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Protéines végétales : débuts prometteurs

La vigne - n°114 - octobre 2000 - page 0

Pour trouver des substituts aux colles d'origine animale, pas très bien vues depuis l'affaire de la vache folle, plusieurs fabricants se penchent sur les protéines végétales. Les premiers tests s'avèrent très prometteurs.

L'affaire de la vache folle a eu des résonances jusque dans notre filière. L'usage de l'albumine de sang est interdit depuis 1997, et les gélatines d'origine bovine ne sont plus guère utilisées. Aujourd'hui, avec l'aide des chercheurs, certains vendeurs de produits oenologiques, comme Martine Vialatte et l'Institut oenologique de Champagne, se penchent sur l'intérêt des protéines d'origine végétale dans le collage, afin de se protéger d'une nouvelle affaire de ce type. Le premier a travaillé avec l'Inra de Montpellier, le second mène des essais avec le laboratoire oenologique de l'université de Reims.Les protéines végétales sont largement utilisées en agroalimentaire dans les biscuits, les pâtisseries, la charcuterie, les surgelés, la confiserie, les produits laitiers... Les chercheurs ont testé tous azimuts les produits existants, afin d'évaluer leur intérêt dans la clarification des moûts et des vins. Les premiers résultats sont plutôt encourageants. Martin Vialatte travaille sur ce sujet depuis 1997. ' On a testé une centaine de protéines ', explique Sandrine Lefebvre. Aujourd'hui, huit protéines restent en lice et seront expérimentées en grand volume. Elles sont extraites du pois, du blé et du lupin. ' Plusieurs seront retenues. En fonction des vins, on utilisera l'une ou l'autre, dit Christophe Gerland, chez Martin Vialatte. Il faudra, comme aujourd'hui, mettre en place des tests de collages. Ces produits s'utilisent comme les colles actuelles, à des doses équivalentes. ' Dans cette société, les premiers essais ont été menés sur des vins rouges tanniques. Ils ont fait suite à des tests sur les gélatines, qui ont confirmé que les plus hydrolysées permettaient de précipiter les tannins de haut poids moléculaire. Comparées à une gélatine apportant les meilleurs résultats sur ce type de vin, les protéines végétales, ajoutées à des doses de 20 g/hl, ont pu précipiter les tannins fortement polymérisés. ' Les protéines testées enlèvent les tannins de même poids moléculaire que ceux précipités par la gélatine de référence, mais en quantité un peu plus faible ', précise Christophe Gerland. Elles permettent en général un meilleur tassement des lies, donc une perte de vins moins grande. De plus, ces protéines diminuent l'intensité tannique totale des vins ; elles atténuent les sensations de sécheresse et les notes herbacées, tout en améliorant la rondeur des tannins. Pour certains paramètres, comme la turbidité ou la rondeur, certaines colles végétales se sont même montrées plus performantes que la gélatine de référence. D'une façon générale, ces protéines ne modifient pas l'intensité colorante et la teinte des vins. D'autres essais menés sur un rouge du Beaujolais confirment ces premiers résultats, avec une efficacité clarifiante comparable à la gélatine choisie, tout en permettant d'obtenir une hauteur de lies inférieure.Les travaux menés à l'université de Reims corroborent ces premières conclusions. ' Les protéines végétales donnent de très bons résultats, notamment sur les rouges, avec des doses inférieures à celles utilisées pour la gélatine. Les protéines de lupin donnent de très bons résultats sur ces vins, rapporte Richard Marchal, du laboratoire d'oenologie. Les performances sont un peu moins bonnes sur les vins blancs, pour lesquels il faut augmenter les doses. ' Ce chercheur a d'abord travaillé sur les protéines issues du blé, le gluten, mais il s'intéresse aussi au lupin, au pois, à la luzerne et au maïs. ' Les résultats avec le soja sont très intéressants, mais il est difficile d'obtenir la garantie que les protéines ne viennent pas d'organisme génétiquement modifié. On a donc préféré laissé cette piste de côté ', poursuit Richard Marchal. Rien ne sert d'échapper à la vache folle pour tomber dans les OGM !Les sociétés qui travaillent actuellement sur les protéines végétales insistent sur les origines sûres de leurs produits. ' En fait, il y a trois végétaux à risque, explique Sandrine Lefebvre : le maïs, le soja et le colza. ' Des essais de collage sur moûts ont été menés par les deux groupes en concurrence sur ce sujet. Certaines protéines, utilisées par Martin Vialatte à 30 g/hl avec du gel de silice, apparaissent intéressantes. A l'université de Reims, Richard Marchal note que l'efficacité des glutens étudiés dépend de leur degré d'hydrolyse, mais aussi largement de la dose mise en oeuvre. Elle augmente entre 10 et 40 g/hl. Il remarque également que l'effet adjuvant n'est pas net, il est même parfois négatif. Sur les vins blancs, les résultats demeurent intéressants. Cependant, d'après les essais de Martin Vialatte, les performances des colles protéiques peuvent être améliorées en utilisant du gel de silice ou des tannins de châtaigner. Avec les glutens testés par l'université de Reims, là encore, l'effet adjuvant n'est pas toujours évident. Martin Vialatte a également travaillé sur l'usage des protéines végétales lors d'une clarification par flottation, une piste digne d'intérêt. La prochaine étape consiste à étendre les essais à différents type de vins et à travailler sur de grands volumes. Ce sera chose faite au cours de la prochaine campagne. Si ces protéines confirment leurs performances, il faudra aussi convaincre Bruxelles qu'elles ne laissent pas de résidus dans les vins, et que les risques allergiques sont donc minimes. Les fabricants, échaudés par l'histoire du lyzozyme, tentent d'assurer leurs arrières. Chez Martin Vialatte, les chercheurs ont dosé la quantité de protéines restantes sur vin fini, après filtration pour les vins rouges, ou après soutirage suivant trois jours de collage pour les vins blancs. Les dosages d'azote total montrent qu'il n'y a pas d'enrichissement significatif en protéines. ' On a la chance d'avoir sur place une animalerie, explique Richard Marchal. On a fait fabriquer aux animaux des anticorps correspondant au gluten utilisé pour le collage, et on s'en est servi pour détecter les éventuels résidus dans les vins. Il reste moins de 0,1 mg/l de gluten. Les aliments étiquetés gluten free contiennent moins de 1 % de gluten. On est largement dans les clous. ' Les essais vont donc se poursuivre pour tenter de confirmer ces premiers résultats. De leurs côtés, les fournisseurs tentent d'améliorer les produits pour qu'ils soient mieux adaptés à l'oenologie. Mais ces colles ne devraient pas arriver sur le marché avant 2002 ou 2003, dans le meilleur des cas.

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