Après quatre ans de forte croissance en valeur, les exportations stagnent en 2000. Le bilan en volume n'est pas bon. C'est la fin d'une époque, la fédération des exportateurs tire la sonnette d'alarme.
L'ambiance était moins sereine que les années passées dans les locaux parisiens de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), fin février, lors de la présentation des résultats 2000. Le président Bertrand Devillard, négociant en bourgogne, n'avait pas que des bonnes nouvelles à annoncer. Si, en chiffre d'affaires, c'est le statu quo pour 1999, en volumes, les vins sont en recul sérieux. Plus grave, les bonnes parités monétaires cachent des défaillances plus profondes.En valeur, les exportations françaises de vins et spiritueux ont atteint 49 milliards de francs, soit - 0,4 % sur 1999. C'est le premier résultat négatif depuis 1993. Mais le président veut rester positif : ' Nous consolidons notre progression record de l'année dernière (+ 8 % en 1999 par rapport à 1998). Nos résultats sont au-delà de ce que nous avions envisagé. ' Si ce chiffre équivaut à 100 Airbus ou à 400 rames de TGV duplex, il est surtout bien orienté, ' car les parités monétaires ont été très favorables à l'euro en 2000 '. Que ce soit par rapport au dollar ou au yen. En valeur, ce sont les spiritueux qui sauvent la mise en 2000 (13 milliards de francs, à + 14,8 %), essentiellement grâce à un bon redressement du cognac (+ 14,6 %) et à un frémissement de l'armagnac (+ 1,5 %). Alors que les vins fléchissent (35,4 milliards, soit - 5,1 %) entraînés par le champagne (- 15,3 %). ' C'est le contrecoup de l'effet an 2000, explique un responsable champenois, nous revenons aux niveaux plus sages de 1998. On a surexpédié en 1999, car il y avait des rumeurs de pénurie. En 2000, les circuits de distribution ont destocké et la consommation reste stable. L'année 2001 sera encore assez difficile. ' Malgré ces revers, le champagne reste le fleuron des exportations de vin (10,2 milliards de francs) devant le bordeaux (8 milliards) et le bourgogne (3,5 milliards). Le cognac s'intercale à 8,2 milliards. A titre de comparaison, les vins de table sont à 2,8 milliards et les vins de pays sont au même niveau. Concernant les destinations, et toujours en valeur pour l'ensemble des vins et des spiritueux, le tiercé de tête demeure les Etats-Unis, la Royaume-Uni et l'Allemagne. Pour les seuls spiritueux, il est composé des Etats-Unis (+ 24,6 % sur 1999), du Japon (+ 7,5 %) et du Royaume-uni (- 7,7 %). Si le cognac se redresse grâce aux Etats-Unis, on note de belles performances en Asie, ce qui n'était plus le cas depuis deux ans. Redressement économique et mesures fiscales, notamment à Taiwan, en sont les raisons, ainsi qu'un réajustement des prix au départ de la région. Il faut noter que, malgré une belle progression, le marché chinois, avec 27 millions de francs, demeure modeste et que des marchés comme la Russie et l'Ukraine deviennent significatifs. Sur le front des vins, c'est beaucoup moins satisfaisant. Le tiercé de tête, Royaume-Uni, Etats-Unis, Allemagne, fléchit avec respectivement - 16,1 %, + 3,8 % et - 11,1 %. ' La plupart des marchés européens, à l'instar de la tendance observée sur le marché britannique, connaissent une baisse d'intérêt pour les vins français, dans un marché très séduit par les vins du Nouveau monde, plus simples à appréhender par le consommateur et servis par un marketing extrêmement puissant ', explique-t-on. A noter que, sur le front des vins, l'Asie et le Japon (+ 7,6 %) enregistrent une reprise intéressante. ' L'analyse, en terme de volume, indique que nous devons repenser complètement l'offre française, indique-t-on à la FEVS. Nous perdons des volumes alors que la consommation dans le monde progresse. ' L'analyse des chiffres est, en effet, implacable. Avec 14,6 millions d'hl exportés en 2000, nous sommes à - 7,5 % sur 1999. C'est le moins bon résultat depuis le début de la ' belle époque ', en 1996. Le champagne est à - 23,2 %, les autres effervescents à - 25,8 %, l'ensemble des appellations tranquilles à - 2,4 %, les vins de table et de pays à - 8,8 %. ' On note une atonie de l'offre française sur un marché mondial qui reste porteur. La concurrence est très vive. ' Si on rentre dans le détail par vignoble, le val-de-loire, les côtes-de-provence et le languedoc-roussillon sont à la peine, avec respectivement - 11,1 %, - 13,8 % et - 4,2 %; alsace, bordeaux et bourgogne-beaujolais sont stables; les côtes-du-rhône et le bergerac progressent à + 5,7 % et + 25,7 %. Au niveau des marchés, l'Allemagne demeure le premier débouché pour nos vins, avec 3 millions d'hl, mais en recul de 12 %, le Royaume-Uni est à 2,8 millions d'hl et - 13,3 %, la Belgique à 1,7 million d'hl et - 5,4 %. Sur nos dix principaux marchés, seuls trois progressent en volume en 2000 : les Etats-Unis, le Danemark et le Canada.' Ce qui a fait notre succès d'hier n'assurera pas notre avenir. ' Après la présentation des chiffres, le président Devillard a exposé un plan d'attaque pour redresser à terme la situation. ' Nous délivrons clairement un message d'alerte. Quelque part, les raisons du succès se retournent contre nous. Le modèle global de l'offre française doit être revu. ' Alors que la consommation mondiale a cru de 3 % entre 1998 et 2000, les exportations françaises de vin ont perdu 1,2 million d'hl, soit - 7,9 %. Un effet ciseau inquiétant. Et le président d'égrainer, du point de vue du négoce, tous les handicaps de l'offre française : dispersion et complexité (trop nombreuses appellations), contraintes de production (plantations contingentées...), des entreprises trop tournées vers l'amont, des opérateurs trop nombreux et de taille critique insuffisante, trop peu de moyens de communication. ' Il faut assouplir notre système, la France n'est pas dans la dynamique mondiale de plantation et d'initiative des pays du Nouveau monde. Aujourd'hui, deux mondes sont en confrontation et nous ne travaillons pas avec les mêmes règles du jeu. Notre secteur ne peut pas bouger et il se déconnecte d'un environnement mondial qui évolue. ' Un leitmotiv tout à fait fondé, que nous entendons depuis des années mais que la ' belle époque ' que nous venons de connaître nous avait fait perdre de vue. Aujourd'hui, toutes les questions de fonds non réglées remontent à la surface. ' Si nous n'agissons pas, dans quatre à cinq ans, il y a aura des drames ' , indique un négociant bordelais qui rajoute ' que sur le marché anglais par exemple, ce ne sont pas les prix qui sont en cause puisque l'Australie progresse avec des prix moyens à la bouteille plus élevés que les nôtres. ' La principale nouveauté dans les propositions avancées par le négoce est dans ' la nécessité d'ouvrir une porte de sortie aux appellations génériques en concurrence frontale avec les produits du nouveau monde '. En clair, leur permettre une réglementation plus souple (copeaux, rendements...), seuls les ' grands vins ' conservant les règles actuelles jugées plus élitistes.Qu'est-ce alors qu'un grand vin ? Des pourcentages sont lâchés : à Bordeaux et en Bourgogne, la moitié des volumes en sont, les deux tiers en Champagne. Le débat est désormais inévitable et le chantier est immense.