A la suite des coteaux de l'Aubance et du Layon chaume, toutes les appellations de liquoreux d'Anjou ont intégré la RMN dans les analyses d'agrément. Des échantillons suspects y sont soumis. Des vins ont fini à la chaudière.
'Lorsque le scandale des vins autrichiens frelatés aux antigels a éclaté, en 1985, j'étais en Australie, se souvient Christophe Daviau, du domaine de Bablut, à Brissac-Quincé (Maine-et-Loire). Il a entraîné une chute des ventes de vins australiens en Asie car les gens confondaient Australia (Australie) avec Austria (Autriche). ' De cette expérience, il a tiré une leçon. ' Il faut faire la police chez soi avant que les vins soient agréés et portent le nom de notre appellation ', souligne-t-il. Il a convaincu ses confrères d'appliquer ce principe aux coteaux de l'Aubance, appellation de liquoreux dont il est le président depuis 1995.Début 1999, lors de l'assemblée générale de son syndicat, Christophe Daviau propose d'introduire la RMN (résonance magnétique nucléaire) dans la liste des analyses préalables à l'agrément. Deux échantillons y seront soumis : l'un de ceux qui présentent le degré alcoolique total (acquis plus probable) le plus élevé et l'un de ceux dont l'acidité volatile est basse au regard de son degré alcoolique total. Les deux peuvent être suspectés de surchaptalisation. Si les soupçons se confirment, ils méritent d'être recalés afin que l'appellation soit protégée de tout risque de scandale. Le projet est accepté au premier tour et à l'unanimité. Quelques semaines plus tard, Claude Branchereau, du domaine des Forges, à Saint-Aubin-de-Luigné (Maine-et-Loire), fait la même proposition à ses collègues de l'appellation coteaux du Layon chaume. Il la soumet avec plus d'appréhension que Christophe Daviau. ' En ce temps-là, j'en avais ras le bol de mes fonctions de président, explique-t-il. Je me suis dit : là, ils vont me mettre à la porte. J'ai présenté la RMN en premier, en disant : 'si ça ne passe pas, j'arrête'. ' Cette stratégie avait été décidé lors d'une réunion préalable du bureau du syndicat, unanime pour soutenir son président. Et le couperet n'est pas tombé. Par dix-neuf voix contre cinq, les vignerons des coteaux du Layon chaume ont accepté que deux des échantillons proposés à l'agrément soient soumis au dépistage de la surchaptalisation. ' J'ai été très surpris du vote. C'était fabuleux ', s'enthousiasme Claude Branchereau. C'était un nouveau pas de franchi dans le programme de relèvement du niveau de l'appellation. Il avait été précédé par l'interdiction, à partir de 1994, de la machine à vendanger. Il s'accompagne d'une demande de classement en cru. Dans les deux appellations, quatre échantillons du millésime 1999 ont été analysés. Trois se sont révélés positifs. Les deux présidents n'aiment pas s'attarder sur les conséquences de ces découvertes. Elles se sont soldées par la distillation des vins concernés. L'Inao d'Angers a adressé à leurs propriétaires un courrier leur indiquant les résultats de l'analyse. L'Institut précisait qu'il refusait d'agréer leurs vins. Comme ils avaient été chaptalisés, ils ne pouvaient pas non plus être déclassés en vins de table. La chaudière était leur seule issue. Christophe Daviau et Claude Branchereau l'ont expliqué aux vignerons concernés qui ont accepté la sentence. Ni les fraudes, ni les douanes n'ont été informés de ces affaires. L'année précédente, la RMN avait déjà été appliquée à un coteau de Saumur. Lors du premier examen d'agrément, le jury l'avait refusée jugeant qu'il manquait de matière. Le syndicat voulut en avoir le coeur net. L'analyse a confirmé ses soupçons. Informé de ces résultats, le producteur concerné a renoncé a représenter sa cuvée. ' Nous y sommes allés au bluff, car le cadre juridique n'était pas bouclé ', reconnaît Pascal Cellier, chef de centre de l'Inao d'Angers qui avait accompagné le président de l'appellation lors de sa visite chez le producteur. Depuis, ces aspects juridiques ont été précisés. En 1999, les syndicats des coteaux du Layon chaume et des coteaux de l'Aubance ont inscrit l'analyse de l'enrichissement dans leur règlement intérieur de l'examen d'agrément. Cette année, toutes les autres appellations de liquoreux d'Anjou (Anjou coteaux de la Loire, Bonnezeaux, coteaux du Layon et Quart de Chaume) leur ont emboîté le pas. L'organisme agréé (l'association des syndicats viticoles de l'Anjou) paie les frais d'analyse. Il lui en coûte près de 3 000 F HT pour chaque recherche de chaptalisation. ' Nos collègues se sont dit qu'ils ne pouvaient pas en rester là, constate Claude Branchereau. Tout cela crée une émulation. Tous les viticulteurs constatent qu'ils peuvent faire de très beaux produits. ' Pour autant, il n'est pas question d'interdire la chaptalisation. ' Il faut la garder pour les mauvais millésimes. Mais on ne peut pas tolérer d'excès. On avait des caves entières à 21 % vol. On ne pouvait pas continuer de fermer les yeux là-dessus. ' La RMN, tant combattue par la profession au prétexte qu'elle n'était pas opérationnelle, a donc fini par faire la preuve du contraire. D'une menace brandie par les services de contrôle, elle est devenue, pour quelques syndicats, le moyen de démontrer que leurs liquoreux ne doivent leur richesse en sucres qu'à celle de leurs raisins. Elle restera peut-être dans les annales de la viticulture angevine comme l'aiguillon qui a accéléré un redressement entamé au début des années quatre-vingt. Avant de l'adopter, les syndicats avaient mis en place des commissions de contrôle de la taille et des rendements, interdit la machine à vendanger, relevé le degré minimum des vendanges et rallongé la durée de l'élevage des vins. Le contrôle de l'enrichissement n'est qu'un pas supplémentaire dans cette quête d'une concentration naturelle des sucres.