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Les Fraudes doivent respecter des règles de procédure

La vigne - n°90 - juillet 1998 - page 0

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne peut pas intervenir comme elle veut chez les vignerons. Elle doit respecter des règles de procédure, notamment pour pénétrer dans leur domicile privé. Parfois, elle y arrive en rusant... Illustration à travers une affaire de chaptalisation jugée par la Cour de cassation.

Parmi les infractions, il en est une bien connue de nombreuses cours d'appel : c'est l'interdiction de chaptaliser. L'opération tend à ajouter, pendant la récolte, une certaine quantité de sucre aux vendanges et aux moûts afin d'augmenter le titre alcoolique des vins finis et d'en diminuer l'acidité (Rozier, Droit de la vigne et du vin n° 295). L'opération est une amélioration et la réglementation qui l'entoure est destinée à éviter la fraude qui consiste notamment à joindre eau, sucre et acide tartrique et augmenter ainsi la quantité de la récolte.Au cas où l'exploitation viticole est située dans une région où l'opération de chaptalisation est permise, elle ne peut se réaliser qu'avec du sucre, autrement dit de la saccharose. Le sucre est donc l'un des éléments de l'infraction lorsque la chaptalisation, avec ses règles précises, n'est pas autorisée. Aux yeux des profanes, les agents de la Répression ne peuvent entamer des poursuites que s'ils trouvent du sucre ajouté dans le vin; il leur est arrivé d'y parvenir et, dans ce cas, la répression est facile.Pour parer à la difficulté, la détention du sucre est réglementée à travers le code du vin et le code général des impôts : toute personne qui détient du vin doit déclarer toute quantité de sucre supérieure à 25 kg et fournir des justifications d'emploi qui semble difficilement être destiné au café au lait du matin. Par suite, si un vigneron détient plus de 25 kg de sucre, il sera poursuivi pénalement car on présume que cette denrée était destinée à une chaptalisation prohibée.C'est sur ces données que va s'édifier l'aventure de M. X., vigneron. Les agents de la Direction de la concurrence et de la consommation découvrent chez lui 1 200 kg de sucre, sans facture et encore moins de déclaration. Il est donc cité devant le tribunal correctionnel pour détention de produits propres à effectuer la falsification de boissons et également pour achats sans facture. M. X. contestera la manière dont les agents ont constaté la présence du sucre. Le stockage était effectué dans le sous-sol de sa maison d'habitation et l'article L 215-3 du code de la consommation précise que les agents ne peuvent effectuer des constatations au domicile du prévenu que de jour et avec son accord. M. X. soutient qu'il n'a jamais donné son autorisation et qu'ainsi la procédure est nulle en application du même article du code de la consommation.C'est faire fi de la subtilité des agents. Les voilà qui se présentent au domicile de M. X. Il est absent mais par une porte entrouverte donnant sur le sous-sol, ils aperçoivent le stock de sucre; loin d'eux l'idée de dresser un procès-verbal de constatation. D'un pas tranquille, ils se rendent dans le chai de M. X. et demandent à voir le registre d'inventaire des vins en cave. Or, dans ce local, il manque 1 000 bouteilles par rapport au registre. Où sont-elles? Il appartient à M. X. de se justifier et sans penser au sucre, il s'empresse de répondre : ' Elles sont à mon domicile ' et propose de le vérifier. Et voilà la brigade, accompagnée de M. X. content de faire confirmer ses dires, qui pénètre dans le sous-sol de sa villa : les bouteilles y sont mais le sucre également... Il ne reste plus aux agents, après avoir passé l'éponge sur le problème du registre d'inventaire, qu'à faire un procès-verbal de constatation de la présence des 1 200 kg de sucre...Alors vous pensez bien que devant les juges, M. X. a soulevé les impératifs de l'article L 215-3 non respectés et il a été facile de lui répondre qu'aucune constatation n'avait été faite en son absence et que les agents avaient pénétré chez lui, non seulement avec son autorisation mais sur son invitation; il a été condamné pour les faits, objet de la citation, car non seulement le sucre était là mais il n'y avait pas de facture.On nous a raconté que dans des circonstances différentes, un vigneron a été condamné alors qu'il avait une facture portant sur du gasoil et aucun sucre chez lui : tout simplement parce que l'auteur de la facture avait reconnu que ce document ne correspondait pas à du carburant mais à de la saccharose. Heureusement que grâce aux efforts des vignerons et à l'ensoleillement au bon moment, les récoltes des régions où la chaptalisation est interdite, ces pratiques ne devraient plus être de mise.Référence : chambre criminelle, Cour de cassation du 18 septembre 1997, Gazette du Palais, 28 janvier 1998)

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