L'année 1999 restera marquée d'une pierre blanche en Champagne. La perspective de l'an 2000 a donné un coup de fouet exceptionnel aux ventes. On estime à 320 millions le nombre de bouteilles expédiées durant l'année civile, les chiffres définitifs n'étant connus qu'en février. C'est évidemment un record historique. Le précédent date de 1998 et s'élevait à 292 millions de bouteilles. Pour mémoire, les expéditions étaient de 176 millions de bouteilles en 1980...
'L'effet an 2000 a joué à fond. Nous le préparions depuis des années et cela s'est bien passé. Le concept 'champagne, vin de fête' a bien fonctionné. La presse nous a consacré de nombreux articles', explique-t-on au syndicat général des vignerons. D'après des économistes, le chiffre d'affaires total du champagne s'est élevé, pour l'année 1999, à 24 milliards de francs... dont la moitié de marge brute.
Des vins stockés lors de récoltes précédentes, plutôt abondantes, ont permis de faire face à cette demande exceptionnelle 'sans hausses intempestives', indique-t-on. C'est l'exportation qui a tiré les ventes, car au niveau français, à la du mois de fin novembre dans les grandes et moyennes surfaces, on observait même un recul en volume par rapport à la fin du mois de novembre 1998 (voir La Vigne de décembre 1999, page 90). Les prix étaient clairement orientés à la hausse (92 F la bouteille) mais, il est vrai, de manière modérée.
L'optimisme est de mise car beaucoup prédisent une année 2000 sur des bases similaires. 'N'oublions pas que le vrai changement de siècle et de millénaire aura lieu le 1er janvier 2001. Sans compter que l'effet millésime jouera encore avec la magie du chiffre 2000', indique un responsable qui n'hésite pas à prédire un fléchissement pour 2001 et 2002... avant un nouveau départ aux alentours de 2003, en restant 'sur la ligne de crête des 300 millions de bouteilles'. Une autre caractéristique de 1999 fut le resserrement de la fourchette des prix, globalement de 1 à 2 contre 1 à 3 dans les années de crise du milieu de la décennie. Fini les champagnes à moins de 50 F la bouteille... 'Beaucoup ont pris un coup derrière la tête à l'époque. Dans l'euphorie actuelle, notre politique est de rester humble', estime un responsable. La récolte 1999 permettra également de bien gérer 'l'après'. Les 30 000 ha en production ont donné environ 390 millions de kilo, avec un rendement moyen qui frise les 13 000 kg/ha, chiffre qui était le plafond autorisé. 1 000 kg sont bloqués pour des besoins futurs. 'Des volumes pléthoriques et un bon état sanitaire, commente un technicien, malgré de fortes pressions durant la campagne, notamment celle du mildiou, et des pluies lors de la récolte.' Comme ce fut le cas dans d'autres vignobles, il n'était pas rare de voir des parcelles non récoltées...
Dans cet environnement porteur, les plantations reprennent. 1999-2000 voit la mise en terre du premier contingent depuis dix ans. Il est ainsi prévu 300 ha/an pendant cinq campagnes.
'A terme, il restera 1 000 à 1 500 ha plantables, il sera alors temps d'engager une grande réflexion sur la révision ou non de l'aire délimitée.' En attendant, les discussions se sont engagées en 1999 pour le calage du futur accord interprofessionnel, valable pour la vendange 2000. Un groupe de réflexion de huit personnes est au travail et on annonce la signature pour avril. Cet accord pluriannuel est un point clé de l'organisation économique en Champagne puisque la majorité des raisins est aux mains de vignerons et que l'essentiel des ventes de vin est opéré par le négoce. Il faut donc définir des systèmes d'approvisionnement et de rémunération. 'Pour la vendange 1999, nous étions à 25,50 F/kg pour un cru à 100%. Cela ne devrait pas être très différent à l'avenir', pronostique un professionnel qui accrédite l'idée, si besoin était. Il souhaite une gestion 'soft' de leur prospérité, tirant sûrement par là les leçons d'un passé récent.
'La problématique de la production intégrée a été dans toutes les têtes en 1999 surtout que le climat fut finalement capricieux. Tout le monde comprend que produire propre est maintenant un postulat et non plus une simple alternative', constate-t-on à l'interprofession. La Champagne est l'un des vignobles français à la pointe sur le sujet. 'Il est vrai que l'on a les moyens', reconnaît-on. 1999 a vu l'interdiction de l'épandage dans les parcelles de gadoues et de composts; au niveau du désherbage, la simazine et le diuron sont aussi mis à l'index. D'autre part, la confusion sexuelle s'installe. Sur ce créneau de l'environnement, un point noir a été observé avec une pollution de la Marne pendant les vendanges, à laquelle on a réagi par une souscription qui a rapporté plus de 300 000 F. Sur le front des OGM, des positions franches ont été prises, comme au plan national: non pour les AOC! Du coup, certaines expérimentations régionales ont tourné court.