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Les brasseurs réveillent le vin

La vigne - n°100 - juin 1999 - page 0

Les deux principaux brasseurs égyptiens sont en course pour produire du vin. Le premier a racheté le seul producteur historique du pays ; le second a construit une usine dans le désert pour vinifier des moûts siciliens.

Nous sommes venus recouvrir un héritage. Nabil Rizqallah contemple des rangs de vignes presque abandonnées. En acceptant de reprendre en main la société Gianaclis, dans le delta du Nil, ce grand brasseur local, Al-Ahram Beverages, récemment privatisé, assume un pari risqué. Il lui en aurait coûté plus de neuf millions de dollars. Pourtant, Gianaclis jouit d'une grande réputation en fabriquant depuis plus d'un siècle le seul vin d'Egypte. Ses 800 ha de vignoble (chasselas, rosaki, muscat d'Alexandrie, cabernet sauvignon et grenache) ont produit rouge, blanc et rosé grâce au savoir-faire d'une famille d'immigrés grecs.Depuis sa nationalisation en 1961, la production de la compagnie a perdu en qualité et en quantité, passant de 100 000 hl à 10 000 hl par an! Le vin de Gianaclis représente encore 95% du marché local en dépit d'une telle perte de crédit. La raison en est simple : dans un pays où l'islam est la religion officielle, les taxes sur l'alcool importé peuvent atteindre 3 000%, celles sur les vins et les liqueurs locales s'élèvent à 100%. On consomme toujours le vin de Gianaclis parce qu'il n'y a rien d'autre à boire...Pourtant, le delta possède un réel potentiel. C'est ce qui ressort des analyses de sol. Le but à moyen terme est de planter 1 000 ha de vignes. En effet, si les installations de vinification ont été rachetées en mars, le vignoble reste la propriété de l 'Etat qui s'est engagé à fournir les raisins pendant cinq ans.' On a peut-être un pied correct sur cinq..., soupire Ali Abbas Mursi, directeur de la cave depuis dix-huit ans. Le gouvernement limitait les dépenses au maximum. ' De plus, les modes de conduite et la tenue du vignoble laissent à désirer. ' Le rendement moyen par feddan (équivalent à 0,42 ha) est de 700 kg, alors qu'il devrait être de 2 tonnes. 'De la rigueur est nécessaire à tous les stades de la production. ' Autrefois, le raisin restait 10 heures en plein soleil dans des paniers ouverts, avant d'être acheminé au pressoir... ', rappelle Nabil Rizqallah. Au chai, l'équipement est de mauvaise qualité. Du matériel neuf doit arriver d'Italie, pour un investissement de 5 à 6 millions de francs. Quelque 9 millions de francs sont prévus pour la reconstruction des bâtiments. La plupart des cuves en béton seront remplacées par des cuves en Inox thermorégulées. L'ambition est de décupler la production actuelle de vin, sans compter la fabrication de jus de raisin et d'eau-de-vie, seul produit de Gianaclis sorti honorablement du marasme du contrôle d'Etat. Pour cela, Al-Ahram Beverages ne lésine pas sur les moyens. Bouchons importés, bouteilles bordelaises, étiquettes autocollantes et plus esthétiques : celle du ' Omar Khayyam ', le rouge leader de Gianaclis, offrira les quatrains du poète persan traduits en arabe. Avec le blanc ' Cru des Ptolémées ' et le rosé 'Rubis d'Egypte', il sera l'un des premiers vins offerts aux consommateurs égyptiens depuis la privatisation de Gianaclis. La bouteille restera au prix de 18 livres égyptiennes (environ 28 F), un produit de luxe pour la majorité des Egyptiens (revenu moyen : 500 F par mois).L'alcool n'est accessible que dans quelques magasins sous licence dans les grandes villes. Malgré tout, et peut-être pour cela, l'offre de boissons alcoolisées est toujours restée en-dessous de la demande en Egypte, où vit une importante communauté occidentale. Les deux grands brasseurs égyptiens souhaitent transformer l'industrie du vin, comme ils l'ont fait pour la bière depuis deux ans.C'est ainsi que Al Gouna Beverages est entré dans la danse. Son propriétaire, un puissant homme d'affaires copte, s'est offert un chai ultra-moderne en plein désert, sur les bords de la mer Rouge. Son vin, ' Obélisque ', se vend déjà en blanc et en rouge au Caire et à Alexandrie, en attendant le rosé. Le directeur du chai, le Béarnais Jean-Baptiste Soula, croule sous les commandes.Le chai a une capacité de production de 1,3 million de bouteilles par mois, mais cet objectif risque d'être freiné par les taxes gouvernementales.Ici, la matière première est un moût concentré provenant de Sicile, retravaillé sur place. Le chai est climatisé. Il accueille dix-neuf cuves en Inox thermorégulées, chacune pourvue de son propre système d'aspiration du CO². ' C'est peut-être le seul endroit au monde où on fermente, on filtre et on met en bouteilles à la fois, commente Jean-Baptiste Soula. C'est comme si je vendangeais tous les deux mois. 'Avec des prix de 40 à 45 F la bouteille, c'est surtout l'élite locale et les touristes qui sont visés. Par ailleurs, l'entreprise a déjà acheté les terrains pour de futurs vignobles. ' On implantera des cépages qui ont fait leurs preuves dans le monde. ' Le climat chaud et sec de l'Egypte pourrait s'avérer aussi fructueux que le sud italien...

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