L'apport sur le moût de la bactérie Lactobacillus plantarum permet une dégradation partielle de l'acide malique avant la fermentation alcoolique.
'Lorsque nous avons commencé à faire la fermentation malolactique avant l'alcoolique il y a huit ans, nous sommes un peu passés pour des fous ', lance Jean-Yves Moron. Ce vigneron angevin, en Gaec avec son frère, a commencé à utiliser Lactobacillus plantarum sur des chardonnays en vin de pays du jardin de la France. Le but était de diminuer l'acidité sans obtenir le goût lacté perceptible après les malos traditionnelles. ' Ici, certaines années, nous avons des acidités totales dépassant les 5 g/l avec le chardonnay. Avec le grolleau, vinifié en rosé, c'est du même ordre ', explique Jean-Yves Moron. Les cépages spécifiques du Val de Loire (chenin, grolleau, gros plant) se caractérisent par une acidité totale élevée, qui s'explique par une teneur en acide malique importante. ' Auparavant, nous ne faisions pas la malo sur les blancs et les rosés, mais les vins étaient acides. Les professionnels ont souhaité diminuer cette acidité. '
Lactobacillus plantarum est une bactérie sensible à l'alcool. Elle doit donc être inoculée avant le début de la fermentation alcoolique. Cela explique aussi qu'elle ne dégrade que partiellement l'acide malique, car elle meurt après le commencement de la fermentation alcoolique. Si on l'utilise, il faut limiter au minimum le sulfitage, car elle y est très sensible. Mais cette bactérie a l'avantage de ne pas produire d'acide acétique à partir des sucres. Le levurage doit être réalisé 24 à 48 h après son apport sur moût. Avec peu de SO 2, ce délai imposé pourrait permettre à des levures non désirées de se développer. ' Nous avons toujours réussi à maîtriser cette étape, précise Jean-Yves Moron. Nous travaillons à partir d'une vendange saine, sur un jus clair, et nous sommes bien équipés en froid. C'est nécessaire avec cette technique. La cuvée est refroidie à 8°C et débourbée pendant 24 à 48 h. Ensuite, la température remonte jusqu'à 16-17°C. Nous l'ensemençons alors directement avec la bactérie. ' Celle-ci doit être réhydratée 30 min dans de l'eau non chlorée à 25°C avant d'être inoculée. Pour éviter tout problème d'oxydation, ce vigneron utilise le gaz carbonique produit dans les cuves en fermentation alcoolique pour inerter les cuves de débourbage. ' C'est vrai que nous ne maîtrisons pas la perte d'acide malique, poursuit Jean-Yves Moron. Elle peut être plus ou moins importante. Mais pour rectifier le tir, nous pouvons ensuite assembler la cuve avec une autre cuve qui n'a pas fait sa malo. ' Ce qui a convaincu Jean-Yves Moron d'opter pour cette technique, c'est le profil organoleptique des vins ensemencés en Lactobacillus plantarum. ' Nous obtenons un côté floral, un vin plus expressif et des arômes qui ressortent mieux avec l'acidité plus basse. Nous avons fait des essais de désacidification chimique, mais les rosés sont durs, avec des notes citronnées, et cela aplatit les vins. '
'Avec Lactobacillus plantarum, nous gardons toute la finesse et le fruité. De plus, les vins se font en huit ou dix jours. Ensuite, moins nous les touchons, mieux ils se portent. Ici, nous élaborons des vins à consommation rapide, à boire dans l'année ou dans les deux ans. Cependant, ces vins perdent plus vite leurs arômes, après trois ou quatre ans. ' Le domaine de Gagnebert commercialise en bouteilles, mais aussi en cubitainers et en vrac. Jean-Yves Moron utilise cette bactérie principalement sur ses cuvées en bouteilles destinées à la restauration. Il la réserve aux terroirs donnant les meilleurs résultats aromatiques. Il faut préciser que cette bactérie est assez chère : elle lui est facturée 395 F HT la dose pour 25 hl. Et comme les Lactobacillus plantarum sont anéanties par l'alcool, les bactéries apportées ne peuvent pas être réutiliser dans une cuve pour ensemencer une autre cuve.