Massimo Giudici est maître tailleur. Il gère la filiale française de Simonit & Sirch, une société italienne fondée il y a quinze ans par Marco Simonit et Pierpaolo Sirch. S'appuyant sur leurs observations et sur la taille Guyot Poussard, ces derniers, tout à la fois amis et associés, ont développé leur propre méthode visant à respecter les ceps pour prévenir les maladies du bois.
Marco Simonit la décrit longuement dans le Guide pratique de la taille Guyot, ouvrage qu'il a rédigé en collaboration avec Massimo Giudici. Très illustré, ce guide détaille les règles garantes de la pérennité des ceps. Massimo Giudici nous les révèle.
Quels sont les principes d'une taille respectueuse de la plante ?
M. G. : Il y a quatre règles à respecter. La première est la ramification. Il faut former des bras de part et d'autre du cep en oubliant les grosses coupes concentrées au même endroit. Il faut que le cep occupe l'espace. La deuxième, c'est de tailler dans la continuité du flux de sève. La troisième, c'est de couper les bois en respectant les bourgeons de la couronne. On ne doit pas faire de coupes rases. Pour finir, il faut laisser un chicot, c'est-à-dire une zone de desséchement afin que la dessiccation du bois se fasse à l'extérieur du pied et non dans le trajet de sève. Ces principes peuvent être appliqués à tous les modes de taille.
Quels sont les principaux défauts que vous observez sur le terrain ?
M. G. : Sur les ceps taillés en guyot, les vignerons font de grosses coupes de retour pour que le pied reste centré dans la même position. Ils ont peur de le ramifier, de le laisser s'élargir. Ils l'empêchent de s'allonger en opérant de grosses coupes rases qui ne respectent pas les bourgeons de la couronne et qui sont concentrées dans la même position. Résultat : l'intérieur du cep présente beaucoup de bois sec et peu de bois vivant alors que cela devrait être l'inverse.
En lisant l'ouvrage, on se rend compte qu'il faut souvent faire preuve de patience... ?
M. G. : Oui, effectivement. On ne peut pas toujours avoir des bois bien positionnés. S'il y a un défaut, il ne faut pas s'inquiéter. Dès lors qu'on respecte les quatre règles de base, il suffit d'attendre une année pour avoir un bois bien placé sur le trajet de sève. Démonstration avec la figure n° 1 : à droite, le rameau A est bien placé sur le trajet de sève. On peut donc le tailler en courson. Mais à gauche, il manque un rameau externe sur le courson. Dans ce cas, on utilise le rameau B pour former une baguette fructifère. Celle-ci va alors servir de tire-sève. Au printemps, des pousses vont sortir sous le trajet de sève. Lors de l'épamprage, il suffit de garder la plus externe (pousse C). L'année suivante, elle donnera le courson qui sera alors placé dans la continuité du trajet de sève.
En suivant vos principes, ne risque-t-on pas de trop ouvrir le cep et d'avoir des fenêtres ?
M. G. : En effet. Au bout de vingt-cinq à trente ans, les pieds peuvent s'ouvrir. Mais il existe des solutions pour récupérer l'espace perdu.
Lesquelles ?
M. G. : On plie d'abord la baguette en sens inverse pour couvrir le pied (voir figure 2). Puis on applique la technique dite « du rajeunissement correct du canal ». La baguette sert de tire-sève. Au printemps, on garde un pampre qui s'est formé sous le trajet de sève sur le bras qui supporte la baguette. L'hiver suivant, ce pampre sert à former un courson, et on attend que le vieux bois se dessèche complètement avant de le couper.
Comment faire pour que les pampres sortent là où on le souhaite sur du bois âgé ?
M. G. : Si l'on a bien respecté les grands principes, les bourgeons de la couronne sont devenus latents. La présence d'un tire-sève va favoriser leur développement à condition que le pied ne soit pas trop chargé. Il faut donc laisser moins de bourgeons sur la baguette. Si habituellement on en laisse huit, il faudra alors n'en laisser que trois ou quatre.
La taille et l'épamprage sont donc liés. Cela signifie-t-il que ce sont les mêmes personnes qui doivent effectuer ces deux tâches ?
M. G. : La logique voudrait que oui. Mais en pratique, ce n'est pas le cas. Il faut donc également former les personnes qui épamprent. Cela se passe alors très bien.
Tailler selon vos principes demande de la réflexion. Est-ce que cela ralentit le débit de chantier ?
M. G. : Les gens sont habitués à tailler de manière « mécanique ». Notre méthode les oblige à revoir les ceps avec leurs yeux et non avec le sécateur. Au départ, effectivement, ils passent plus de temps à réfléchir à ce qu'ils vont faire. Mais au bout d'une à deux semaines, ils retrouvent le même rythme. Nous avons travaillé avec des domaines qui emploient des tâcherons, et il n'y a pas eu de problème. Au niveau économique, ils n'ont rien perdu.
Dans nombre de châteaux, nous commençons aussi à former des femmes. Elles se rendent compte qu'avec notre méthode, la taille est moins pénible car la scie devient inutile.
Avez-vous des données qui confirment l'impact de votre méthode sur la diminution des maladies du bois ?
M. G. : Deux domaines dans lesquels nous travaillons depuis dix ans dans le nord de l'Italie (l'un dans le Frioul et l'autre en Lombardie) nous ont communiqué quelques chiffres. Après six ans de changement de mode de taille, ils sont passés de 4,3 % de pieds présentant des symptômes de maladies du bois sur du sauvignon et du chardonnay à 1,9 %. En France, où nous intervenons depuis seulement quatre ans, il est encore trop tôt pour voir un impact sur les maladies du bois. En revanche, il y a une nette différence sur le débourrement qui est beaucoup plus homogène. Les grappes sont plus étalées sur le plan de palissage. L'état sanitaire est donc meilleur.
Tout savoir sur la taille Guyot
« Touche le pied et suit la sève ! » Tel est le slogan de Marco Simonit, coauteur du Guide pratique de la taille Guyot - Prévenir les maladies du bois, avec Massimo Giudici et d'autres collègues. Il s'agit d'un guide facile à lire, abondamment illustré de schémas explicatifs qui détaille tous les principes de la taille respectueuse des flux de sève. Il précise aussi les bons gestes à effectuer pour former, tailler puis rajeunir les ceps. Il vient de paraître aux éditions France Agricole au prix de 45 euros.