Dans les médias, il ne se passe pas un jour sans que l'on évoque Internet. Entre la peur de ne pas être à la hauteur et celle de passer à côté d'un outil extraordinaire, les vignerons comme les autres ont parfois le tournis. L'Ifocap propose une formation spécifique destinée aux agriculteurs.
C'est un peu le désert en matière de formation à l'utilisation d'Internet. Parce que c'est facile? Parce qu'on ne peut découvrir que par soi-même? Parce que le marché est encore étroit? Sans doute un peu de tout cela à la fois. Pourtant, dans les campagnes, nombre de vignerons sont sollicités (par fax, téléphone, réunions dans la commune...) pour figurer dans des sites ou créer le leur. A tel point que notre filière semble abriter une population captive (bonne tenue des marchés, contact nécessaire avec la clientèle...). ' Et on ne sait pas quoi répondre car nous ne voyons pas clair sur la question ', explique l'un de ses prospects. C'est avec cet esprit que Marie-Edith Bernard, vigneronne à Leynes (Saône-et-Loire) a suivi les 9 et 10 juin derniers, une formation à l'Ifocap (Institut de formation pour les cadres paysans), en banlieue parisienne. Elle était la seule issue du monde de la viticulture, en compagnie de céréaliers, betteraviers... ' Mes enfants s'en servent à l'école en m'expliquant que c'est formidable. Je ne voulais pas rester idiote. Cette formation fut très intéressante et même si nous ne sommes pas encore connectés, cela ne saurait tarder. Je voulais être bien conseillée ', explique cette productrice, sur 35 ha, de beaujolais villages et de saint-véran, le tout vendu en bouteilles. ' Des clients français viennent chez nous via les guides. Pourquoi pas des étrangers demain à travers Internet? '' Les agriculteurs s'inscrivent dans un but de découverte. Leur préoccupation de base est de savoir si cela vaut la peine d'être connecté et de monter un site ou pas. Rares sont ceux qui s'étaient déjà aventurés sur le Net... et, pour les téméraires, non sans se perdre. On lit de l'appréhension sur les visages : les agriculteurs sortent à peine de la crainte du Minitel pour rentrer dans celle d'Internet. Comme pour tout, il faudra le temps de s'habituer ', constate Stéphanie Pérès, en charge de cette formation, dont c'était la première édition. Après un historique, une définition des termes et les conseils pratiques pour se connecter, on se lance dans la navigation. ' Au début, il y a un sentiment de déception : ils découvrent que de nombreux sites sont publicitaires et non informatifs, qu'il est difficile de trouver des éléments intéressants quand on ne dispose pas d'une adresse précise, ajoute la formatrice. Les gens ont entendu parler d'eldorado, ils pensent tout trouver. Or, il faut aussi savoir qu'il y a des sites payants avec code d'accès, abonnement... De plus, dans les milliers de sites agricoles francophones - pour beaucoup, l'anglais est un obstacle - nous trouvons des choses très disparates : du petit site de présentation d'une exploitation à celui du ministère de l'Agriculture français. 'Sur Internet, à l'inverse d'un journal ou d'un ouvrage, rien n'est hiérarchisé, une sensation de vrac domine. Comme sur un bureau mal rangé, c'est avec l'expérience que l'on repère le chemin tortueux pour atteindre tel dossier enfoui. Autre inconvénient, la prédominance des sites récréatifs et grand public (ce sont les plus faciles à concevoir) sur les professionnels, ' même si les agriculteurs présents y ont trouvé des idées originales pour leurs loisirs. L'intérêt général remonte quand on aborde, au cours de la formation, les possibilités, la rapidité et le faible coût du courrier électronique. Il est perçu comme une belle ouverture sur le monde. '' Au bout de deux jours, on se rend compte qu'il est finalement facile de surfer sur le Web, à condition bien sûr d'être familiarisé avec le maniement d'un ordinateur dont Internet n'est finalement qu'un prolongement, constate après coup Marie-Edith Bernard. Je suis sûre que les agriculteurs informatisés y pensent, et même les autres. Avec les nouvelles générations, ce sera une évidence. Pour nous, au-delà de l'aspect informatif, l'enjeu est de savoir si cela peut nous amener des affaires. Notre propriété, comme d'autres, est déjà présente sur un site commun de l'interprofession mais c'est surtout un effet vitrine. Mais si demain, un internaute d'Hong Kong veut m'acheter une caisse, je ne sais pas comment faire! '. ' Après cette prise de contact, je retournerai en formation pour apprendre à monter un site efficace. Mon fils vient de passer des examens, les résultats étaient sur Internet avant même qu'ils le soient sur Minitel. C'est un signe, non? Même si ma principale crainte est que sur ce réseau, rien n'est contrôlé, il n'y a aucune sécurité. Soyons prudent ', conclut notre vigneronne.