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Des marques protégées

La vigne - n°113 - septembre 2000 - page 0

L'utilisation de marques peut prêter à confusion et les actions en justice sont nombreuses. La Cour de cassation complète la jurisprudence en donnant raison à un ' petit ' vigneron.

La marque Château Saint-Georges est déposée et renouvelée, attachée à la production d'un vin de Bordeaux de renommée in- discutable. Ses détenteurs n'ont d'ailleurs jamais hésité à défendre leur notoriété contre les usurpateurs.Le problème est connu : un producteur de vin crée, par le nom patronymique ou par le lieu, une appellation pour son produit et en dépose la marque. Le renom et le succès commercial de cette marque sont tels que va naître à son encontre un phénomène de parasitisme, destiné à détourner la clientèle en créant une confusion entre la marque connue et la nouvelle. Par le nombre de contestations judiciaires, l'appellation Château Latour en est un exemple patent. On remarque du reste l'abondance de ces contestations entre les producteurs bordelais, à telle enseigne que l'essentiel des principes dégagés émane de la cour d'appel de Bordeaux. Dans le litige étudié ici, qui aboutira à un arrêt de la Cour de cassation, la situation d'origine sera différente : un vigneron des Pyrénées-Orientales commercialise son vin sous le terme ' Clos Saint-Georges ', vin de pays catalan, ' Clos Saint-Georges ' étant le nom de son domaine. Un propriétaire bordelais, utilisateur de la marque Château Saint-Georges, assigne ce producteur en contrefaçon de marques et radiation de la marque Saint-Georges. La procédure va se dérouler dans le cadre des articles 716 et suivants du code de la propriété industrielle. Les titulaires de marques constituées par un nom de cru peuvent s'opposer à l'enregistrement d'un nom de cru identique, surtout à l'encontre de déposants n'ayant aucun droit cadastral ou familial sur ce nom. Or, il est courant d'utiliser comme marque de vin récolté, le nom de la propriété qui le produit, la marque se confondant avec le lieu de production (cour d'appel de Bordeaux, 23/05/60, JCP 60-11 819). Aussi Château Saint-Georges affirme son droit à la marque. Le problème est de savoir si la marque Clos Saint-Georges pour des vins produits dans un autre terroir viticole est de nature à porter ombrage à Château Saint-Georges. Certes, celui que l'on accuse de parasitisme n'a pas employé ' Château Saint-Georges '. Ce qu'on lui reproche, c'est une marque complexe comportant les termes ' clos ' et ' Saint-Georges '. Le demandeur fait valoir que la présence ou non du terme ' château ' n'est pas déterminant car répandu, mais le mot ' Saint-Georges ' est lui essentiel dans l'identification. Il fait remarquer que dans ses propres appellations, le terme ' Saint-Georges ' était fondamental pour la clientèle et, par suite, constituait l'élément distinctif de sa marque, le tout dans le domaine d'application des articles 711-1 et 713-6 du code de la propriété industrielle. Il ajoutait que l'adjonction du mot ' clos ' ne pouvait constituer un élément suffisamment distinctif par rapport à la marque Château Saint-Georges. Le tribunal (Perpignan, 10/11/94) et la cour d'appel (Montpellier, 9/07/97) rejetteront la demande du propriétaire de Château Saint-Georges. La Cour de cassation, saisie d'un pourvoi, le rejettera avec des motifs ayant valeur d'enseignement : le toponyme Saint- Georges, autrement dit le mot ' Saint-Georges ', nom de la propriété, est utilisé dans de nombreuses communes et lieux-dits, notamment dans des appellations comme Saint-Georges, Saint-Emilion et Nuits-Saint-Georges. Il n'a donc pas pu devenir distinctif par l'usage immémorial qu'aurait pu en avoir le demandeur pour désigner un vin particulier. Le vocable n'est pas assez distinctif par lui seul pour bénéficier de la protection de la marque. La Cour de cassation relèvera en outre que la marque Château Saint-Georges forme un tout indivisible ne pouvant bénéficier que d'une protection d'ensemble. Il n'y a pas eu contrefaçon, ni par reproduction, ni par imitation de la marque. Aucune confusion n'était possible. Seule l'utilisation de la marque complète aurait pu justifier l'opposition.Il n'est pas dit dans l'arrêt, mais il est concevable que dans l'esprit des juges, une notion de bon sens ait joué : la plupart des querelles de ce genre se jouent entre des producteurs d'une même région. Ici, les lieux de production étaient séparés par des centaines de kilomètres et les vins produits étaient totalement différents. Référence : Cour de cassation, 18 avril 2000, Château Saint-Georges, pourvoi n° M97-19-212.

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