n'en a pas encore. Toutes les bourses peuvent aller chercher des droits dans les départements non couverts par une bourse (le cinquième restant).De ce fait, ce système d'étanchéité entre les régions enlève le business des courtiers en droits de plantation... à moins qu'ils ne travaillent pour des bourses mais à quel prix? Cette régionalisation est accompagnée de la mise en place sur le plan national d'une réserve de droits (qui pourrait être gérée par l'Onivins), alimentée par deux sources : d'un côté, les droits de plantations non utilisés et prélevés au sein des différentes bourses régionales ayant signées une convention avec l'Onivins (il ne pourra pas y avoir d'accord de bourse à bourse); de l'autre, des droits de plantations nouvelles susceptibles d'être obtenus auprès de l'Union européenne. C'est ainsi que 2 600 ha furent octroyés il y a deux ans (c'était une première) et que le ministre Louis Le Pensec s'est engagé à reformuler une demande dans le cadre de la traditionnelle négociation du ' paquet prix ', qui sera finalisée à la fin de ce semestre. De plus, il a été demandé à Bruxelles, et ce au profit de l'Etat membre, une prorogation de validité des droits de huit à douze années. Durant ces quatre années supplémentaires, ces droits serviraient à alimenter la réserve nationale.Contrairement à des bruits qui courent dans les campagnes, il n'est pas obligatoire dans une même région de passer par la bourse pour vendre ou acheter un droit. On estime officiellement que le système est juridiquement calé : il s'appuie sur un décret de 1953 qui organise les plantations en France. Consulté, Bruxelles ne s'y opposerait pas. Certains sont plus dubitatifs : ' Je ne sais pas si on respecte toutes les libertés... ' indique un responsable qui craint même des procès. Rappelons qu'avant 1987, les transferts étaient déjà régionalisés.' Pour l'actuelle campagne, toutes les régions ont été servies ', commente-t-on à l'Onivins. En fait, il manquait une trentaine d'hectares en Alsace et autant en Bourgogne, les bourses du Val-de-Loire, de Midi-Pyrénées et du Languedoc les leur ont fournis. Mais dès la campagne prochaine, c'est Paris qui abondera les régions déficitaires. Si le débat de fond est tranché, les modalités pratiques devraient être précisées lors d'une réunion prévue le 12 mai. Chaque bourse doit en effet donner son prix d'acquisition et celui de rétrocession des droits. Dans le Val-de-Loire, on annonce déjà 10 000 F pour le premier et entre 11 000 et 12 000 F pour le second. A noter qu'en Espagne et en Italie, des systèmes comparables se mettent en place.