PEU À PEU, les bâtiments retrouvent leur aspect d'origine, avec des murs refaits à neuf. © C. MICHELIN
Située à quelques kilomètres à l'ouest de Vosne-Romanée, en Côte-d'Or, sur les hauteurs de Vergy, dans les Hautes Côtes, l'abbaye de Saint-Vivant n'était plus qu'une « ruine romantique », se souvient Aubert de Villaine, quand il décide de l'acheter en 1996. Ce haut lieu de la religion catholique fut en partie détruit pendant la Révolution, puis abandonné. En 1996, le vigneron, copropriétaire de la Romanée-Conti, « prend conscience d'une responsabilité pour ce tas de pierres du passé bourguignon ». Il décide de le sauver de l'oubli.
Fondée aux environs de l'an 900 pour abriter des reliques du saint vendéen Viventius (saint Vivant), cette abbaye devint fille de celle de Cluny à la fin du XIe siècle. S'y succèdent alors de nombreuses générations de moines bénédictins qui, à côté des moines cisterciens, délimitèrent les « climats » de Vosne-Romanée et de Flagey-Échézeaux.
Au cours du temps, le bâtiment d'origine a disparu. Sur ses ruines, ont été érigés un monastère bénédictin avec son cloître, une église romane de 45 m de long, des annexes, cours et jardins. L'ensemble, inscrit à l'Inventaire des monuments historiques, est en cours de rénovation. Pour sauvegarder le site, Aubert de Villaine a créé l'association L'Abbaye de Saint-Vivant en 1999. Grâce à la générosité de multiples donateurs privés et à des subventions de l'État, d'importants travaux ont pu être lancés.
L'entreprise Jacquet, chargée de les réaliser, a commencé par « cristalliser » les ruines pour les protéger, en les recouvrant d'un toit. Plus récemment, elle a restauré des caves sur deux niveaux. « Ces caves sont monumentales. Elles ne sont pas enterrées, mais les murs sont tellement épais que, même par forte chaleur, la température y est idéale pour élever des vins », perçoit Aubert de Villaine.
Les artisans n'utilisent que des techniques et des matériaux traditionnels. Ils emploient au maximum les pierres issues du site et les scellent au mortier de chaux. S'ils ont besoin de pierres neuves, ils les choisissent pour qu'elles soient le plus proche possible de celles d'origine. Et, comme autrefois, ils les numérotent toutes avant de les placer.
Une bouteille de vin a été découverte durant le chantier. Les scientifiques l'ont datée entre 1780 et 1820. Juste après les prélèvements nécessaires aux analyses, Aubert de Villaine a dégusté ce vin exceptionnel. « C'était un liquide blanc avec des paillettes de couleur. Après deux cents ans, ce n'était plus tout à fait du vin, mais on a tout de même eu l'impression d'en boire. Puis, après, il s'est évaporé. C'était magnifique », assure le vigneron.
Depuis le début des travaux, plus d'un million d'euros ont été investis pour la rénovation. Afin de collecter des fonds et de remercier ses mécènes américains et asiatiques, l'association organise régulièrement des événements prestigieux. Le 26 mai dernier, elle a ainsi donné une soirée au château du Clos de Vougeot, avec un concert de musique classique.
« Ce lieu ne mérite pas de disparaître. Les moines agronomes de Saint-Vivant ont dessiné le vignoble avec son patrimoine de cabotes (cabanes en pierre sèche), de murgers (murailles) et de clos qui existe toujours. Ce site est la mémoire d'une époque qui a inventé la viticulture. C'est une histoire formidable que celles des moines bénédictins et cisterciens. Ensemble, et un peu en compétition, ils ont commencé à planter du pinot noir et l'ont multiplié par provignage. Ce savoir-faire s'est transmis jusqu'à l'arrivée du phylloxéra. L'attachement et le respect de ces traditions permettent à la Bourgogne de conserver sa notoriété », exprime, avec une douce ferveur, Aubert de Villaine.