L'expédition du vin doit être effectuée avec un maximum de précautions. Des transporteurs en ont fait leur spécialité et la logistique de ce produit est en pleine évolution. De plus en plus exigeants, les acheteurs demanderont demain aux producteurs une plus grande implication dans cette phase ultime de leur métier.
De la vigne au chai, le coeur traditionnel de son activité, le vigneron a enrichi récemment son métier avec toutes les pratiques de marketing, de promotion et de commercialisation... L'idée est de garder la valeur ajoutée à la propriété. Aujourd'hui, le vigneron effectue souvent trois métiers en un. La nouveauté, c'est qu'un quatrième fait son apparition : l'expédition et le transport du vin. Etiqueté et mis en carton, le vin quitte la propriété, via les acheteurs proches ou éloignés. Il met 48 heures, une semaine ou un mois, pour atteindre sa destination. Il voyage par la route, en camion bâché ou réfrigéré, survole les continents, traverse l'équateur en navire, parfois dans des conditions climatiques extrêmes. Pour arriver dans quel état?Au premier regard, les choses semblent claires : les vignerons produisent leur vin, des transporteurs le ramassent à la propriété et le mènent à bon port : à chacun son métier. Pourtant, ce n'est pas si simple. Le vin est un produit vivant, sensible à la lumière, aux vibrations et aux chocs thermiques. ' Des bouteilles dans un conteneur dry en ferraille, c'est comme dans une voiture en plein soleil, souligne un propriétaire alsacien. Le vin doit arriver à destination dans le même état qu'il a quitté le chai, en quantité et en qualité, et dans les délais ', explique Marie-Claude Delennes, au mas de Cadenet, en Provence. Le choix du transporteur est donc primordial. Heureusement, ' des bons professionnels, il y a en a dans le monde entier '.Ces ' agents de voyage ' agissent souvent en vrais partenaires. Ils affrètent un camion ou un conteneur climatisé en cas de canicule, préfèrent l'avion pour un petit lot urgent, utilisent une fourgonnette pour livrer à Paris... ' La raison d'être de notre métier est simple, résume le logisticien international Hillebrand : il s'agit de préserver l'authenticité et les qualités originelles des produits que nous acheminons. ' Après, c'est une question de coût. ' Pour les propriétaires qui vendent aux particuliers, le prix est très important, les délais également ', confirme Eric Rozas, à la Confédération nationale des caves particulières.Concernant la messagerie et le transport européen, cela se passe bien et les vignerons ont peu de reproches à faire à leurs fournisseurs. La réciproque est vraie : ' Dans l'ensemble, les vignerons sont rodés ', affirment les transporteurs, même si des efforts restent à faire : ne pas emballer dans un carton en ' papier à cigarette ', préférer l'étiquette informatique à l'adresse manuelle...Pour la grande exportation, c'est une autre planète. ' Depuis des siècles, nous avons la chance d'avoir des personnes qui viennent chercher nos vins ', explique Claire Giraud, aux vignobles Despagne (Bordelais). ' Les acheteurs envoient leurs camions à la propriété, on charge et c'est parti, résume un vigneron bourguignon. On leur fait confiance, même si dans une certaine mesure, cela nous échappe. ' Cette coutume du départ chai liée aux grands vins est une exception mondiale : ' C'est un système de distribution qui a vingt ans de retard sur le reste de la distribution alimentaire, analyse François Soulet de Brugières, vice-président de Clasquin, organisateur de transports internationaux. Les vignerons français ont pu garder cette position parce qu'ils produisent les meilleurs vins du monde et que la conjoncture leur est favorable. Mais cela pourrait changer. ' Sans être alarmiste, il est peut-être temps de tirer la sonnette.' Ce n'est pas parce que l'on ne maîtrise pas le transport que l'on abandonne nos produits sur le haillon du camion, affirme Claire Giraud. S'il pleut à torrent et qu'il n'y a pas de bâche sur le camion, on ne charge pas. Si un transporteur veut dépalettiser, on ne le fait pas. Si notre commande part pour un pays chaud et que le container n'est pas isolé, nous avertissons le client. Et si un nouvel importateur japonais ne sait pas comment s'y prendre, nous lui donnons les noms de nos transporteurs. 'A Bordeaux, l'interprofession, le port, les douanes, les transporteurs et les agents maritimes ont édité une charte qui explique la meilleure conduite à tenir pour préserver un vin durant le transport.C'est un travail novateur, car peu de matière grise a été utilisée par les professionnels en France pour réfléchir à l'expédition et au transport du vin. Ceux qui signent la charte s'engagent. C'est important. Le consommateur déçu par un vin détérioré, ne se retournera pas contre le transporteur ou l'importateur. C'est le nom et les coordonnées du producteur qu'il trouvera sur l'étiquette. Même si la responsabilité juridique du transporteur pourra toujours être évoquée, c'est la responsabilité morale du producteur qui n'échappera pas au client. Améliorer ce quatrième maillon est bien de la responsabilité conjointe du producteur, de l'acheteur, du transporteur et du distributeur. Dans la grande chaîne de la qualité, selon Roland Feredj, directeur de l'Interprofession bordelaise, c'est toujours le maillon le plus faible qui l'emporte.Prévention et information, c'est un premier pas. Le second serait d'être capable de prendre en charge le transport de son vin jusqu'au domicile de son importateur de New York ou de Taiwan. Révolutionnaire? ' Quand l'acheteur anglais ou hollandais envoie son camion, ce n'est pas notre économie qui en bénéficie. Assurer ce service est un plus commercial. Et puis on peut gagner de l'argent sur le transport ', prêche Jean-Claude Lassère, directeur interrégional des douanes à Bordeaux. D'ailleurs, tous les autres producteurs du monde le font...On peut se faire aider par les commissionnaires de transports internationaux, ceux qui travaillent pour les importateurs. Ils prennent en charge les procédures d'expédition et de transport du vin (ramassage, stockage, étiquetage, emballage...), effectuent les formalités administratives et douanières... Très équipés, ces nouveaux logisticiens du vin garantissent la traçabilité des opérations et maîtrisent tous les maillons de la chaîne.Mondialisation, rationalisation, législations contraignantes... Demain, c'est sûr, les choses vont changer. Il faut s'y préparer.