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La Champagne conçoit de nouveaux accords

La vigne - n°150 - janvier 2004 - page 0

Pour conserver un marché organisé, la Champagne doit trouver de nouveaux accords interprofessionnels pour la vendange 2004. A plus long terme, elle planche sur la révision de son aire géographique.

En Champagne, les responsables professionnels sont en pleine effervescence. Ils se creusent les méninges pour trouver de nouveaux accords interprofessionnels, car les derniers ont pris fin avec la vendange 2003. Faut-il laisser la Champagne plonger dans un libéralisme pur et dur, sujet à la loi de l'offre et de la demande, ou faut-il créer une certaine réglementation pour éviter les dérives ?
Lors de la dernière assemblée générale de l'AVC (Association viticole champenoise), le 28 novembre dernier, Philippe Feneuil, président du Syndicat général des vignerons de la Champagne, et Yves Bénard, président de l'Union des Maisons de Champagne, ont tous les deux plaidé pour une organisation. ' Une 'vraie' organisation ', insiste Philippe Feneuil. Les Champenois savent, par expérience, que le libéralisme est dangereux.
Rappel des événements : pendant trente ans, l'économie fut extrêmement dirigée. Cependant, en 1989, sous la pression de l'Union européenne, les Champenois sont contraints de renoncer à imposer un prix du kilo de raisin. Ils s'engagent dans une économie semi-libérale, mais à partir de 1990, les prix de la matière première flambent. Les opérateurs répercutent la hausse sur les tarifs des bouteilles. La sanction du consommateur est immédiate : les ventes baissent. C'est la crise de 1991. Les Champenois ont compris la leçon et 1996 voit revenir un engagement collectif.

' Nous avions réussi à mettre en place un dispositif d'encadrement assez cohérent (...) ', a déclaré Philippe Feneuil lors de l'assemblée générale. Mais depuis 2000 et les derniers accords, la situation a dérapé. ' Le prix interprofessionnel n'est plus représentatif du marché, les contrats de durées variables se multiplient. Chacun mène sa petite négociation dans son coin, sans aucun souci des équilibres économiques globaux, ni de gestion collective. Les institutions ne maîtrisent plus grand-chose (...). Il semblerait bien que les Champenois perdent de vue les risques de la liberté... et peut-être de l'anarchie ', a poursuivi Philippe Feneuil.
La Champagne est à un tournant crucial. Vers quelle voie doit-elle se diriger ? Pour y répondre, le Syndicat général des vignerons de la Champagne a constitué un groupe de travail, baptisé Cap 2004 avec la fédération des coopératives vinicoles. Depuis octobre, il multiplie les réunions afin de donner des pistes de réflexion.
Parmi elles, la mise en place d'un double marché. D'un côté, se trouverait un marché libre où chacun pourrait spéculer à sa guise, mais sans garde-fou, de l'autre, un marché organisé avec des prix négociés et sécurisés, et des approvisionnements également sécurisés pour le négociant.

L'idée du groupe de travail est de mettre en place un groupement de producteurs ' géant ', une structure juridique qui rassemblerait les vendeurs, comme le faisaient autrefois les contrats interprofessionnels. Cette structure permettrait d'être en accord avec les règles européennes. Elle fixerait le prix de marché du raisin, des vins et des bouteilles sur lattes, les échéances de paiements et la durée des engagements. Les vignerons seraient libres dans le choix de leur partenaire, car les contrats avec les négociants resteraient individuels.
' Chacun devra donc faire son choix entre un marché organisé et un marché non organisé (...). Personne, au négoce comme au vignoble, ne pourra jouer dans les deux camps à la fois. Ce sera l'un ou l'autre ', précise Philippe Feneuil. Mais attention, il ne s'agit pour le moment que de réflexions. Elles doivent encore être approfondies et validées par des juristes. D'autres réunions sont prévues, mais l'objectif est d'arriver à faire valider une proposition d'organisation interprofessionnelle, par l'assemblée générale de printemps du syndicat, pour une signature par les deux familles champenoises entre les mois d'avril et de juin.
Du côté du conseil d'administration de l'Union des maisons de Champagne, on cogite aussi. Selon Yves Bénard, ' les maisons sont favorables à une organisation, à condition qu'elle soit équilibrée, qu'elle prenne en compte leurs besoins en approvisionnement et en achat de raisins, et qu'elle soit compatible avec les règles communautaires. Des hypothèses sont émises, mais il est prématuré d'en parler . '
La deuxième grande réflexion de la Champagne porte sur la révision de son aire d'appellation prévue à l'horizon 2020-2030. Pourquoi un tel chantier ? Comme l'explique Daniel Lorson, directeur de la communication du CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne), ' il ne reste plus que quelques centaines d'hectares à planter en Champagne. Nous avons atteint notre potentiel de surface, et il n'est pas question de progresser au niveau des rendements. Au contraire, il s'agit plutôt de les maîtriser. Pour l'instant, la pénurie de champagne n'est pas d'actualité. Elle est pendante, mais pas assez forte pour inciter les professionnels à mettre le turbo. '

' Il faut aussi tenir compte du marché et du consommateur. Qui peut dire que la Champagne va poursuivre sa croissance au même rythme et au même prix que les cinquante dernières années ? Il faut rester prudent . ' Effectivement, pour le moment, il n'est pas question d'extension du potentiel de production. Le travail technique et juridique, entamé par le Syndicat et l'Inao, vise, dans un premier temps, à recadrer l'aire géographique Champagne dans laquelle se trouvent des territoires qui n'ont pas lieu d'y être. Dans un deuxième temps, il s'agira de revoir les critères de la délimitation parcellaire. Un chantier extrêmement délicat !

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