Les deux régions les plus avancées en matière de dépollution des effluents vinicoles ont réussi à équiper la majorité de leurs chais à un coût supportable.
En 1996, la préfecture du Maine-et-Loire perd patience. Elle estime que les études et les réflexions engagées depuis le début de la décennie sur le traitement des effluents vinicoles s'enlisent. Afin de forcer la profession à agir, elle prend deux arrêtés qui paraissent début juillet : l'un interdit tout rejet dans un réseau pluvial, un fossé ou un cours d'eau ; l'autre indique aux entreprises produisant 500 à 2 000 hl/an les règles à suivre pour éliminer proprement leurs eaux usées. Les domaines plus petits restent libre de les traiter à leur guise, à condition de se plier à l'interdiction de déversement.Pour un peu, ces mesures auraient été d'application immédiate. Mais la fédération viticole de l'Anjou a exigé deux ans de délai. Et elle s'est mise au travail. Elle a négocié des subventions. Elle a obtenu que la moitié des frais tant d'étude que de réalisation soit prise en charge par l'agence de bassin, le département et la région. Puis les responsables professionnels sont allés convaincre leurs collègues. ' Nous avons dit : tout le monde doit appliquer le texte. Plus personne ne doit rejeter ses eaux sales dans le ruisseau ', indique Olivier Leconte, le vigneron chargé de la question. Malgré cela, en juillet 1998, le taux d'équipement était encore insuffisant. Il a fallu négocier un nouveau report. Ce fut juillet 2000. Après cette date, les domaines qui n'auraient démarré aucun projet de mise aux normes ne pourraient plus bénéficier d'aucune subvention. La menace a produit ses effets. ' Nous avons 1 200 déclarants de récolte dans le département et nous avons traité 700 à 800 dossiers ', explique Olivier Leconte. Ce sont essentiellement des systèmes de stockage des effluents en attente de leur épandage. Les frais d'étude se sont élevés à 3,5 millions de francs (MF). Pour financer les travaux, l'agence de bassin a retenu un montant de 37,8 MF, soit ' un coût moyen par exploitation de 57 000 F ', précise Olivier Leconte. Vu la règle qui régit les demandes de subvention, cette somme a rarement été dépensée. ' Au total, 16 MF ont déjà été utilisés, signale Véronique Caumont, qui a instruit les dossiers pour le compte de la fédération. Il faudra encore 8 MF pour achever les travaux en cours. ' Soit un total de 24 MF, dont la moitié financée par des aides. L'exact potentiel de production des chais ayant engagé ces dépenses n'est pas connu, mais il est proche de 850 000 hl. Les coûts d'équipement approchent donc 30 F/hl de vin. Ceux de fonctionnement sont très variables. Ils s'élèvent à 17 F/hl pour les vignerons raccordés à la station d'épuration de Varrains, près de Saumur. Dans le cas de l'épandage, ils tournent autour de 1 à 3 F/hl. Les vignerons qui ne paient que 1 F/hl sont aidés par leur commune. Dans l'Hérault, ce sont les coopératives qui terminent de s'équiper. Elles produisent les trois quarts de la récolte de ce département. ' Nous avons prévu 25 MF de travaux cette année, explique Tino Gonzalès, de la fédération des caves coopératives. Ce sont les derniers projets et les plus coûteux. Après, cela va se calmer car toutes nos caves sont dans les normes. ' Les premiers chantiers ont démarré voilà dix ans. Les installations bâties depuis lors ont coûté 200 MF, dont 57 % apportés par l'agence de bassin et le département. Huit sur dix sont des lagunes d'où les eaux s'évaporent naturellement. ' L'entretien est négligeable. Il suffit de curer le fond tous les cinq à dix ans et de bien dégriller au départ ', commente Tino Gonzalès. Les autres modes de traitement sont l'épandage dans 10 % des cas et la station d'épuration pour les 10 % restants. Selon la fédération, le coût moyen d'équipement se situe entre 25 et 35 F/hl de vin produit annuellement. Quant au coût de traitement, il s'élève à 3 F/hl/an, frais d'amortissement compris. Cependant, les caves dotées de stations d'épuration supportent des charges supérieure à 5 F/hl. Ces deux départements ont réussi à s'équiper à un prix comparable et jugé supportable. La Champagne a dû investir davantage. Entre 1995 et 1999, l'agence de bassin a retenu 120 MF de travaux, essentiellement pour construire des bassins de stockage aéré. Cette somme n'a pas été entièrement utilisée car des économies ont été réalisées entre la rédaction des dossiers et la réalisation des travaux. Elle a été dégagée pour construire de quoi dépolluer la moitié des rejets, soit ceux produits par la vinification de 1,1 Mhl de vin. En moyenne, le coût d'équipement se situe donc autour de 100 F/hl. A l'avenir, il risque de grimper car ce sont les effluents des petites caves qu'il faudra traiter. Or, leurs frais de raccordement aux unités de dépollution sont élevés. Dans les villages du Beaujolais et d'Alsace, les mêmes problèmes se posent, suscitant d'âpres débats. Car le traitement des effluents n'apporte pas d'autre bénéfice que celui d'échapper aux redevances des agences de bassin ou à des amendes. C'est une charge et un souci supplémentaires. Il est légitime de faire en sorte qu'il coûte le moins cher possible.