Des expériences menées dans les côtes du Rhône montrent l'intérêt d'assembler certains cépages dès l'encuvage. Les effets sont ténus. Aux yeux de certains, ils sont insuffisants pour justifier cette façon de faire.
Dans les côtes du Rhône, il est coutume de dire ' qu'on fait la meilleure soupe en mélangeant tout dans la marmite '. Il va sans dire que ce principe s'applique à l'oenologie. Il suggère qu'il vaut mieux encuver ensemble les cépages qui mûrissent en même temps plutôt qu'assembler, après les fermentations, les vins issus des cépages vinifiés séparément. Après avoir été considéré et décrié comme une recette d'un autre âge, l'encuvage de variétés différentes revient à l'ordre du jour. Il présente un réel intérêt pratique car ceux qui ont plusieurs cépages sur de petites parcelles ne sont pas obligés d'accumuler des cuves de taille correspondante. Ils peuvent se contenter de quelques grands contenants et limiter ainsi leurs investissements, tout en simplifiant le suivi des vinifications. En contrepartie, ils se privent de possibilités d'assemblage.Aux yeux de Marc Cellier, cette contrepartie est trop élevée. Il veut conserver jusqu'au dernier moment le loisir de composer ses cuvées. Sur son domaine de Saint-Benoît, à Châteauneuf-du-Pape, il cultive treize cépages. ' Lors de l'assemblage, on se retrouve un peu dans la peau des grands parfumeurs, jubile-t-il. C'est l'un des plus grands plaisirs de l'année. ' Depuis 1990, année de son installation, il sépare tous les cépages dès la récolte. Bien qu'il soit convaincu de l'intérêt de sa méthode, il a voulu la comparer à la façon traditionnelle. Les résultats obtenus l'ont convaincu de ne rien changer.' A l'encontre de ce que l'on dit dans le coin, pour moi, il n'y a pas ou peu de différence entre les vins assemblés à l'encuvage et ceux assemblés après ', explique notre vigneron. Le principal inconvénient de la façon traditionnelle est ailleurs. ' L'assemblage que l'on a fait dans la cuve lors des vendanges est différent de celui que l'on retient lors des dégustations de décembre ou janvier. ' Marc Cellier regrette de ne pas pouvoir composer ses vins comme il l'entend. Pour Jean-Jacques Verdat, au contraire, le mélange à l'encuvage ne réduit pas l'éventail des choix. ' Lors des assemblages de printemps, nous avons des cuvées de grenache, de syrah et de cinsault pures, d'autres cuvées de grenache-syrah et de grenache-mourvèdre. Cela nous laisse assez de possibilités ', estime ce vigneron de Lirac, dans les côtes du Rhône. Après avoir opté pour les vinifications séparées, il s'est remis à associer la moitié de ses parcelles dès la récolte (grenache et syrah, grenache et mourvèdre), choisies parmi celles qui ont un comportement régulier. Les autres sont vinifiées séparément pour éviter, par exemple, qu'un grenache dilué ne vienne amoindrir une belle syrah. Jean-Jacques Verdat estime ' qu'une syrah et un grenache mis ensemble au moment de la vinification gagnent en complexité. 'L'ICV (Institut coopératif du vin) s'est intéressé à ces questions. En 1996 et en 1997, il a réalisé des comparaisons avec de la syrah et du grenache vinifiés ensemble et séparément. ' L'effet n'est pas très évident, résume Dominique Forget, du service recherche et développement de l'ICV. Mais l'assemblage des raisins aurait tendance à favoriser l'expression de fruits frais dans les vins. Les tanins semblent un peu plus fondus. Après la malo, on observe une augmentation du volume en bouche. 'Dominique Forget a rempli une partie des cuves avec des raisins ordinaires et l'autre partie avec des raisins de qualité supérieure. Ce sont ces dernières qui ont le mieux réagi au mélange à l'encuvage. Si ces résultats se confirmaient, ils montreraient que des cépages préfèrent fermenter en compagnie d'autres plutôt que seuls.