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Haro sur la pollution par les phytos

La vigne - n°122 - juin 2001 - page 0

Le temps de la tolérance à l'égard de la pollution des eaux par les produits phytosanitaires est révolu. L'administration se prépare à adopter de nouvelles mesures nationales ou locales pour y mettre fin.

Début 1997, le ministère de l'Agriculture dévoilait son plan d'action ' Produire plus propre ', annoncé quelques mois plus tôt. Il abaissait de 1 500 à 1 000 g/ha la dose autorisée de simazine et de 2 500 à 1 800 g/ha celle de diuron.Dans les prochaines semaines, ce plan pourrait bien connaître un second chapitre. Début mai, le ministre saisissait la commission des toxiques. Il lui demandait ' s'il y a lieu de renforcer les mesures déjà prises afin de prévenir le transfert des triazines dans les eaux '. Il lui accordait environ un mois pour rendre sa réponse. Dans le même temps, ses services ne faisaient aucun mystère de la forte probabilité qu'un tour de vis soit donné. ' La pression est de plus en plus forte à l'encontre des pesticides dans les eaux. Il faut réagir ', expliquait-on à la direction de la Protection des végétaux du ministère. Concrètement, deux dispositions pourraient être retenues : réduire encore les doses autorisées de triazines et interdire leur utilisation à proximité des rivières. La seconde s'applique déjà à l'atrazine en Bretagne et, sur tout le territoire national, à l'Elios/Legend, au Teldor/Lazulie, à l'Eperon, au Verita/Elicio et à l'Arte/Duo Fast. Le premier ne doit pas être pulvérisé ' à moins de 5 m d'une pièce d'eau ', le second pas ' à moins de 6 m d'un point d'eau permanent ou temporaire ', le troisième ' pas à moins de 18 m '. Pour les suivants, il faut ' respecter une zone tampon de 24 m ', lit-on sur les étiquettes. Ces restrictions d'usage ont été imposées lors de l'homologation. A la faveur de la révision des anciennes molécules, elles devraient s'appliquer à un nombre croissant de produits. Elles visent à empêcher qu'en cas de dérive par le vent, les traitements se soldent par la destruction d'algues, de poissons ou de daphnies. Elles résultent de la procédure européenne d'homologation qui exige d'évaluer l'impact des matières actives sur la faune et la flore aquatiques et qui demande aux Etats membres de prendre, si nécessaire, des mesures d'atténuation des risques d'accidents. On pourrait ne voir là qu'une réglementation théorique impossible à contrôler. Erreur. En 1998, les préfectures des quatre départements bretons prenaient un arrêté interdisant d'appliquer de l'atrazine à moins de 15 m des rivières. L'année suivante, en juillet, le Parlement donnait à l'administration les moyens juridiques d'en contrôler l'application. Il adoptait la loi d'orientation agricole, dont un article dit que les agents de la Protection des végétaux sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux règles d'utilisations des produits phytosanitaires. Et en 2000, les Bretons ont prouvé qu'ils avaient les moyens techniques de le faire. Les agents du service régional de la Protection des végétaux ont prélevé de nombreux échantillons de terre en bordure de rivière. Ils en ont récolté 27 anormalement riches en désherbant. Ils en ont déduit que la zone sans traitement n'avait pas été respectée. Ils ont dressé autant de procès-verbaux. En février, deux agriculteurs ont été jugés et reconnus coupables d'infraction sur la base des preuves indirectes fournies par l'administration. Ils ont été condamnés à des amendes avec sursis.Une seconde campagne de prélèvement aura lieu cette année. A nouveau, elle se limitera à la Bretagne. ' Nous avons un problème dominant, c'est celui de l'atrazine sur le maïs, indique-t-on à la Protection des végétaux à Paris. De ce fait, nous n'allons pas nous disperser. ' Les vignerons ne sont donc pas en première ligne... mais sur la suivante. La simazine et le diuron sont les matières actives les plus fréquemment retrouvées après l'atrazine. Or, elles s'écoulent essentiellement des vignobles. Les réductions de doses décrétées en 1997 n'ont pas annulé ces fuites. De nombreuses sources et cours d'eau restent contaminés. En Champagne et en Bourgogne, les vignerons s'en sont activement préoccupés. Les premiers ont déjà fortement réduit l'utilisation des herbicides gênants ; les seconds l'ont fait localement pour protéger la source de Vosne-Romanée. Ils se sont engagés à prendre, dès cette année, les mêmes précautions sur l'ensemble de leur département. Dans ces régions, comme en Languedoc-Roussillon, l'administration a pris acte des efforts engagés. Elle attend d'en apprécier les résultats. D'ici là, elle n'a pas l'intention d'engager un bras de fer. En Anjou, en revanche, la profession tarde trop à réagir aux yeux des autorités locales. Simazine et diuron polluent de manière persistante le Layon et l'Aubance. A la Protection des végétaux des Pays de Loire, on s'en agace ouvertement. ' Les professionnels savent bien que l'application de simazine sur la vigne pose un problème. S'ils ne sont pas capables d'assurer, de façon concertée, une réduction d'emploi, cela se fera par la voie réglementaire. La campagne 2001 le dira ', prévient le directeur du service régional. Comme ses homologues de Bretagne, la préfecture du Maine-et-Loire est prête à prendre un arrêté pour accélérer le rétablissement des rivières. Le temps de la tolérance à l'égard de la pollution par les produits phytosanitaires touche à sa fin.

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