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Repartir après le feu

La vigne - n°119 - mars 2001 - page 0

Après avoir connu deux incendies sur son exploitation viticole, Luc Cartier recompose le paysage qui faisait la beauté et l'image de marque des lieux.

'Cela fait mal au coeur de savoir que nous ne verrons plus jamais l'environnement de l'exploitation tel que nous l'avons toujours connu ', regrette Luc Cartier, vigneron à Mouriès (Bouches-du-Rhône) en AOC Les Baux-de-Provence et coteaux d'Aix-en-Provence. Le 22 juillet 1999, le vignoble du mas de Gourgonnier, situé sur le versant sud des Alpilles, est encerclé par le feu. ' L'incendie a débuté dans la commune voisine des Baux-de-Provence et s'est propagé chez nous sur un front de plusieurs kilomètres. Le mistral en a accentué la gravité. 'Les 40 ha de bois entourant le mas partent en fumée avec les 2 ha de vignes et 1 ha d'oliviers. Seule une bande de verdure encadrant l'habitation principale et les bâtiments de cave reste indemne. Ironie du sort, elle le doit à un incendie survenu au mois de juillet de l'année précédente, qui avait ravagé un massif situé au-dessus de l'exploitation. ' Dans notre région marquée par la sécheresse, les incendies constituent en été un risque majeur pour les exploitations viticoles implantées à proximité d'espaces boisés ', argumente le propriétaire des lieux. Pour se prémunir, Luc Cartier effectuait, chaque année, des travaux de débroussaillage des zones boisées et arborées où poussent surtout des pins d'Alep et des chênes verts. Au lendemain de l'incendie, il se lance rapidement dans une opération de nettoyage des bois. ' Il fallait enlever cette image de désolation et garder les espèces pouvant être sauvées : buis, genévrier, chêne. Dans cette affaire, les dégâts moraux sont souvent plus importants que les pertes matérielles. ' L'exploitation tire une large partie de son activité de la vente au caveau et a forgé une partie de son image de marque sur cet environnement majestueux. Au-delà, la présence des bois offrait à la vigne un microclimat et une protection naturelle contre le mistral. Les broussailles, les haies, la végétation régulièrement entretenues par le vigneron servaient, en outre, de refuges aux insectes et aux oiseaux, une faune intéressante pour l'exploitation cultivée en agriculture biologique. Fort heureusement, la nature a déjà repris le dessus. Dans le secteur incendié, des repousses de pins, de chênes, de thym et de romarin se font jour. Une nouvelle tâche attend Luc Cartier : sélectionner ces espèces pour reconstituer l'environnement de son vignoble ainsi que mettre en place des coupures naturelles pour limiter la propagation du feu et rendre l'endroit plus accessible en cas d'incendie. La parcelle de vignes détruite va être replantée et 1,5 ha situé dans la zone boisée incendiée a été récupéré pour être prochainement mis en culture. Dans le même temps, l'exploitant s'est porté acquéreur d'un vignoble voisin de 3,5 ha également rattaché à l'aire d'AOC Les Baux-de-Provence. ' La demande se développe, d'où cette volonté d'extension, précise Luc Cartier. De plus, ce rachat contribue à faire fructifier le patrimoine familial. Car mes enfants et ceux de mon frère, avec lequel j'exploite la propriété, seront amenés à reprendre le flambeau. 'Dans la région proche, la situation est curieusement atypique. ' Nous sommes les seuls vignerons issus d'une lignée d'agriculteurs. ' La majorité des domaines de l'appellation passent, peu à peu, aux mains d'investisseurs extérieurs. Les Baux-de-Provence et les autres communes de l'appellation se trouvent à quelques encablures de la courtisée ville de Saint-Rémy de Provence... La pression immobilière entraîne un surenchérissement du foncier et des droits de succession. Dans ces conditions, la préparation d'une succession devient un enjeu fondamental. ' Mon père s'était effectivement préparé à cette échéance, se souvient Luc Cartier. Le mas de Gourgonnier est dans notre famille depuis le XVIII e siècle. ' La vocation viticole de ce lieu autrefois quasi désertique s'est opérée dans les années cinquante. En l'espace de trente ans, le vignoble est passé de 5 ha de raisins de table à 50 ha de raisins de cuve. Le mouvement de plantation a nécessité un agrandissement de la cave en 1996. Un bâtiment de 600 m² a été construit. Il abrite un caveau de vente et une salle de stockage des bouteilles et des emballages. ' Nous proposons des vins de un à dix ans qui ont été conservés dans de bonnes conditions. Nous avons conçu et aménagé le caveau dans l'esprit provençal car il génère un fort impact sur nos ventes grâce au tourisme local. ' En plus de ses vins et de son huile d'olive, Luc Cartier a sélectionné une gamme bio (champagne, bière, conserve de canard, confiture). Ses ventes (caveau et restauration) représentent ainsi près de 40 % du chiffre d'affaires du domaine. Le reste de la production part à l'étranger (Etats-Unis, Japon, nord de l'Europe). Les pays nordiques, à la recherche de vins biologiques, se sont très tôt intéressés à sa production, qui bénéficie de la mention ' Nature et progrès '.

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