La situation économique est difficile dans de nombreux vignobles, notamment en raison de mauvais vins arrivant sur le marché. Pourtant, moins d'une cave sur deux aurait un paiement différencié en fonction de la qualité.
Sur le plan commercial, les caves coopératives obtenant les meilleurs résultats ont engagé depuis plusieurs années des démarches de progrès. Elles s'appuient sur l'amélioration des moyens de vinification mais aussi sur la mise en place d'un paiement différencié des apports en fonction de leur qualité. ' Les pionniers ont démarré il y a dix ans. Depuis, nous avons pris du retard. Il aurait fallu accélérer le mouvement, mais tout se vendait bien.... Aujourd'hui, les caves n'ont plus le choix ', souligne-t-on à la fédération des caves coopératives de l'Hérault. Même le ministre de l'Agriculture a mis le doigt là où ça fait mal, en déclarant début juin : ' Quand les caves auront mis en place une politique permettant au vigneron faisant de la qualité d'être mieux payé que celui qui joue uniquement la carte de la quantité, un pas décisif aura été franchi. 'Le mode de paiement est détaillé dans le règlement intérieur de chaque cave, un domaine sur lequel les fédé- rations interviennent peu. A tel point qu'il n'est actuellement pas possible de savoir officiellement au niveau national, combien de caves (il y en a mille en tout) pratiquent un paiement différencié ! Difficilement compréhensible. Dans le cadre du recensement agricole, une enquête exhaustive des entreprises coopératives a été demandée. Elle comporte plusieurs questions sur le mode de paiement, et devrait être achevée dans deux ou trois mois. Au niveau des fédérations départementales ou régionales, quelques évaluations ont été faites. Dans les Pyrénées-Orientales, 25 à 30 % des caves pratiqueraient un paiement différencié. En Aquitaine, le pourcentage dépasserait 50 %, et dans l'Aude, l'un des départements pionniers, il atteindrait 70 %. A priori, au niveau national, moins d'une cave sur deux pratiquerait le paiement à la qualité. Changer uniquement le système de paiement n'a aucun sens. ' Il doit être le reflet d'un vrai projet de développement collectif ', souligne-t-on à la fédération des caves coopératives de l'Aude. Mais si ce projet évacue l'aspect rémunération, il n'a pas beaucoup de chances d'aboutir. Pour aller au bout de la démarche, il faut un vrai courage politique à l'équipe dirigeante.. Imposer autoritairement le changement n'est pas possible : ceux qui ont essayé sont allés à l'échec. L'évolution doit être comprise et portée par une majorité de coopérateurs. D'où les difficultés pour hausser le rythme... Mais le temps presse car les problèmes économiques empirent, notamment pour les vins de table et les vins de pays en vrac.Pour réussir, les caves ont besoin de conseils extérieurs et ne peuvent pas faire l'économie de la réflexion. ' Il n'y a pas de recette toute faite. Chaque coopérative doit élaborer son système en tenant compte de sa structure et de ses objectifs ', souligne Laurence Hugou, de l'institut coopératif du vin, organisme qui propose des modules d'accompagnement de deux à trois ans sur le management de la qualité. Pour éviter les contestations, la fiabilité des méthodes d'éva- luation des critères qualitatifs est essentielle. Les règles doivent être écrites et expliquées aux adhérents avant les vendanges. Le but n'est pas de réaliser un agréage sanction, mais plutôt d'orienter les pratiques à la vigne de façon à recevoir des raisins de meilleure qualité. ' Dans les caves, le nombre de techniciens a doublé en un an, pour accompagner tous ceux souhaitant progresser. Des commissions ont été créées, qui tournent dans les vignes. L'oeil du voisin est encore plus stimulant que le résultat de l'agréage. Utilisons le groupe pour créer de l'émulation plutôt que de l'inertie ', affirme Gilles Grenier, le président de la fédération des caves coopératives de Gironde. Lorsque la spirale du progrès s'enclenche bien, la qualité des raisins et des vins progresse, et la cave améliore son positionnement sur le marché. ' En 2000, pour le chardonnay, nous avons rémunéré la catégorie 1 à 900 F/hl, la catégorie 2 à 750 F, et la catégorie 3 à 300 F, soit le prix de la distillation. En nous appuyant sur cette sélection, nous pouvons proposer aux acheteurs la typicité qu'ils attendent sur ce cépage. Pour la récolte 2001, nous avons décroché un contrat avec le distributeur anglais Sainsbury, qui va nous permettre de doubler nos ventes en bouteilles ', explique Patrice Poupelin, le président de la coopérative de Puisserguier, dans l'Hérault. Pour disposer de la qualité nécessaire, la cave a informé les vignerons en avril de la nécessité de faire tomber des raisins, car la sortie de grappes était abondante. ' A chacun ensuite de prendre une décision, d'embaucher du personnel supplémentaire et de s'engager. Nous sommes des chefs d'entreprise réunis pour vinifier et vendre ensemble. La coopérative n'est pas là pour nous fournir une assurance tous risques. 'Un tel fonctionnement ne s'est pas mis en place en un jour. La cave s'est engagée dès 1989 dans une démarche de progrès. Elle a réalisé des sélections, fait déguster les cuvées obtenues et expliqué son projet durant quatre ans avant de modifier les paiements. Le système s'appuie sur une évaluation du potentiel qualitatif à la parcelle ; il a évolué au fil des années et reste perfectible. Sur le chardonnay, il fonctionne bien et, aujourd'hui, 80 % des apports sont classés en catégorie 1. Sur les cépages rouges, le différentiel de prix, qui n'est que de 100 à 150 F/hl, reste peu incitatif. ' Nous avons traversé trois années difficiles. Le marché était porteur et tout se vendait. Des coopérateurs se demandaient si cela valait le coup de continuer à faire des efforts pour ne pas être mieux payés que dans les caves voisines. Aujourd'hui, ils ne se posent plus la question. Sur un marché devenu difficile, nous avons vendu 90 % de la récolte 2000. '