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Champagne, une année pâlichonne

La vigne - n°117 - janvier 2001 - page 0

Les lendemains de fête sont parfois difficiles : la campagne dans le vignoble a été rude en Champagne, avec du mildiou et des vignes jaunissantes. La campagne commerciale n'a pas été facile non plus : face aux stocks chez les distributeurs, les expéditions sont en chute libre. Heureusement, la qualité du millésime, malgré diverses embûches, fut ' une divine surprise '.Comme dans d'autres vignobles, les vignerons ont dû gérer une forte pression du mildiou et une première génération de cochylis impressionnante. Cette région a aussi été touchée de plein fouet par ce qui semble bien être un défaut de sélectivité du flazasulfuron, matière active de Mission et Katana. Dès sa première année de commercialisation, cet herbicide fut utilisé sur près de 55 % du vignoble champenois. Son large spectre d'action et son profil environnemental expliquent ce succès. Mais en juin, des vignerons parlent d'une chlorose inhabituelle et persistante. Très vite, l'herbicide est mis en cause. Sur les 17 000 ha désherbés avec cette matière active, 5 000 à 6 000 ha ont jauni. La majorité a fini par reverdir, mais 1 000 à 2 000 ha seraient restés jaunes. ' On a surtout eu peur ', lance un vigneron. Aujourd'hui, les experts judiciaires tentent de trouver les causes de ces incidents et d'évaluer les préjudices subis par chacun. Leur travail sera de longue haleine : la vigne pourrait montrer encore des stigmates de cette mésaventure en 2001. A l'approche de l'été, les vignerons n'étaient pas au bout de leurs peines. De nombreux orages de grêle se sont abattus sur la vigne. Celui du 2 juillet touchait plusieurs milliers d'hectares. Puis, à la vieille des vendanges, de véritables poches d'eau sont tombées en certains endroits, provoquant des inondations et des coulées de boue. Début septembre, les raisins étaient énormes. Dans ces conditions, les pluies auraient été fatales à leur qualité. Heureusement, les vendangeurs ont profité de trois semaines de beau temps pour rentrer des raisins mûrs. ' En 1999, avec un record d'ensoleillement, le degré moyen était de 9,9. En 2000, avec un record de pluie, il était de 9,8 ! ' s'étonne Michel Valade, du CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne). Et malgré les différents accidents survenus au cours de la campagne, les caves ont fait le plein, avec un rendement agronomique moyen de 16 500 kg/ha. La qualité de la vendange 2000 rassure alors que les sorties de propriétés sont en chute libre. Le volume de champagne expédié entre janvier et octobre 2000 est en baisse de 32,71 % par rapport à la même période en 1999. ' Si on ne regarde que ces chiffres, on pense à une catastrophe. Il n'en est rien, lance Philippe Feneuil, président du syndicat général des vignerons. La Champagne se porte bien. Ce qu'il faut regarder, ce ne sont pas les sorties, mais l'évolution de la consommation, et celle-ci progresse. ' Que ce soit au CIVC, dans les grandes maisons de champagne ou chez les récoltants, l'explication donnée est la même : on a surestimé la consommation lors du passage à l'an 2000. ' En France, la tempête de décembre a sans aucun doute freiné la consommation ', précise Daniel Lorson, au CIVC. Dès 1998, et même parfois avant, les distributeurs ont voulu anticiper, pensant que les ventes exploseraient, mais ils ont trop acheté. Début janvier, il y avait encore, chez les distributeurs comme chez les particuliers, environ 30 à 50 millions de bouteilles en stock, qui ont pesé sur les expéditions. ' Mais si on fait le compte, poursuit Philippe Feneuil, les expéditions devraient atteindre 255 à 260 millions de bouteilles au total pour l'année 2000. Si on y ajoute les stocks, on aura consommé cette année 300 millions de bouteilles. Il n'y a pas de crise ! ' En effet, une consommation normale se situe entre 280 et 290 millions de bouteilles. ' La consommation continue à être sur une bonne tendance, renchérit Daniel Lorson. Toutes les opérations promotionnelles organisées cette année par les distributeurs ont bien fonctionné. ' Mais l'existence de stocks chez les distributeurs explique sans doute la réapparition de champagne à 60 F, voire moins, en linéaires : certains font le vide. Néanmoins, Philippe Feneuil, comme Yves Bénard, le représentant des négociants, considère que la situation devrait revenir à la normale au cours de l'année 2001. Ces deux hommes ont pourtant fait part de leur colère lors de l'assemblée générale de l'AVC. L'économie semi-dirigée existant dans le vignoble champenois a permis à tous de profiter du succès du vin de Champagne. Pour Philippe Feneuil et Yves Bénard, le libéralisme sauvage, quoi qu'en pense Bruxelles, serait préjudiciable à l'économie champenoise. La crise du début des années 90 reste encore gravée dans les mémoires. C'est pourquoi les professionnels s'étaient à nouveau engagés cette année sur un accord cadre de quatre ans pour organiser le fonctionnement du marché entre le vignoble et le négoce. Avec un prix ' constaté ' du raisin à 26,25 F/kg pour un 100 % cru, les responsables professionnels estimaient avoir bien négocié ce dossier. Ils n'ont donc pas accepté les débordements de prix de raisins observés lors des dernières vendanges avec, parfois, des primes doublées, voire triplées, par rapport à la normale (les primes sont normalement de 6 à 7 %). Craignant une baisse de l'offre en raisins, des négociants ont acheté au prix fort le raisin. ' On a vu n'importe quoi, avec des hiérarchies de crus qui n'étaient pas respectées ', s'énerve un vigneron. ' C'est en Champagne que certains débloquent ', ajoute un autre.Aujourd'hui, ceux qui ont signé des contrats avec des primes assez élevées s'inquiètent : ils se sont engagés sur cette base pour quatre ans. ' Qu'ils se débrouillent, lance Philippe Feneuil. En tout cas, le prix constaté ne baissera pas en 2001, il devrait même légèrement augmenter. ' Mais à la veille du nouveau millénaire, les Champenois espéraient bien que pour ce réveillon particulier, dont personne ne parle, beaucoup de bouchons de champagne sautent.

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