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Les risques d'action en justice en hausse

La vigne - n°101 - juillet 1999 - page 0

Suivant la tendance anglo-saxone, les professionnels et les consommateurs sont de plus en plus procéduriers et n'hésitent pas à attaquer un producteur si un problème survient avec le produit. Notre filière est concernée, les vignerons doivent s'y préparer.

Les vignerons devraient conserver systématiquement des échantillons de chaque lot commercialisé. Cela permettrait d'avoir des éléments de preuve en cas d'action en responsabilité intentée par un consommateur. Ces oenothèques sont le seul moyen de pouvoir procéder à des contre-expertises. Pour Chantal Pegaz, avocate spécialisée en droit vitivinicole, installée dans le Beaujolais, il n'y a pas de doute : ' Même si, aujourd'hui, les actions en justice sont rares, les moyens juridiques d'agir devant les tribunaux augmentent. ' Autant prendre les précautions qui s'imposent. Comme le montre l'actualité, personne n'est à l'abri. La firme Coca-Cola a vu suspendre sa commercialisation en France, à la mi-juin, au motif qu'elle n'était ' pas suffisamment claire sur la traçabilité de ses produits '.Pour l'instant, les cas d'action en responsabilité dans le monde viticole concernent surtout des professionnels entre eux. Tel négociant agit contre un vigneron qui lui a fourni un vin ayant un dépôt excessif. Tel producteur assigne son fournisseur pour lui avoir livré des 'bouchons qui ne bouchent pas'.Comme le remarque Guy Gravellier, avocat dans la région bordelaise, 'généralement, il y a plusieurs intermédiaires qui interviennent avant la mise en marché définitive. Si un vin a un problème, on s'en rend compte avant qu'il arrive sur la table du consommateur'.Autre élément à prendre en considération : les dommages éventuellement subis par le client sont rarement importants. ' Le plus souvent, il s'agit d'un problème de nature commerciale. Les sommes en jeu sont trop peu importantes pour que l'acheteur décide d'engager des poursuites judiciaires.'De cette absence de cas pratiques, faut-il conclure qu'il n'y pas de risque pour les vignerons? Certes, non.Tout d'abord, comme le montre la loi du 19 mai 1998, le législateur cherche à simplifier le système vis-à-vis du consommateur. En cas de lésions corporelles, il est possible d'agir contre le producteur du produit à l'origine du dommage, sans avoir à prouver une faute. Chantal Pégaz explique: ' Nous avons subi l'influence du droit anglo-saxon qui est très favorable aux consommateurs. Avec cette nouvelle catégorie de responsabilité civile, il suffit d'apporter la preuve d'un défaut de sécurité et de montrer que celui-ci est à l'origine d'un préjudice. La loi précise même que le produit peut avoir été conçu dans les règles de l'art et en respectant les normes existantes '.Reste à savoir ce que l'on entend par 'produit défectueux'. La loi n'a pas été suffisamment 'interprétée' par les juges pour que l'on sache ce qui sera recevable ou non. Les professionnels du droit sont plus ou moins optimistes. Certains font valoir que la loi du 19 mai 1998 pourrait bien servir de base à l'action en justice d'une personne ayant eu une réaction allergique après avoir bu un vin contenant des sulfites. ' Le produit serait considéré comme défectueux car ne comportant pas d'étiquette informant le consommateur de l'existence de substances allergènes. ' Les plus pessimistes font remarquer qu'avec de tels principes, ' on finira pas avoir l'obligation de faire figurer sur les bouteilles, le message sanitaire 'l'abus d'alcool est dangereux pour la santé' '. Comme l'explique Michel Désilets, avocat dans le Beaujolais, ' ce serait dans la droite ligne de la loi Evin '.La seconde source d'inquiétude des juristes et des assureurs provient d'un constat : les mentalités évoluent, les gens sont mieux informés sur leurs droits et de plus en plus exigeants. Ils n'hésitent pas à réagir au moindre problème. Résultat: on s'achemine vers un développement des actions en responsabilité. ' L'un de mes clients a sa voisine qui se plaint de l'odeur des produits phytosanitaires qui l'empêche de déjeuner sur sa terrasse. Elle envisage une action. A la campagne, les gens veulent du silence et protestent contre un tracteur jugé trop bruyant... ', raconte Chantal Pegaz.Cette évolution de la société est confirmée par un récent rapport de la Fédération française des sociétés d'assurance. ' Le livre blanc sur la responsabilité civile met en avant une 'judiciarisation' de l'économie et des échanges. Ce processus atteint peu à peu le domaine agricole ', indique Hervé Lejeune, directeur adjoint du département de l'assurance agricole chez Groupama. Les spécialistes expliquent que les progrès scientifiques permettent non seulement de déceler de plus en plus de pathologies mais également de remonter jusqu'à l'origine du problème et, si nécessaire, jusqu'au producteur lui-même. Dans un tel contexte, il est préférable de bien vérifier son contrat d'assurance en responsabilité civile...

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