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La tradition a fait notre réputation

La vigne - n°111 - juin 2000 - page 0

Gaston Ravaut a toujours aimé le style de vins que faisaient son père et son grand-père. Il l'a perpétué tout en ouvrant son domaine à l'exportation.

'C'est avec mon grand-père que j'ai appris à aimer le commerce. Je connaissais toutes les histoires qu'il racontait aux clients de passage à la cave. Quand j'étais gamin, je les lui soufflais lorsqu'il avait des trous de mémoire ', se rappelle Gaston Ravaut. Ce grand-père, qui portait le même prénom que lui, fut un précurseur. Dès les années 20, il a orienté le domaine Gaston et Pierre Ravaut de Ladoix-Serrigny vers la vente directe. Ses successeurs ont suivi jusqu'au bout la voie tracée. En 1997, Gaston Ravaut a vendu sa dernière cuvée au négoce.La clientèle particulière s'est agrandie par le bouche à oreille. Elle apprécie l'accueil et les vins qu'elle vient ' goûter sur fût '. ' Mon père est là tout le temps, explique Gaston Ravaut. Il peut passer des journées entières à la cave. ' Fût après fût, tous deux présentent leurs appellations. Progressivement, leurs clients découvrent les terroirs au travers des vins. ' Nous avons trois ladoix premiers crus. Ce sont trois vins différents. Nulle part ailleurs au monde, on observe une telle diversité sur un espace aussi restreint. ' Pour en persuader leurs interlocuteurs, ils les invitent à goûter eux-mêmes les subtiles nuances qui séparent un ladoix bois roussot d'un ladoix basses mourottes. Afin de respecter ces nuances, Gaston Ravaut n'a jamais cédé à la mode du fût neuf. Elle aurait fait perdre son âme à ce vigneron qui ' colle à la tradition ' parce qu'il l'apprécie. A l'exception des passe-tout-grains et des alligotés, toutes les appellations passent en fûts, renouvelés au bout de dix à douze ans. Les bourgognes génériques et les blancs y séjournent dix à douze mois, les villages et les crus rouges au moins dix-huit mois. Jusqu'à l'achèvement de la malo, les vins restent sur leurs lies. Ils y conservent leur fraîcheur et gagnent ' du fond et de la structure. ' Ce mode d'élevage fut mis au point par les anciens, contraints d'attendre que le trouble se dépose naturellement. Gaston Ravaut aurait pu le modifier afin d'avancer les mises en bouteilles. Il aurait alors diminué ses stocks et obtenu les félicitations de son banquier qui les juge excessifs. Il n'a pas voulu le faire afin de préserver le potentiel de garde de ses vins. Il estime qu'ils ne s'expriment pleinement qu'au bout de cinq à dix ans. Et c'est très bien ainsi. ' La réputation des grands bordeaux et des grands bourgognes s'est faite sur leur potentiel de garde. C'est ce que nos clients viennent chercher : des produits un peu exceptionnels. ' Au vignoble, il n'a jamais cédé aux charmes économiques du désherbage total. ' Nos terrains s'asphyxient si on fait ça. Ils sont argileux. Ils se compactent, puis l'eau a tendance à raviner. ' Fin mars, début avril, un premier coup de griffe ' défait la terre de l'hiver ' et l'ameublit avant le passage de l'intercep. Gaston Ravaut fait deux autres passages. En juin, il applique un antigerminatif à demi-dose. Il cesse de travailler la terre avant le début de l'été afin qu'elle se tasse et qu'en juillet, après un orage, les enjambeurs puissent entrer au plus vite dans les parcelles. Il ne semble pas prêt de revoir ce compromis, ni dans un sens, ni dans l'autre. En revanche, il s'interroge sur l'intérêt de maintenir la récolte manuelle. Ses clients y semblent attachés. Il est convaincu de la supériorité de cette façon de faire. Jusqu'à présent, ses chantiers se sont déroulés dans la bonne humeur. En 1973, ils lui ont amené sa femme, Catherine. En contrepartie, ses frais de vendange sont au moins deux fois supérieurs à ceux de ses confrères qui ont opté pour la machine. Bien que Gaston Ravaut perpétue une scrupuleuse tradition, il ne stagne pas dans l'immobilisme. En 1982, dès qu'il reprend le domaine, il investit dans une pompe à chaleur pour refroidir ses moûts. Son père et son grand-père lui ont trop raconté combien ils avaient perdu de cuves stoppées dans leur fermentation par un excès de chaleur pour qu'il hésite à faire cet achat. L'arrivée du froid est à ses yeux la seule révolution qu'ont vécue les caves depuis qu'il y travaille. Notre vigneron a fait évoluer son domaine sur d'autres plans que celui des modes de production. Il l'a agrandi tout en le recentrant sur les crus, orientation que son père avait déjà esquissée. Il en a transformé les structures juridiques, optant dans un premier temps pour le Gaec, puis pour l'EARL. Sa femme qui assume la comptabilité et l'administration, a introduit l'informatique. Pourtant, l'essentiel n'est pas là. ' La génération d'avant nous était très recentrée sur ses propres produits ', juge-t-il. Sa génération (il est né en 1953) s'est ouverte au monde. C'est la principale différence qu'il voit entre lui et ses prédécesseurs. Gaston Ravaut ne cesse de goûter les vins de ses confrères de Ladoix, mais aussi ceux provenant des autres régions de France, d'Italie, du Chili ou d'ailleurs. Selon lui, ces confrontations sont une école de modestie et une source de stimulation. Il a développé la clientèle suisse et belge en se rendant régulièrement dans ces pays à la demande de ses importateurs. Il a obtenu des marchés aux Etats-Unis et au Japon. Mais il n'est pas allé sur place parce qu'il ne parle pas l'anglais. Il a dépêché Vincent, son fils aîné. Lui et Pierre, le second fils de Gaston et de Catherine, prendront progressivement l'entreprise en mains. Au premier reviendra la commercialisation, au second la production. Leur père leur a déjà confié une mission : approfondir l'ouverture au monde du domaine Ravaut.

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