Le grand salon mondial des vins et spiritueux s'est tenu à Bordeaux. Derrière le ' business ' pointent des inquiétudes fortes quant à l'orientation future des marchés.
Vinexpo est indéniablement un grand et beau salon. Tous les chiffres le montrent. Du 17 au 21 juin 2001, la biennale s'était installée au parc des expositions de la préfecture girondine pour la onzième fois. Toute la planète vin était présente : producteurs, négociants et coopératives du monde entier ; acheteurs de la grande distribution, de l'hôtellerie-restauration, du duty free... Devant la demande, les organisateurs avaient même installé un hall supplémentaire (hall 3).2 400 exposants, venus de 43 pays, se sont donc retrouvés sur 40 500 m² de stands. Des demandes, équivalentes à 8 000 m², ont dû être refusées par manque de place. 60 % des surfaces étaient occupées par la France, premier pays exposant, devant l'Italie, l'Espagne et les Etats-Unis. Pour renforcer le côté international de la manifestation, le Chili et l'Argentine ont bénéficié, respectivement, de 26 et 65 % de surface en plus par rapport à 1999. Au niveau de l'affluence, le bilan est celui prévu : 54 000 visiteurs professionnels, venant de 130 pays, sont venus faire leurs achats. 28 % des visiteurs étaient des étrangers (+ 6 % sur 1999). Mais derrière les chiffres, il y a d'autres réalités. Le paysage mondial du vin est en pleine recomposition avec la montée en puissance des pays du Nouveau Monde. Du coup, chacun se demande quelle part du gâteau il aura demain. Après plusieurs belles années, de nombreux indicateurs passent à l'orange, voire au rouge dans plusieurs pays. En l'absence de ' lisibilité ', on percevait de l'inquiétude dans les propos de nombreux exposants. ' Le niveau mondial des plantations et l'évolution récente des rendements dans l'Union européenne laissent craindre, à moyen terme, l'entrée dans un cycle d'engorgement du marché mondial du vin. Cela est dû à l'accroissement trop rapide de l'offre par rapport à une demande dont le décollement quantitatif global se fait attendre, mais également à une possible inadaptation qualitative de l'offre à la demande : trop de vins de cépage, voire trop de vins blancs de table ', analyse un expert. ' Quand on voit tous ces vins du monde entier et leur qualité irréprochable, on est inquiet. J'ai l'impression que les vins français ne sont plus à la mode ', explique un vigneron bordelais, venu au salon pour ' s'imprégner ' de ce qu'il se fait ailleurs. Autour des stands californiens, australiens et sud-africains, c'était la ruée permanente ; beaucoup moins du côté de la Grèce, par exemple... ' On arrive à travailler si on a bien préparé son salon. Dans le cas contraire, cela peut être un échec cuisant, et vu le prix des stands... ', analyse un exposant français. Allusion notamment au fait que les acheteurs ont des carnets de rendez-vous ne leur permettant plus de passer du temps à découvrir. ' On parle prix, quantités et délais. A la limite, sans vin à déguster sur les stands, cela ne changerait pas grand-chose ', ironise un collègue. ' La concurrence est dure. On doit convaincre et vendre. C'est aussi un bon salon pour voir tout ce qui bouge ', explique un exposant argentin... avant d'écourter fébrilement la conversation pour rattraper un acheteur belge qui passait au bout de l'allée ! Vinexpo est de plus en plus le rendez-vous des grands opérateurs et des marques, des poids lourds de la viticulture mondiale. Rares sont les vignerons indépendants pouvant s'offrir un stand en dehors d'une structure collective syndicale ou interprofessionnelle, le plus souvent subventionnée. ' On nous rogne d'ailleurs régulièrement quelques mètres carrés. .. ', explique une responsable du Midi. Un choix assumé par l'organisateur : il surfe aujourd'hui sur la vague alors qu'il y a quelques années, il était content d'avoir les ' petits '. Point de vue concordant du côté des Espagnols : ' Il n'y a plus de convivialité. Ce rendez-vous n'est plus à taille humaine : on y vient parce qu'il faut y être, mais cela demande réflexion. ' Vu le positionnement très haut de gamme de Vinexpo, un appel d'air se crée pour des manifestations plus régionales de ce type. La confiance en trompe l'oeil s'est aussi manifestée sur ce salon via les analyses ' parasitaires ' autour de la sortie des primeurs à Bordeaux. Ce type de commercialisation ne concerne que quelques centaines de propriétés réputées. ' Par rapport à 1999, les prix des vins du millésime 2000 se sont envolés et, par amalgame, beaucoup pensent que l'ensemble des bordeaux atteint des sommets... alors que le gros des troupes rame ! Les messages sont brouillés, déplore un négociant. Les Anglais nous disent souvent que nous ne sommes pas sérieux. 'Le prochain Vinexpo aura lieu à Bordeaux entre les 22 et 27 juin 2003. En attendant, deux rendez-vous se tiendront à l'étranger : Vinexpo Asia Pacific à Tokyo (Japon), du 4 au 6 juin 2002, et Vinexpo Americas (une première) à New York, du 22 au 24 octobre 2002.