Le nouveau président de l'OIV travaille à l'institut national vitivinicole argentin, un organisme public. Félix Aguinaga a été élu au terme d'un scrutin très serré, qui illustre la montée en puissance des Anglo-Saxons.
Il s'en est fallu de peu. A deux voix près, la France était désavouée au cours de l'assemblée générale de l'OIV (Office international de la vigne et du vin), qui s'est tenue le 23 juin à Paris. Sa représentante avait appelé, très diplomatiquement, à voter contre le candidat américain. Avant l'élection, elle a pris la parole pour souligner qu'il était présenté par un Etat ayant toujours émis des réserves sur la protection des appellations d'origine contrôlée, alors que c'est l'une des missions de l'OIV depuis sa constitution.L'Italie a soutenu publiquement la France. A la suite de ces interventions, Kirby Moulton, le candidat en question, s'est défendu en expliquant tout le bien qu'il pensait de l'AOC. Son brillant discours n'a pas suffi. Par quarante-deux voix contre trente-neuf, l'Argentin Félix Aguinaga l'a emporté au second tour de scrutin. Ce score illustre la montée en puissance des Anglo-Saxons dans l'économie du vin et la rivalité qu'ils entretiennent, au niveau mondial, avec les Latins. Le nouveau président travaille à l'Institut national vitivinicole argentin, un établissement public regroupant les missions de l'Inao, de l'Onivins et de la Répression des fraudes. Au cours des trois ans de son mandat, il verra l'OIV adopter de nouveaux statuts. Cette organisation donne des recommandations aux gouvernements de ses quarante-cinq pays membres. L'essentiel de son activité porte sur les pratiques oenologiques. Cette année, elle a adopté vingt-huit résolutions relatives aux méthodes d'analyse des vins et des vinaigres. Ces dernières ont été définies par des scientifiques de tous les pays afin qu'elles servent de référence et que les résultats de l'analyse d'un vin soient les mêmes dans ses pays d'origine et de destination. En cela, elles suppriment une source de litiges dans le commerce international. C'est l'une des principales utilités de l'OIV. Afin qu'il conserve son rang de référence mondiale, l'OIV doit évoluer. Ses statuts doivent se rapprocher de ceux des autres organisations intergouvernementales. S'il y parvient, l'Office obtiendra un poste d'observateur au sein de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) d'où il pourra faire entendre son point de vue sur toutes les questions touchant au vin. L'aboutissement de cette réforme est proche. Il bute encore sur des questions de langue. L'Italie exige que la sienne soit une langue officielle de l'Office. L'Allemagne veut être traitée comme l'Italie. Les autres pays ne veulent entendre parler que français, espagnol et anglais. Des tractations sont en cours pour parvenir à un compromis d'ici au mois d'octobre. Ces questions mises à part, un accord a été trouvé sur de nouveaux statuts. En les comparant à ceux de 1924, toujours en vigueur aujourd'hui, on est frappé de voir disparaître la première des missions qui avait été attribuée à l'OIV, à savoir : ' réunir, étudier et publier les renseignements de nature à démonter les effets bienfaisants du vin. ' Certes, il a fallu attendre 1994 pour que cette mission soit effectivement remplie, avec la création de la commission nutrition et santé. De ce fait, les bienfaits d'une consommation régulière et modérée de vin n'ont pas été démontrés, ni rendus publics par des scientifiques de l'Office. N'empêche. Au moment où les preuves s'accumulent, fallait-il renoncer à affirmer la singularité du vin ? Pour les défenseurs des nouveaux statuts, il fallait faire preuve de neutralité afin de ne pas apparaître comme un organisme de propagande. Ils assurent que les activités de l'OIV n'en seront pas modifiées. Lors de son discours de candidature, le nouveau président a annoncé qu'il s'attacherait à faire connaître les effets du vin sur la santé et la joie de vivre.Malgré ces assurances, des inquiétudes demeurent. Des pays membres de l'Office n'ont pas toujours vu d'un bon oeil son attachement à faire connaître les bienfaits du vin. ' C'est une activité qui ne fait pas l'unanimité, admet Georges Dutruc-Rosset, le directeur général. Certains pays sont réservés, voire opposés à la commission nutrition et santé. ' Difficile de savoir lesquels. Il s'agirait de pays d'Europe du Nord, consommateurs de vin, mais producteurs de bière. Ils chercheraient à protéger leurs industriels. Les nouveaux statuts en passe d'être votés démontrent que ces Anglo-Saxons ont su faire entendre leurs voix.