Vigneron sur 8 ha de fleurie, Michel Chignard vend son vin aux grands restaurants français et étrangers. Mais il accueille avec toujours autant de plaisir les particuliers de passage dans le Beaujolais.
Quand il prend la succession de son père en 1968, Michel Chignard est bien loin des pavés du Quartier latin. Sa petite révolution, il l'a faite dans son caveau avec un choix novateur pour sa région: vendre son vin en bouteilles. 'Nous étions peu à faire de la vente directe il y a trente ans, se rappelle Michel Chignard. Cette décision a été dictée par mon plaisir de rencontrer les clients. Certains sont devenus des amis.'Son entourage lui conseille alors de fuir les restaurateurs, considérés comme mauvais payeurs... Ce seront pourtant ses premiers clients! Il s'en réjouit encore aujourd'hui. 'Les restaurateurs m'ont fait beaucoup de publicité. Ce sont d'excellents relais car nous touchons le même public, les personnes appréciant le vin et aimant aller au restaurant. Et c'est aussi grâce à eux que j'ai pu développer mes ventes à l'export car des revendeurs sont venus me voir après avoir goûté mon vin dans un restaurant.'Actuellement, Michel Chignard vend toute sa production en bouteilles. L'export représente 50% de ses débouchés, avec un agent par pays. Son fleurie est ainsi vendu en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, mais également aux USA et au Japon. En France, sa clientèle se partage équitablement entre restaurateurs et particuliers.Si la rencontre avec les restaurateurs a été déterminante pour cette exploitation, c'est parce que Michel Chignard a su frapper aux bonnes portes. En effet, il s'est concentré sur les restaurants haut de gamme. Et pour être adopté par les grands chefs, un vin de qualité se révèle être l'unique passeport. Il effectue deux mises en bouteilles par an: en mars pour les vins fruités à consommer rapidement (46 F la bouteille) et en août pour les vins plus tanniques, issus de vieilles vignes et élevés en fûts (62 F). 'Nos vins sont un peu plus chers que ceux des autres vignerons de Fleurie, reconnaît-il. Mais nos coûts de production sont 25% plus élevés. Nous avons pour stratégie de ne pas être regardants sur les fournitures d'embouteillage ou sur le prix plus élevé des produits phytosanitaires moins toxiques. Nous savons que nous récupérerons ce surcoût lors de la vente. Et quand un vin plaît, les clients sont prêts à mettre 10 F de plus.'Considéré comme l'une des valeurs sûres de l'un des crus les plus recherchés du Beaujolais, Michel Chignard doit gérer le manque de vin. C'est pourquoi il ne participe pas à des salons et n'envoie pas de mailing à ses clients. Toutefois, pour maintenir le contact, il envisage de publier, en avril, une lettre d'information sur le millésime 1999. 'Le contingentement ne constitue pas un handicap commercial. On perd rarement un client à qui l'on vend six bouteilles au lieu des douze souhaitées, explique-t-il. L'année d'après, il vient un peu plus tôt.'Pour maintenir cette forte demande, Michel Chignard mise sur l'accueil au caveau. Cette politique lui permet de rester attentif aux interrogations des clients. 'Quand un sommelier compétent vous demande si vous levurez, si vous chaptalisez ou si vous filtrez, cela vous remet en cause. Le consommateur vous fait avancer. Je ne réponds pas à toutes ses attentes pour autant. Je levure rarement car j'ai la chance d'avoir de bonnes levures indigènes. En revanche, je pratique une légère filtration, sauf pour les USA. L'écoute du client doit être couplée avec son éducation. Il doit, par exemple, savoir que l'absence de filtration peut entraîner la formation d'un dépôt dans la bouteille.'Dans un monde qui tend vers le zéro défaut au niveau alimentaire, Michel Chignard a réfléchi à ses pratiques culturales, 'lesquelles n'ont pas été très bonnes pendant vingt ans' Depuis 1995, il retravaille le sol en labourant ses vignes: 'L'objectif est de faire plonger les racines. Le résultat commence à être perceptible au niveau du vin'. Il privilégie aussi l'amendement organique en laissant les bois de la taille.A 53 ans, il prépare la transmission de l'exploitation à son fils Cédric, âgé de 24 ans. Pour faciliter ce passage, ils ont opté pour la création d'une EARL en 2001.'Beaucoup de producteurs appréhendent de créer une société et passent à côté d'une formule juridique mieux adaptée à notre profession, regrette ce vigneron averti. Une exploitation viticole doit être menée comme une petite entreprise, avec toutes ses facettes. Trop de vignerons bloquent sur la partie en aval du métier. De bons vinificateurs refusent même la vente directe par peur de la gestion des factures et des paiements.'Un sacrilège pour cet amoureux de la relation vigneron-consommateur...