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Devant chaque cep, Raphaël Garrido réfléchit à la taille d'hiver

La vigne - n°114 - octobre 2000 - page 0

Au moment de la taille, se décide le potentiel de récolte de l'année à venir et se dessine l'évolution future d'un cep. Il faut savoir choisir ses bois et compter leurs yeux.

Pour Raphaël Garrido, la taille est une affaire de formation : celle des ceps, mais aussi celle des hommes. Il déplore que les jeunes n'en connaissent que la théorie, apprise dans des écoles qui les encouragent à viser, dès leur sortie, des postes à responsabilité. Elles feraient mieux de leur inculquer la modestie de reconnaître qu'il leur reste à acquérir toute la pratique de leur métier. Car la taille doit satisfaire deux exigences. L'une impose une règle simple. L'autre suppose de comprendre la vigne d'un oeil averti par une longue expérience. ' Il faut chercher à faire la vendange de l'année et faire en sorte que le pied reste le plus bas possible ', résume Raphaël Garrido.
Ces deux objectifs guident son travail. Pour obtenir le rendement, il ne conserve, en principe, que six yeux par souche en comptant celui inséré à la base des sarments. Il en laisse quatre sur la baguette et deux sur le cot, nom que l'on donne à Saint-Emilion au courson de rappel. Les vignes sont conduites en guyot simple et plantées à une densité à l'hectare de 5 500 pieds. ' Six boutons, cela vous donnera douze grappes, calcule Raphaël Garrido. Et douze grappes, c'est déjà de trop. Six à huit, c'est ce qu'il nous faut pour obtenir la qualité. '

Notre tailleur n'a pas toujours été aussi sévère. ' J'ai été élevé à la vieille école du rendement ', explique-t-il. Il change son fusil d'épaule en arrivant au château Faurie de Souchard. ' Ici, l'objectif c'est la qualité. On fait tout pour cela. Avant, la taille à Saint-Emilion, c'était une latte avec six à sept boutons, plus un cot. Mais la chambre et les écoles d'agriculture ont vu que cela faisait de trop et qu'il fallait supprimer un bouton sur deux. ' Il a découvert ce principe avec l'Asavpa (Association des salariés de l'agriculture pour la vulgarisation du progrès agricole) de Gironde, très active sur le front de la formation des tailleurs.
Quelques pieds présentent malgré tout un second cot. Ils sont trop élancés. Raphaël Garrido va les rabattre. Avant lui, sa femme Thérèse avait vu qu'il était temps de le faire. Lors de l'épamprage, c'est elle qui a conservé le sarment bas que son mari a taillé en courson. ' La taille et l'épamprage sont mariés ', remarque Raphaël pour souligner que ces travaux sont aussi liés que leurs auteurs.
Lorsqu'il taille, Raphaël Garrido réfléchit aux conséquences de ses actes pour la saison à venir, mais aussi pour la suivante. Il se représente les sarments qui vont surgir des yeux qu'il prévoit de garder. Il imagine leur vigueur et leur orientation. Il en déduit la taille qu'il devra donner l'hiver d'après. Et il sait s'il pourra maintenir le cep à bonne hauteur, ouvert, sans enchevêtrement et dans l'alignement du rang. Il sait s'il a pris la bonne option ou s'il doit retenir une autre latte et un autre cot. Tout cela en un instant. Il taille 700 à 800 pieds en une journée de huit heures. Il ne tire pas les bois. Avant même d'avoir terminé un cep, il jette déjà un coup d'oeil au suivant pour voir ce qu'il faudra y faire. ' Cela se fait tout seul ', ajoute-t-il à son interlocuteur, étonné qu'il puisse ainsi détourner son regard d'un outil tranchant.

Le sécateur manuel a sa préférence en raison de sa maniabilité. Il l'utilise dans toutes les parcelles de merlot qui couvrent 65 % des 11 ha du château. En revanche, dans les cabernets sauvignons et francs, aux bois durs, il prend un sécateur électrique. S'il ne l'a pas entièrement adopté, c'est par crainte de se couper, accident auquel sa manière d'anticiper l'expose. C'est aussi parce qu'il ne souffre d'aucune tendinite, ni de douleur musculaire bien qu'il taille depuis l'âge de quatorze ans. Aujourd'hui, il a quarante-huit ans et se dit toujours prêt à progresser. Il participe régulièrement à des concours où il brille par son classement ; il se perfectionne aussi en observant le travail de ses concurrents et en discutant avec eux de leurs options. ' On est obligé d'avancer, de faire au mieux. On ne peut pas attendre que d'autres pays présentent des vins meilleurs que les nôtres ', remarque-t-il.





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