Le système français de gestion collective des droits de plantations est une véritable ' jungle '. Autant pour les plantations nouvelles que pour les transferts de droits, une remise à plat et une simplification sont impératives. Les avancées obtenues dans le cadre de l'OCM (organisation commune de marché) en sont l'occasion. L'enjeu est celui du développement.
S'attaquer au dossier des droits de plantation, c'est comme rentrer dans la jungle amazonienne : on se fraye difficilement un chemin, les routes escarpées, quand elles existent, sont vite recouvertes par la végétation nouvelle et rares sont les guides qui peuvent prétendre connaître toute la forêt. Si le système est compliqué, c'est qu'il consiste à partager une ' denrée ' rare : le droit de planter. De lui découle la possibilité pour le vigneron de croître, de prospérer, de développer son affaire, de répondre à une demande croissante. Aujourd'hui, le problème est que la machine s'est emballée : le système mobilise plus d'énergie que sa finalité.Si la liberté de planter existait, ce dossier n'aurait pas de raison d'être. Tout serait simple : on veut planter, on plante. Comme un épicier déciderait d'agrandir son commerce si sa clientèle croît. Or, ce n'est pas le cas et dans l'Histoire, cela ne le fut pratiquement jamais.En viticulture, nous sommes dans un système malthusien de contrôle de l'offre. La règle générale dans le cadre de la réglementation européenne est l'interdiction de planter de la vigne, principe qui vient d'être reconduit par la nouvelle OCM (organisation commune de marché) négociée au début du mois de mars.Aucun responsable professionnel ne demande d'ailleurs la liberté de planter. Tout le monde a en mémoire les excédents du passé et les mesures d'intervention, autant pour les vins de table que pour les appellations. De plus, ces dernières relevant d'une logique de propriété collective, les plantations de quelques-uns pourraient déséquilibrer l'ensemble. Nous sommes donc dans un système de développement concerté et de gestion collective : une vraie machine de guerre lourde et coûteuse. Une précision utile car en dehors de l'Union européenne, pratiquement aucun concurrent n'a un tel système... ce qui suscite bien des craintes.Depuis trois à quatre campagnes, la tension est vive sur le front des droits de plantation : pas une réunion syndicale locale, pas une réunion nationale où le sujet ne soit pas abordé. La filière se porte bien, des marchés s'ouvrent à l'exportation et beaucoup de vignerons veulent planter.Or, le système actuel gère mieux la pénurie que l'expansion. La nouveauté, c'est qu'il n'y a pas qu'un vignoble ou deux qui veulent planter, c'est quasiment tous : autant sur le front des appellations, du Bordelais à la Champagne ou de l'Alsace aux côtes du Rhône, que sur celui des vins de pays, essentiellement dans le Val-de-Loire et le Midi. Les tableaux ci-contre montrent à quel point les autorisations de plantation, liées à la santé économique de la filière, ont repris depuis le milieu de la décennie. Il n'y a pas si longtemps, l'Inao les avait gelées pour les appellations d'origine...Du coup, la machine s'est emballée : on a envisagé les plantations anticipées (interdites en appellation, autorisées en vins de table); les Pam (plan d'amélioration matérielle) et les DJA (dotation jeune agriculteur), dont les critères d'obtention ont été récemment assouplis, sont parfois, dans la pratique, détournés de leurs objectifs, toujours dans le but de planter. Parallèlement, la profession a demandé des droits nouveaux à Bruxelles : il y a déjà eu deux ballons d'oxygène alloués en 1996 et 1998; un troisième, plus conséquent, vient d'être décidé dans le cadre de la future OCM, en application à partir de la campagne 2000-2001. Ensuite, il est devenu difficile de mobiliser les droits détenus en portefeuille par des vignerons et qui pourraient faire l'objet de transferts. La chasse a dû s'organiser, autant du côté de l'Administration (Douanes, Onivins) que des courtiers spécialisés. De plus, les régions où se trouvent les gisements (Val-de-Loire, Midi-Pyrénées, Languedoc et Sud-Est essentiellement) ont demandé à ne pas être ' pillés ' par les vignobles ' riches ' fortement demandeurs (Bordeaux, Bourgogne, Alsace...). D'où les bourses régionales de droits de plantation, aujourd'hui au nombre de douze, couvrant tout le territoire.Au milieu de tout cela, le vigneron qui souhaite planter doit suivre un véritable parcours du combattant. Parler de lourdeur administrative est un doux euphémisme (voire infographie). Une bonne dizaines d'étapes pour un dossier sur plus d'un an : critères de recevabilité et d'attribution, contrôle sur contrôle... Et depuis l'an dernier, les préfets interviennent! Dans le cadre de la déconcentration des décisions administratives individuelles, ce sont eux qui ont le pouvoir de signer l'arrêté avalisant les contingents et la liste des attributaires : ce qui devait être une simplification est critiqué par la profession... car c'est un maillon de plus dans le processus.