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Les agences immobilières florissantes

La vigne - n°125 - octobre 2001 - page 0

Devenir vigneron est un doux rêve caressé par de nombreuses personnes en mal de nature. L'arrivée de ces nouveaux acheteurs a fait grimper les prix des domaines et a contribué à la naissance des agences immobilières spécialisées en viticulture.

On les imagine volontiers franciliens, anglais ou belges, la cinquantaine aisée, cultivés et oenophiles. Mais qu'en est-il réellement du profil des clients des agences immobilières viticoles ? Chez Vignobles Investissement, à Montpellier, Michel Veyrier a dénombré plusieurs types d'acheteurs de vignobles méditerranéens. De l'oenophile, issu d'une profession libérale, qui débute une nouvelle carrière professionnelle, au chef d'entreprise âgé de 50 à 55 ans, s'installant en semi-retraite dans une grande propriété de caractère ; du vigneron bordelais ou bourguignon élargissant sa gamme au professionnel du tourisme, qui créera des chambres d'hôtes et organisera des séminaires, sans oublier les institutionnels (banques, compagnies d'assurance...) privilégiant les grands domaines à forte notoriété. Tous sont à l'affût des domaines viticoles du pourtour méditerranéen, les autres régions étant elles aussi convoitées.
A cette liste, Jean-Michel Beaufils, gérant d'Horizons SARL, à Rivière (Indre-et-Loire), ajoute un autre type de candidat à l'installation : les jeunes actifs de 25-30 ans, de formation agri-viti, travaillant déjà dans le métier en tant qu'oenologue ou commercial dans les produits phytosanitaires.
Alors que dans le Midi, les ventes d'outils de production complets sont importantes, il en est autrement à Bordeaux. Les ventes de parcelles représentent une grande partie de l'activité de Bernard Desmartis, gérant de l'agence Bordeaux Vignes et Châteaux : ' C'est vrai, 70 % de nos demandes concernent des produits à 10 millions de francs comprenant une belle maison, quelques hectares de vignes autour, le tout à 30 minutes maximum de Bordeaux. J'ai environ 250 acheteurs motivés dans mon fichier pour seulement quinze à vingt propositions de cette nature. Mais dans les faits, 80 % de mes acheteurs sont bordelais. Ce sont des négociants qui souhaitent investir dans la vigne pour assurer une partie de leur approvisionnement à un rapport qualité/prix correct, ou des vignerons qui désirent élargir leur gamme ou installer un enfant. On pourrait croire que les affaires se déroulent entre voisins mais, en fait, les vendeurs sont très discrets sur leurs projets, car ce n'est jamais très bon, d'un point de vue commercial, d'annoncer que l'on est à vendre. Le vendeur nous rencontre par souci de discrétion mais aussi pour avoir une idée précise de son bien. '

Les agences spécialisées en viticulture sont naturellement nées dans le Midi il y a une dizaine d'années, quand des investisseurs non régionaux se sont intéressés aux vignes. Quelques agences, dirigées par des professionnels de la viticulture ou du vin, se sont installées pour mettre en contact vendeurs et acheteurs. Elles accompagnent souvent les acheteurs dans leur installation en les mettant en relation avec des concepteurs de chai, des oenologues, des architectes... L'apparition d'intermédiaires marque une rupture entre ce qui s'était toujours pratiqué. Elle marque aussi le début de la flambée des prix dans certaines régions touristiques, la rentabilité n'étant pas toujours - voire rarement - une priorité pour l'acquéreur. ' Dans le Sud-Est, c'est le bâti qui fait la valeur du domaine, confirme José Canadas, de Demeures & Châteaux du Soleil, à Gigondas (Vaucluse). Les vignes sont souvent accessoires, pour se faire plaisir, et le prix de la propriété est sans commune mesure avec la rentabilité. Nous sommes actuellement dans un marché où les vendeurs font les prix, lesquels sont de 30 à 40 % au-dessus du marché. Derniers exemples en date : un domaine de 12 ha en côtes du Rhône, avec nom de village, comprenant un joli mas, s'est vendu 14 millions de francs, ou une propriété de 14 ha en côtes du Ventoux avec mas restauré est partie à 8,5 millions de francs. '
Parmi les acheteurs, les étrangers se font de plus en plus présents, séduits par l'art de vivre à la française. Ils représentent environ 50 % des acquéreurs de vignobles méditerranéens vendus par les agences immobilières et seulement 10 à 20 % des autres vignobles. Ils viennent principalement de pays francophones (Belgique, Suisse et Luxembourg), puis du Royaume-Uni et d'Allemagne. Les Américains et les Canadiens commencent également à prospecter.

Après le désir de produire son vin dans un cadre enchanteur et si possible ensoleillé, une nouvelle motivation est en train de poindre chez les investisseurs, celle de panacher son patrimoine. La méforme des valeurs boursières a tempéré certaines ardeurs et la vigne devient de plus en plus une valeur refuge, bien palpable et de surcroît socialement valorisante. Là encore, ce type d'achat n'intègre que très partiellement des objectifs de rentabilité. Certaines régions restent entre les mains d'investisseurs locaux. C'est le cas des vignobles du nord-est (Alsace et Champagne) où la petite taille de l'aire d'appellation limite les opportunités, tout comme le prix de l'hectare et la transmission de génération en génération du patrimoine rural.


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