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La grande distribution inspecte des chais

La vigne - n°121 - mai 2001 - page 0

La grande distribution n'hésite pas, régulièrement, à inspecter les négociants et les coopératives qui fournissent les vins vendus sous sa propre marque. Et souvent, les contrôleurs qu'elle envoie s'avèrent tatillons.

'La grande distribution veut montrer que les produits vendus sous sa marque sont parfaitement maîtrisés. Pour se couvrir au maximum, elle est susceptible de rajouter chaque année de nouvelles exigences dans son cahier des charges. ' L'analyse de ce responsable qualité d'une maison de vin d'Alsace résume la motivation qui pousse les enseignes à étoffer les effectifs de leur service qualité et à multiplier leurs audits sur le terrain.Selon l'enseigne et l'auditeur, les demandes et les remarques émises à l'issue de la visite peuvent énormément varier. Les cahiers des charges spécifiques au vin sont rares. Il s'agit plus fréquemment de la reprise des critères qui s'appliquent aux produits alimentaires, d'où régulièrement des demandes ' pointilleuses ' et ' un peu utopiques '. Le profil des auditeurs est tout aussi disparate. Les entreprises se retrouvent soit en face d'un ingénieur qualité ou d'un responsable achat, soit devant des interlocuteurs spécialisés, par exemple un oenologue. Leur point commun ? ' Tous des donneurs de leçon ', lance cet autre responsable qualité d'une cave coopérative en Provence, qui écoule quelque 800 000 bouteilles par an sous différentes marques de distributeurs. Qu'ils soient spécialistes du vin (une minorité) ou généralistes (une majorité), les auditeurs d'agrément peuvent conclure leur travail par des compliments. Cependant, avant de lire toutes ces lignes agréables, les responsables des caves sont contraints d'ingurgiter la longue liste des actions correctives qu'ils doivent entreprendre. Ces actions sont d'ordre général, mais aussi régulièrement liées à des demandes propres à l'enseigne, comme l'identification des palettes avec un code EAN 128 pour faciliter la réception en plate-forme logistique, le conditionnement dans un type bien précis de carton ou le remplacement des palettes en bois sur lesquelles reposent des bigbags de sucre par des palettes en plastique. Les limites des audits apparaissent sans cesse repoussées. ' Nous avons beau être très bons, on nous en demande toujours plus ', poursuit le responsable d'une maison champenoise, qui embouteille 500 000 cols par an pour des marques de grande distribution. Un auditeur a ainsi demandé la mise en place d'une traçabilité à la parcelle en six mois. Ou encore l'analyse d'une quantité de contaminants comme l'ochratoxine, les métaux lourds, les amines biogènes et les produits allergènes, le tout au prix de 9 500 F l'échantillon, ' alors que les limites maximales de résidus (LMR) dans les vins ne sont même pas fixées '. Parfois, les conclusions dérapent pour ' s'ingérer ' jusque dans la sécurité du personnel de la cave ou dans son système de classement de documents. La liste des actions correctives à entreprendre est fréquemment assortie d'un échéancier d'entrée en vigueur (immédiatement, trois mois, six mois). L'expérience aidant, les entreprises ne prennent pas toujours les dates butoirs au pied de la lettre. Car, comme le signale ce négociant d'un vignoble septentrional, ' les responsables de ces questions dans les enseignes changent souvent et la plupart du temps, eux-mêmes avancent à tâtons '. ' Quand on explique pourquoi on oppose une fin de non-recevoir, les auditeurs comprennent ', poursuit une responsable d'une coopérative provençale. La réaction des maisons de vins privilégie des actions qui ne nécessitent pas ou peu d'investissement. L'analyse de résidus de pesticides est une concession qu'elles font de plus en plus fréquemment, devant l'insistance des Britanniques notamment. ' C'est le seul point sur lequel nous cédons. Sinon, la réponse est uniquement positive sur les points qui étaient déjà programmés ', soutient-on en Champagne. Ailleurs, il a fallu faire d'autres concessions. A la demande d'une enseigne britannique, une entreprise du Bordelais, chez laquelle les marques distributeurs représentent environ la moitié de l'activité, a accepté de passer au contrôle horaire pour le niveau de remplissage des bouteilles qu'elle lui vend. Cela ne lui a occasionné que des frais de main-d'oeuvre. Un autre producteur a cédé à la demande d'un hard discounter qui exigeait un contrôle de conformité de l'étiquetage et un test des bouteilles auprès de consommateurs. Les deux contrôles ont été confiés à un laboratoire indépendant, qui a facturé le premier 400 F et le second 8 000 F.Tous ces frais viennent gonfler les dépenses. Et ' ces efforts ont du mal à être valorisés ', déplore ce commercial alsacien. ' Nous avons adopté la démarche de certification pour fournir un argumentaire à nos commerciaux et limiter les audits des acheteurs de la grande distribution, mais cela ne les empêche pas de nous inspecter ', reconnaît-on en Champagne. Cette multitude de contrôles apporte-t-elle quoi que ce soit ? ' Un regard extérieur n'est pas forcément inintéressant ', indique-t-on dans le Bordelais. ' Il y a des remarques judicieuses. Un auditeur nous a conseillé de capoter un convoyeur et de poser des pièges à nuisibles ', enchaîne-t-on dans cette maison de vins d'Alsace, produisant 30 000 bouteilles par an sous une seule marque de distributeur. Mais le plus apprécié reste le classement des sites audités publié par une enseigne. C'est l'occasion ' de se situer par rapport aux collègues '.

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