Après l'échec de son texte en 1994, Bruxelles sort une nouvelle proposition de réforme de l'OCM (organisation commune de marché). Le marché étant perçu comme équilibré, le texte est peu interventionniste. Rien n'est encore prévu pour agir sur la demande. La mise en application est prévue pour la campagne 2000-2001.
On attendait ce texte depuis longtemps, il est sorti. Le mercredi 1er juillet, la Commission de Bruxelles a adopté sa proposition de réforme du secteur vitivinicole : 110 pages de lecture (annexes comprises) avec 80 considérants (terme juridique désignant les paragraphes qui campent la situation avant d'égrainer les articles du règlement) et 81 articles! Le texte sort à un moment où les viticultures française et européenne se portent plutôt bien. Est-ce la raison pour laquelle sa sortie ne soulève pas les passions et passe même pour un non événement? ' Le ministre de l'Agriculture a donné rendez-vous en septembre pour entamer les discussions. Nous nous calons sur ce calendrier ', explique-t-on du côté des pouvoirs publics. La période estivale et une lecture attentive porteront sûrement conseil. Rappelons qu'en 1993-1994, la sortie du précédent texte avait eu lieu dans les mêmes conditions, avant... de déchirer la viticulture hexagonale.Dans l'ensemble, le texte est plutôt libéral; il se veut moins interventionniste que le précédent en laissant faire au maximum le marché. Seuls quelques garde-fous sont prévus. La Commission part du constat que la production de vin dans l'Union a beaucoup baissé en dix ans : 200 Mhl en 1987-1988 contre 160 Mhl en 1997-1998, les surfaces passant dans le même temps de 4 à 3,4 Mha. ' En conséquence, le niveau actuel du potentiel de production communautaire répond à la demande globale. 'C'est un virage important par rapport au précédent texte où l'on estimait le marché globalement déséquilibré et dans lequel l'incitation forcenée à l'arrachage était la pierre angulaire. Rien de tel ici où on a également laissé de côté l'idée très discutée d'imposer des quotas de production par pays producteur et un plafond de production pour l'Union. Cependant, Bruxelles souligne que ' le risque de production d'excédents sur plusieurs années n'est pas écarté '.Pour y faire face, les vieilles recettes demeurent : la distillation et l'arrachage. Les distillations actuelles (préventive et obligatoire) seraient remplacées par un système plus souple. Avec notamment une distillation de crise, intervenant en cas de surproduction exceptionnelle mais aussi, et c'est une nouveauté, une distillation spécifique pour alimenter le marché des brandies. Une prime pourrait être versée aux producteurs de vin concernés. Il s'agit d'un marché nécessitant 15 Mhl par an. Sur ces marchés des destinations autres que le vin, il y a aussi les vinaigres et autres jus de raisin (6,5 Mhl).Du côté de l'arrachage définitif, la prime demeure : Bruxelles table sur 5 000 ha par campagne (ce qui est bien moins que dans le passé), avec une prime moyenne de 9 000 écus/ha (1 écu = 6,65 FF).L'accent est mis sur la restructuration du vignoble avec des aides financières de l'Union alors que depuis plusieurs campagnes, elles étaient surtout supportées par les Etats membres. Une nouveauté : la mise en place d'une indemnisation pour perte de revenu entre le moment où on arrache et celui où les cépages améliorateurs entrent en production. En alternative, on envisage aussi de laisser ' coexister ', pendant une période maximum de trois ans, les vignes anciennes et les nouvelles. Bien sûr, le principe de base de l'interdiction de planter librement des vignes demeure. L'idée des bourses régionales de droits de plantation et de réserve nationale est encouragée.Tous ces points concernent l'action sur l'offre. Mais c'est sur la demande que l'on attendait la Commission. En fait, elle a ' botté en touche '. La proposition ne contient pas de mesures sectorielles sur ce sujet. Elle renvoie à un texte transversal sur la promotion de l'ensemble des produits agricoles, actuellement en préparation dans le cadre de l'agenda 2000. Le projet suggère cependant de s'appuyer sur les effets bénéfiques du vin sur la santé et souligne que le marché mondial du vin est en expansion. ' Il convient d'encourager la promotion des vins de l'Union sur les marchés des pays tiers. ' Voilà une vraie révolution. Reste à attendre concrètement comment cela peut se présenter.Soulignons enfin que ce projet consacre un titre important à la reconnaissance des interprofessions. Sur le sujet épineux des pratiques oenologiques, on joue plutôt le statu quo, notamment sur le dilemme chaptalisation-moûts concentrés. Ce texte complet, dont La Vigne aura l'occasion de sonder tous les recoins durant les mois à venir, se veut exhaustif : il remplacera les 23 règlements actuellement en vigueur dont la Commission reconnaît la complexité, parfois l'incohérence. Le coût total de la réforme est chiffré à 1,23 milliard d'écus (8,6 milliards de francs), un budget à la hausse. Aujourd'hui, le vin coûte bien moins à l'Union que la plupart des autres filières.