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archiveXML - 2001

Des grands vins de Bourgogne se vendent comme des cinquièmes crus du Médoc

La vigne - n°123 - juillet 2001 - page 0

En 1861, quand meurt le dernier Ouvrard, descendant du banquier de Napoléon, le clos de Vougeot n'est pas encore morcelé.

Propriété des moines de l'abbaye de Cîteaux, devenu bien national et vendu en 1791, le clos de Vougeot (commune de Vougeot) est acquis en 1818 pour le compte de Julien-Jules Ouvrard, fils de Gabriel-Julien Ouvrard, le célèbre banquier de Napoléon 1 er.A cette époque, le clos de Vougeot est compté pour 44,74 ha. S'y adjoignent bientôt d'autres vignobles prestigieux, tous situés dans la côte de Nuits, en particulier la fameuse Romanée-Conti (1,80 ha) et des crus de Chambertin (3,71 ha), soit au total 50 ha environ, aujourd'hui tous en grands crus. Presque tout le vin est vendu en gros à la Compagnie des grands vins de Bourgogne, société dans laquelle le fils Ouvrard possède des parts. Par un abonnement signé quelques années auparavant, le propriétaire vend ses grands crus au prix uniforme de 325 F la pièce de 228 l (143 F/hl) ; il garde quelques pièces pour sa consommation et pour la vente à certains particuliers, dont les Péreire, des banquiers parisiens. La qualité des vins tient surtout à une production moyenne faible, 15 à 18 hl/ha, mais avec une grande variabilité des rendements : 8 hl en 1864, 24,7 hl en 1868 et 34 hl en 1860. L'inventaire permet de constater que les caves sont bien pleines : la récolte 1860 est encore en cercles, estimée, on l'a vu, à 325 F la pièce ; on dénombre 746 pièces, soit 1 700 hl. Le prix peut paraître faible. En effet, pour la même vendange, les premiers crus du Médoc se vendent de 5 000 à 5 500 F le tonneau de 900 l, soit environ 1 300 F la pièce, quatre fois plus. En fait, ces vins de Bourgogne sont commercialisés comme des cinquièmes crus du Médoc. Des vins vieux sont conservés en quantité, à la fois en cercles et en bouteilles. Au clos, 35 pièces de 1857 à 1859 sont estimées de 600 à 800 F la pièce, la hiérarchie des prix mettant en tête le romanée-conti, puis le clos-de-vougeot, le chambertin, alors que les vins ordinaires de pinot ou de gamay vont de 130 à 200 F la pièce. A cette époque, le gamay d'Argenteuil, en région parisienne, se vend de 50 à 60 F la pièce. En outre, on compte 2 170 bouteilles de grands crus, les plus anciennes de 1815, valant 7 F en moyenne, mais un clos-de-vougeot rouge de 1815 atteint 17 F (on notera qu'il y a aussi quelques bouteilles de clos-de-vougeot blanc), un romanée 1822 et 1825 coûte 13,50 F. Il faudrait multiplier tous les prix par vingt environ pour suivre le coût général de la vie. Un simple calcul montre que les meilleurs de ces grands crus ne coûteraient que 350 F environ la bouteille, la moyenne se situant plutôt dans les 150 F. A l'époque, les amateurs pouvaient se dire comblés pour pas cher.

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