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Coup de Trafalgar du Nouveau Monde

La vigne - n°121 - mai 2001 - page 0

Premier débouché en valeur à l'exportation, le Royaume-Uni boude nos vins au profit de ceux du Nouveau Monde. La crise pointe son nez, avec une chute des ventes de 13 % en volume et de 16 % en valeur.

Les statistiques britanniques résonnent comme autant de paires de claques. Alors que les importations de vins au Royaume-Uni ne cessent de progresser depuis cinq ans, la part de marché détenue par nos produits diminue et dépasse à peine les 25 % en 2000. En revanche, celle des vins du Nouveau Monde a plus que doublé entre 1994 et 2000, passant de 14 à 37 %, selon les statistiques du CFCE (Centre français du commerce extérieur). ' Nous n'avons pas su profiter de la croissance du marché ', constate Vincent Norguet, chargé de mission au CFCE. La situation est d'autant plus inquiétante que nos voisins d'outre-Manche sont nos premiers clients à l'export en valeur, et les seconds en volume. Si l'effritement est perceptible depuis au moins quatre ans, il s'est grandement accéléré l'an passé, avec une chute des exportations françaises de 13 % en volume et de 16 % en valeur, par rapport à 1999. ' Les ventes de fin d'année ont permis de redresser légèrement la barre, note un observateur. Le plongeon, sur les neuf premiers mois, était respectivement de 17,7 et 23,2 % ! ' Le coup est d'autant plus rude que la ' crise ' est loin d'être générale. Les pays du Nouveau Monde ont tous enregistré, sur les deux dernières années, des taux de progression à deux chiffres. Le compétiteur le plus dangereux pour la France est l'Australie qui, avec une progression de 35 %/an au cours des cinq dernières années, représente aujourd'hui près de 15 % du marché britannique. ' Pour la première fois en novembre et décembre 1999, l'Australie est passée devant la France en parts de marché en volume chez les cavistes ', déplore Jean-Luc Dairien, directeur de l'Onivins. Du côté de la valorisation, la situation n'est pas rassurante non plus. Quand on analyse le positionnement des prix des pays fournisseurs du Royaume-Uni, on constate que le consommateur britannique dépense en moyenne 4,39 £ (46,50 F) pour une bouteille australienne, contre 3,66 £ (38,75 F) pour un vin français !Si la tendance actuelle ne s'inverse pas, les analystes pensent que les exportations de nos concurrents des antipodes dépasseront les nôtres en valeur dès l'automne prochain, et en volume à partir du printemps 2002. Pour mieux comprendre les causes de la déroute française, l'Onivins a organisé les 23, 24 et 25 octobre derniers à Londres, une série de rencontres avec les opérateurs britanniques. Ces trois journées de ' diagnostic ' ont permis de faire le point avec des professionnels du commerce (importateurs, agents, distributeurs), de la presse et des cafés-hôtels-restaurants, et de dégager les atouts mais surtout les handicaps des vins français. Parmi les critiques : l'irrégularité de la qualité de nos vins, une offre trop fragmentée, un manque d'information sur l'étiquetage, des prix fluctuants et pas toujours justifiés par la qualité des produits... Le système des AOC est jugé avec sévérité. Pour certains professionnels britanniques, ' l'AOC est parfois utilisée comme une marque pour couvrir des vins de qualité inférieure '. Le système est qualifié d'' insuffisamment strict ', l'agrément ' trop laxiste et trop prématuré' avec, au final, ' une trop grande variété entre les vins d'une même appellation '. Face à ce constat d'échecs, il reste à trouver des solutions ! Le 28 mars, l'Onivins a organisé, à Paris, une journée de débat entre des opérateurs français et des professionnels britanniques de la distribution. A la tribune se sont succédés des spécialistes du marketing. ' La France a beaucoup à apprendre des vins du Nouveau Monde sur la stratégie commerciale ' explique Michael Paul, l'un des chefs de fil du développement des vins australiens outre-Manche. Ne nous y trompons pas, les moyens à débourser ne font pas tout. Selon ces experts, il s'agit surtout d'un ' état d'esprit '. ' Les professionnels australiens sont totalement orientés vers le marché. Ils analysent ce que veut le consommateur et essaient de répondre à sa demande ', déclare Angela Muir, du Harpers Wine & Spirit Magazine. A l'opposé, en France, ' le consommateur est souvent considéré comme connaissant a priori les vins français... et les appréciant '. Comme le rappelle Matthew Dickinson, ancien acheteur de Sainsbury's, l'une des principales chaînes de distribution alimentaire : ' En France, il est rare de trouver des entreprises qui appliquent de réelles stratégies commerciales, sauf en Champagne. Car le marketing, ce n'est pas seulement la création d'étiquettes. Cela implique d'être proche du consommateur, de prendre en compte ses goûts. S'il aime les vins fruités, ce n'est pas la peine de lui proposer des vins acides ! Le reste est souvent affaire de bon sens. ' Et d'expliquer que même si l'on n'a pas les moyens de s'offrir une étude de marché, rien interdit d'aller voir sur place comment se positionne la concurrence en matière de prix, de packaging... ' N'hésitez pas à demander conseil, à questionner vos acheteurs sur ce qui leur plaît ou ce que vous pourriez améliorer ', explique le directeur du marketing d'une grande firme britannique. N'oubliez pas que les interprofessions peuvent être une bonne source d'informations et d'analyses d'un marché à l'exportation. Autre handicap, mais cette fois structurel : le manque de noms commerciaux identifiables. ' Or, le Royaume-Uni est un marché de marques ', rappelle Andrew Gordon, président du comité des vins français à Londres. Pour s'en convaincre, il suffit d'analyser les parts de marché et les taux de progression enregistrés par Jacobs Creek (marque de vins australiens) et E & J Gallo (marque de vins californiens). Parce qu'elles ont l'assise financière suffisante, ces marques peuvent investir dans des études de marché, des agents commerciaux, mener une politique de communication et de promotion agressive... Selon Michael Paul, ' de nombreuses entreprises françaises n'ont pas le potentiel de volume suffisant pour investir dans un bureau permanent à Londres. Il leur reste à s'attaquer aux marchés de niche... '

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