De mauvaise grâce, la Bourgogne a revu ses procédures d'agrément. Sous la pression de l'Inao, ses trois organismes agréés ont imposé aux producteurs de fournir un bulletin d'analyses des vins prélevés dans leur chai. Jusqu'à présent, ils se contentaient d'adresser au laboratoire ceux jugés défectueux. En dehors de ce principe commun, chacun a fixé ses propres règles. En Côte-d'Or, elles conduisent à doubler le nombre de prélèvements pour arriver à un échantillon tous les 70 à 100 hl. Le premier de ces chiffres est annoncé par l'Union générale des syndicats, l'organisme agréé, le second par l'Inao. Bien qu'ils soient différents, ils font l'objet d'un même commentaire : ' Sur ce critère-là, nous sommes imbattables . '
Si l'on s'en tient à un autre critère, celui du nombre d'échantillons ramené au nombre d'appellations, la Côte-d'Or n'est plus en tête. La Saône-et-Loire fait mieux qu'elle. Dans ce département aussi, les dégustateurs ont deux fois plus de travail. Chaque appellation et chaque premier cru font l'objet d'un prélèvement par couleur et par tranche de 1 000 hl. Avant 2001, les agents de l'Inao ne ramenaient que deux échantillons des chais de moins de 500 hl. Et des chais de Chablis, ils n'en ramenaient qu'un. Désormais, ils en prendront autant que d'appellations revendiquées parmi les quatre existantes (petit chablis, chablis, premier cru et grand cru).
Ces changements en annoncent d'autres. Les syndicats de Saône-et-Loire et de Côte-d'Or envisagent d'exiger plus de sévérité de la part des dégustateurs. Ils ne veulent plus se contenter d'éliminer uniquement les vins souffrant de graves défauts. Cependant, ils ne savent pas encore comment faire accepter les conséquences d'un durcissement des jurys. Une idée serait de créer un fonds d'indemnisation des recalés. Beaucoup la refusent, estimant qu'ils n'ont pas à payer pour ceux qui travaillent mal.
A l'autre extrémité de la chaîne de contrôle professionnel, le BIVB (Bureau interprofessionnel du vin de Bourgogne) a décidé de renforcer son suivi de la qualité en aval (SAQ). ' Nous allons passer la surmultipliée , annonce Hubert Camus, le président. 4 000 bouteilles seront prélevées en 2002, contre 1 200 en 2001. Nous allons dégager des moyens pour que le jury d'experts puisse commander toutes les analyses nécessaires au diagnostic complet d'un vin. ' Dès 2003, le budget consacré au SAQ atteindra 0,30 Meuros (2 MF), soit quatre fois plus qu'en 2000.
C'est l'une des mesures du Projet Bourgogne, adopté le 26 juin par le BIVB, et qui en contient bien d'autres. L'interprofession a décidé de renforcer ses moyens de communication. Elle va se mêler de viticulture, en commençant par donner son avis sur le choix des clones et des porte-greffes. Elle veut que la mise en bouteilles dans la région (Bourgogne et Beaujolais) soit rendue obligatoire d'ici à cinq ans. Elle impose d'inscrire les mentions ' vin de Bourgogne ' sur les étiquettes des appellations régionales et ' grand vin de Bourgogne ' sur celles des communales, des premiers crus et des grands crus. Elles devront figurer sur les étiquettes imprimées à partir 2002.
Pour financer ses ambitions, le BIVB a planifié la hausse des CVO (cotisations volontaires obligatoires) jusqu'en 2006. Elles seront multipliées par 2,7. Par bouteille, elles passeront de 1,28 centime d'euro (8,4 centimes de franc) à 3,48 ceuros (22,8 c) pour les appellations régionales, de 2,21 ceuros (14,5 c) à 5,99 ceuros (39,3 c) pour les villages et les premiers crus, de 3,14 ceuros (20,6 c) à 8,51 ceuros (55,8 c) pour les grands crus.
C'est en Sâone-et-Loire que cette hausse a provoqué les plus forts grincements de dents. Dans ce département, la campagne 2000-2001 s'est soldée par une hausse de 20 à 25 % des stocks. Les vignerons ont encaissé, plus que ceux de Côte-d'Or, le recul des prix et des volumes en vrac des appellations régionales rouges. Leurs cuvées les moins réussies du millésime 2000 n'ont pas trouvé d'acheteur. Le 2001 étant hétérogène, on redoute qu'à nouveau le négoce opère une sélection drastique. ' Nous constatons que la situation se tend tous les jours, regrettait, fin décembre, Gilbert Vincent, le président de la fédération viticole de Saône-et-Loire. Si elle ne se débloque pas en janvier ou février, ce sera grave. ' Les deux autres départements bourguignons n'ont pas connu de telles difficultés. A la fin de la campagne 2000-2001, les ventes des opérateurs de la région avaient progressé, tant sur le marché national (+ 11 %) qu'à l'exportation (+ 7 %). Chablis a terminé sa campagne sans une goutte de vrac. Là-bas, personne ne doute que le millésime 2001 trouvera preneur bien qu'étant, lui aussi, très hétérogène, une partie des vendanges ayant eu lieu sous les tristes pluies de septembre, l'autre sous le soleil retrouvé d'octobre.
Au cours de l'année, les deux syndicats de ce vignoble ont signé une charte sur l'environnement pour se conformer aux attentes de l'Inao en la matière. ' Il n'y a rien de contraignant. C'est un encouragement, une démarche volontaire fortement conseillée ', explique-t-on. L'association des viticulteurs de Côte-d'Or a signé un texte plus précis. Elle s'est engagée à réduire, en cinq ans, les pollutions d'origine viticole, à savoir celles provoquées par les effluents, les résidus de pesticides et l'érosion. En 2000, elle avait déjà décidé de supprimer le diuron et les triazines. Par malchance, les herbicides susceptibles de les remplacer (Mission/Katana et Surflan) étaient indisponibles. L'an dernier, de mauvaise grâce, les vignerons ont dû en revenir aux triazines et au diuron !